Le BGL Luxembourg Open laisse de plus en plus la place aux surprises, à l’image de la Japonaise Misaki Doi, 92e mondiale dimanche, le jour de son sacre. Faut-il s’en réjouir ou s’en inquiéter?
UN DERNIER CARRÉ DE MOINS EN MOINS «FORT»
Cela n’a pas été qu’une simple impression. Sur les cinq dernières années, jamais les demi-finales du BGL Open ne s’étaient disputées entre des joueuses dont le classement WTA moyen était aussi faible. Pour être plus clair, le classement moyen des quatre joueuses présentes cette année en demi-finales (Misaki Doi (n° 92), Alison Van Uytvanck (n° 47), Mona Barthel (n°55), Stefanie Voegele (n° 148)) culminait à une valeur de 85,5.
Cette édition 2015 se rapproche ainsi, de ce point de vue, de celle de 2012, où la moyenne tournait autour de 82,75, soit à peine mieux, même si le classement de l’Allemande Andrea Petkovic à l’époque (n° 182) était la conséquence d’une période entachée par les blessures. Là encore, aucune tête de série n’était parvenue à intégrer le dernier carré, même si Venus Williams, la gagnante, faisait figure de grande tête d’affiche en dépit d’un classement (n°41 à l’époque) qui la plaçait loin derrière les Jelena Jankovic (n°22), Sabine Lisicki (n° 25) ou Julia Goerges (n° 19), qui avaient disparu dès les premiers tours.
L’an dernier, une seule tête de série s’en était sortie, la Tchèque Barbora Strycova (tête de série n° 4), finaliste. Avec Annika Beck (n° 60), Denisa Allertova (n° 145) et Mona Barthel (n° 46), le classement mondial moyen des demi-finalistes s’élevait à 70,5, ce qui n’était pas extraordinaire non plus, il faut bien l’avouer.
Le dernier carré le plus «sexy», si l’on peut prendre ce raccourci et si l’on se base toujours sur les cinq dernières éditions du tournoi, remonte à deux ans. Il réunissait Caroline Wozniacki (n° 9), tête de série n° 1 qui avait tenu son rang en s’imposant en finale face à Annika Beck (n° 57), Sabine Lisicki (tête de série n° 3, n° 15 mondiale) et Stefanie Voegele (n° 58), pour un classement moyen de 34,75.
Sur les trois dernières années, on note donc une réelle «baisse de niveau» du tournoi en demi-finale, même si cela ne reste que théorique dans la mesure où le jeu affiché par les têtes de série n’a pas toujours été à la hauteur de ce qu’il aurait dû être…
LES TÊTES DE SÉRIE VRAIMENT MOTIVÉES?
C’est une question qui est revenue cette année encore, après les sorties de route d’Ana Ivanovic, Timea Bacsinszky, Sara Errani, Andrea Petkovic, Annika Beck et Sloane Stephens dès les deux premiers tours. À Kockelscheuer, on ne cachait pas ses doutes à l’image de Claude Lamberty, le président de la Fédération luxembourgeoise de tennis, qui disait ceci : «On ne peut pas parler de malchance quand il y a autant de joueuses éliminées. On peut jouer à 99 %… et à 120 %. Là, on a l’impression que les têtes de série tombent sans que ça ne génère une grande tristesse pour les joueuses.»
L’entraîneur et mari de Mandy Minella, la n° 1 luxembourgeoise, Tim Sommer a appuyé plus fort. «C’est évident que les meilleures viennent au Luxembourg pour des raisons financières, prétendait-il. La saison est longue (…), les joueuses sont fatiguées, et l’Open au Luxembourg est soit leur dernier tournoi de la saison, soit l’avant-dernier pour celles qui disputent le Masters de Singapour (…) où elles jouent pour des millions de dollars. C’est difficile, dans ce contexte, de générer un maximum de motivation. C’est un peu comme attendre d’un match amical de football la même intensité qu’un match de Ligue des champions. Les joueuses ne veulent pas perdre, mais si ça se corse, elles laissent tomber un peu plus facilement.»
EST-CE VRAIMENT MIEUX AILLEURS ?
Le BGL Open souffrirait de son placement dans le calendrier WTA, en fin de saison. Plusieurs joueuses ont expliqué leur sortie de route en usant de cet argument. La fatigue. Cela se tient. Il suffit de s’intéresser aux tournois féminins de même envergure, c’est-à-dire de niveau «international», dont le prize money tourne autour de 250 000 dollars, pour se rendre compte que les têtes de série tiennent davantage leur rang dans la première partie de saison.
À Auckland, en janvier, la finale a réservé un duel entre Venus Williams et Caroline Wozniacki, remportée par la première. La Danoise s’est reprise le mois d’après, en s’imposant en Malaisie. En mars à Katowice, il y a eu trois têtes de série en demi-finales, dont Agnieszka Radwanska (n° 6 mondiale). Le tournoi a été remporté par la Slovaque Anna Karolina Schmiedlova (n° 28 mondiale). En avril à Prague, c’est la Tchèque Karolina Pliskova (n° 13) qui s’est imposée, en mai à Marrakech, c’est l’Ukrainienne Elina Svitolina (n° 20).
Le contraste avec la fin de saison est réel. À Tashkent début octobre, il n’y avait plus aucune tête de série en demi-finale et il n’y en avait que deux en quarts. À Linz, la moitié des têtes de série n’a pas passé le 1er tour et il n’en restait qu’une seule en quart, la future gagnante Anastasia Pavlyuchenkova (n° 7, alors n° 33 mondiale).
Le tournoi de Hong Kong, qui se déroulait une semaine avant le BGL Open, est néanmoins le meilleur contre-exemple. Sept têtes de série avaient accédé aux quarts de finale, soit le maximum possible (Sabine Muguruza, n° 5 mondiale, avait déclaré forfait) et la finale a livré un beau duel remporté par Jelena Jankovic (alors n° 24) au détriment d’Angelique Kerber (alors n° 10).
Raphaël Ferber