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[BGL Ligue] Sommer (Jeunesse) et Nzita (Hamm) : «Francis Lalanne était une sorte de sponsor»


«Cette année-là, j'ai vécu cinq saisons en une seule», explique le gardien de la Jeunesse. (Photo: Jeff Lahr)

Vendredi soir, Kevin Sommer (Jeunesse) croisera Randy Nzita (Hamm Benfica) sur la pelouse du Cents. Deux hommes qui ont connu une grosse galère ensemble, voici 5 ans, en Belgique. Récit.

Un champion du monde, un chanteur connu, un château et quelques mensonges. Retour sur l’incroyable dernière saison du FC Bleid.

Belgique du côté de la Gaume, à moins de 5 kilomètres de Virton. Un petit village de 400 âmes qui a fait pas mal parler de lui voici quelques années grâce à son équipe de foot. Celle-ci est en effet passée en quelques années du plus bas des échelons à la D3 belge, un incroyable exploit pour une si petite entité. Une performance rendue possible par la volonté d’un homme, un mécène luxembourgeois aux origines italiennes bien connu : Renato Costantini. Mais comme beaucoup de belles histoires, celle-ci a connu une fin assez triste au début des années 2010.

Et Kevin Sommer, l’actuel gardien de la Jeunesse, et Randy Nzita, le défenseur du Hamm Benfica, y ont, à leur façon, pris part. Ils faisaient tous deux partie des renforts estivaux du club panis (du nom des habitants de ce village) lors de sa dernière saison. On est alors à l’aube du championnat 2011/2012. «Assez vite, nous avons été livrés à nous-mêmes…», se souviennent de concert les deux renforts d’un club que Costantini avait officiellement quitté quelques mois plus tôt (il allait bientôt prendre des fonctions de président du côté de Rodange…).
«Ce fut le début d’une année de folie. C’est un peu comme si j’avais vécu cinq saisons en une seule vu toutes les aventures auxquelles nous avons eu droit», continue Kevin Sommer, 22 ans à l’époque, qui débarquait de Mulhouse. «Mamadou Coulibaly (l’ex-international ivoirien passé à Rodange), notre capitaine, nous a coachés pendant un mois ou deux. Puis un repreneur alsacien est arrivé. Il nous a fait croire qu’il était riche à millions alors qu’il n’avait absolument rien.»

Un repreneur à qui tout le monde fait cependant confiance un temps, vu qu’il réussit à amener au club un entraîneur de renom, à savoir l’ancien gardien champion du monde français Lionel Charbonnier! «Sébastien Hamel, l’ex-portier du Havre, de Marseille ou de Lorient, est également arrivé au même moment! Mais tous les deux se sont fait avoir, comme nous. Ils ont déménagé avec leur famille, mais n’ont rien eu de ce qu’on leur avait promis.»
Plutôt que de tout arrêter, le groupe décide de continuer et de finir la saison. «Simplement parce que pour la plupart d’entre nous, sportivement, la D3 belge, ce n’était pas mal. C’était une belle vitrine. Et en plus, la médiatisation était au rendez-vous», ajoute le gardien.

Le buzz positif sur nous a été tel que le public semblait parfois nous regarder avec pitié quand on jouait à l’extérieur. On était devenus « les joueurs non payés du FC Bleid »

Car la nouvelle de la présence de Lionel Charbonnier attire bien des regards. C’est ainsi qu’en quelques semaines les médias belges et français se pressent au portillon : France Football, France Télévisions, L’Équipe, Foot Magazine, la RTBF, RTL… Tout le monde déboule au stade
Jacques-N’Doumbe. On évoque même le fait de donner la présidence au chanteur Francis Lalanne, un copain de Charbonnier, passé pour donner un coup de main. «Président? Non, il a plutôt été une sorte de sponsor pour nous. Il a donné un concert dans une petite salle à Virton, puis a vendu une de ses guitares pour nous apporter un peu d’argent», sourit Randy Nzita.

Et de l’argent, les joueurs en ont bien besoin, vu qu’ils ne sont plus payés depuis plusieurs mois. «Moi, cela allait puisque j’avais un travail», continue celui qui avait quitté l’Avenir Beggen pour rejoindre Bleid. «Mais certains Français, qui arrivaient de loin, ont, eux, parfois bien galéré.»
Kevin Sommer est de ceux-là, tout comme Mehdi Kirch, le défenseur du Fola. «On n’a rien touché pendant plus de six mois. Au début, on vivait au « château », l’immense maison qui appartenait à Renato Costantini et longeait le terrain de foot de Bleid», raconte le gardien eschois. «Une maison incroyable avec piscine, jacuzzi, sauna, billard… Puis, à un moment, on nous a logiquement mis dehors. Avec Mehdi, on s’est alors retrouvés à loger chez une amie… qu’on venait de rencontrer. À trois dans 30 m²! Ça, c’est une vraie aventure humaine! »

Sur la pelouse, par contre, tout ne se passe pas si mal que ça, puisque le groupe – où on retrouvait aussi notamment Sébastien Do Rosario (Erpeldange) et Mickaël Negi (Canach) – parvient à déjouer tous les pronostics en se sauvant. «Lionel Charbonnier y était pour beaucoup», reprend le Belgo-Congolais. «C’était vraiment un bon coach, il s’y connaissait. Un meneur d’hommes aussi. Après, je ne vais pas dire qu’il était un peu fou, mais il avait parfois un côté un peu « particulier », dans le bon sens du terme.
Notez, il fallait qu’il soit « particulier » pour décider de continuer l’aventure avec nous à Bleid.» L’équipe était attendue partout où elle passait. «Le buzz plutôt positif dans les médias a été tel que le public semblait parfois nous regarder avec pitié quand on jouait à l’extérieur. On était devenus « les joueurs non payés du FC Bleid. » C’était un peu trop, car je suis sûr que bon nombre d’équipes connaissent le même genre de soucis sans qu’on ne le sache vraiment. Au final, avec le recul, tout ça est devenu une belle histoire. Mais si c’était à refaire, je ne signerais plus jamais là-bas!», se marre un Nzita qui a, depuis cette époque, déjà revu quelques fois Kevin Sommer. Notamment par l’entremise de Mehdi Kirch.

Pour la petite histoire, le matricule du FC Bleid a été cédé au terme de cette fameuse saison 2011/2012 à des investisseurs qui ont déménagé le club… à Bruxelles. Mais, depuis, quelques passionnés ont relancé une équipe dans ce petit village.

Julien Carette