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Blessures dans le rugby : l’onde de choc


(AFP PHOTO)

Médecins alarmistes, blessures en hausse vertigineuse, joueurs au bord de la rupture, licenciés en baisse… Vingt-deux ans après le passage au professionnalisme, le rugby s’interroge sur son modèle et ses dérives.

En France, Ligue (LNR) et Fédération (FFR) ont trouvé mardi un accord pour poursuivre ensemble le Grenelle de la santé, une initiative de la Ligue pour protéger la santé des joueurs.

Le même jour, une étude réclamant au gouvernement britannique d’interdire les contacts en pratique scolaire pour protéger les enfants, a entraîné les vigoureuses protestations de World Rugby.

En Angleterre toujours, berceau de ce sport, la grève couve chez des joueurs professionnels épuisés par le rythme des matches et de plus en plus exposés. La menace a été relayée ces derniers jours par les internationaux Billy Vunipola et Ben Youngs. « Quelque chose doit changer ou les joueurs vont se cramer », a réclamé Vunipola, qui s’est justement blessé samedi. Quatre mois d’indisponibilité.

En Top 14, les chiffres sont effrayants: de 466 « événements médicaux » observés en 2012-2013, on est passé à 867 en 2016-2017 (+86%). Les commotions cérébrales confirmées, principal sujet de préoccupation, ont elles aussi doublé (+92%): 53 en 2012-2013, 102 la saison passée. La progression des sorties définitives sur blessure (+55%) est considérable.

Commotions: protocole suffisant?

Présent lors de la première réunion du Grenelle, le 5 septembre, le neurochirurgien Jean Chazal s’est dit « très inquiet »: « les joueurs subissent des commotions cérébrales graves et de plus en plus nombreuses », avertit le praticien clermontois. Répétés, ces traumatismes crâniens peuvent avoir de lourdes conséquences sur le fonctionnement du cerveau.

Le protocole en vigueur a pourtant été renforcé: depuis le début de saison, les joueurs qui y sont soumis ont l’obligation de sortir 10 minutes minimum. L’analyse vidéo, mise en place progressivement dans les enceintes françaises, doit permettre un diagnostic plus précis.

Insuffisant, pour le neurologue Jean-François Chermann: « Ce n’est pas en 5 minutes, 10 minutes, un quart d’heure qu’on peut faire un diagnostic. (…) Dans au moins 30% des cas, il y a des joueurs pour lesquels on a dit qu’il n’y avait pas de commotion qui en ont bien une à 48h (après le choc), parce qu’il y a des signes qui se développent dans les 24h après la commotion ».

Illustration dimanche: le Toulonnais Romain Taofifenua est revenu en jeu contre le Stade Français après avoir manifestement perdu connaissance. « Quand on voit comment les commotions actuelles sur le terrain sont jugées, comme celle de Taofifenua, c’est totalement hallucinant », s’indigne Jean-François Chermann.

Répression, la seule issue?

La commotion cérébrale n’est pas le seul accident grave possible, prévient Jean Chazal: « Moi, je vois des plaquages destructeurs, à retardement, par derrière, sur un joueur relâché. L’aorte peut se désinsérer sur un tel choc: la personne fait une hémorragie interne et meurt en quelques secondes. Ça va arriver, je le dis », alerte le neurochirurgien.

Les intéressés prennent-ils conscience du danger? « Il y a de plus en plus de joueurs qui restent au sol », reconnaît le néo-retraité Thierry Dusautoir, interrogé par l’AFP. « Après, attention aussi parce qu’on y accorde plus d’importance qu’à une certaine époque. »

« Les gabarits ont évolué », estime le meilleur joueur du monde 2011. « La professionnalisation fait que les équipes sont mieux préparées. Il y a aussi une évolution des règles qui a été faite pour qu’il y ait plus de temps de jeu, plus de spectacle. »

Plus de jeu, plus d’intensité physique, plus de blessures: le constat est largement partagé. « La difficulté va être de réussir à protéger suffisamment les joueurs sans forcément dénaturer le sport », résume l’ex-capitaine du XV de France.

« Il n’y a qu’à adapter les règles et, surtout, sensibiliser les arbitres », estime Chazal. Depuis la rentrée, les cartons pleuvent en Top 14, conséquence d’une sévérité croissante des officiels. « A force de sanctionner, les comportements vont changer », se convainc Bernard Dusfour, président de la commission médicale de la LNR.

Le médecin clermontois Hubert Vidalin a une liste en tête de gestes à bannir définitivement: « plaquages la tête en premier, en avant, plaquages hauts, déblayages dans les rucks ou les mauls », voire même « le plaquage à deux ou en arrière ».

Le Quotidien / AFP