Le Fola peut compter, en ce début d’année, sur un meneur de jeu touché par la grâce et qui affole les compteurs.
Dejvid Sinani est sorti pour des crampes, mercredi soir, contre Rosport. Le premier signe inquiétant de l’accumulation de matches durant le mois de février? Même pas : l’attaquant avait décidé, de sa propre initiative, de faire une séance de musculation des quadriceps lundi, 48 heures avant ce rendez-vous qu’il a encore éclaboussé de son talent avec un but et une passe décisive. Sébastien Grandjean, qui adore son joueur, ne ratera pas pour autant l’occasion de le recadrer : «Il va bien falloir que je lui dise qu’il ne peut pas faire ça!»
Ce sera sûrement dit avec le sourire et avec tout le respect dû à une pièce maîtresse du système offensif eschois. Jugez plutôt : Dejvid Sinani, depuis le début de l’année, pèse trois buts et deux passes décisives en quatre rencontres. Depuis le début de la saison? Cinq buts et trois passes. Ce ne serait pas dingue si le garçon n’avait pas raté une bonne partie du début de championnat pour une énorme déchirure durant la campagne européenne. Ce qui fait que Sinani, qui a finalement peu joué, est décisif une fois toutes les 51 minutes. Presque deux fois par match. Une statistique lunaire.
«Bah, ce n’est pas exceptionnel pour nous, sourit son coéquipier Billy Bernard. On le voit tous les jours à l’entraînement, nous. Et je peux vous dire que c’est la meilleure patte gauche de Division nationale. Un peu comme Jakob Dallevedove il y a quatre ou cinq ans». Sacrée comparaison, car le milieu de terrain allemand, qui a joué une décennie au Galgenberg et qui compte 208 matches de DN avec le club, est une institution. Pourtant, elle est encore insuffisante pour le directeur sportif, Pascal Welter : «Jakob, il y a quatre ou cinq ans, il commençait sérieusement à éviter les duels. Dejvid non, même s’il peut encore progresser dans l’impact physique, surtout en phase défensive. Mais il commence à bien stabiliser ses performances et les comparer n’est pas faux. Même patte gauche, même capacité à faire le jeu – Dejvid préfère évoluer plus haut, question de créativité – et alors que les matches vont commencer à se jouer sur des détails, même côté décisif sur phases arrêtées».
Danel mais en moins bien? Faux!
Quand il est arrivé au club, à l’été, Sébastien Grandjean a pris le natif de Belgrade à part. À 27 ans, il voulait lui mettre un parallèle sous le nez, histoire de le faire progresser : «Je lui ai parlé de son frère.» Pour piquer son ego? Après tout, Danel, son cadet âgé de 23 ans, vient de passer le cap du professionnalisme en signant à Norwich, qui l’a prêté à Waasland-Beveren. «Non, je voulais juste lui dire que, selon moi, il avait exactement le même pied gauche que lui, sauf que son frère, lui, l’utilise pour marquer alors que lui, c’était juste pour créer, toucher la balle, être un relais. La discussion a tourné autour de ça : il devait prendre ses responsabilités et être décisif.» Ça marche, Sinani n’a jamais été statistiquement aussi prolifique et il n’est qu’à un but de son meilleur total de buts sur une saison. Et son coach pense que l’accession du petit frère n’y est pas étrangère. Pas par jalousie, mais par «émulation».
«Il suffirait qu’il ait la chance qu’un agent soit dans les tribunes pour passer pro. Même si c’est plus difficile maintenant qu’on est à huis clos», note Billy Bernard. Patte gauche redoutable dans un statut d’amateur, Sinani continuera (ou pas) à arriver une heure avant l’entraînement pour faire de la muscu et à tracer son sillon unique au pays. Celui d’un garçon volontiers grognon avec la presse «parce qu’il a du mal avec la critique», rigole Pascal Welter, taquin, mais au talent éblouissant comme on en croise peu. Ses deux derniers clubs, Differdange ce week-end puis Mondorf – «qui lui a fait du bien parce que ça lui a permis de capitaliser sur son côté bosseur» dixit Welter – mercredi, risquent de s’en rendre compte puisqu’à l’heure actuelle, il semble inarrêtable. S’il tient son rythme, Sinani devrait frapper aux alentours de la 36e minute de son match de dimanche contre le FCD03…
Julien Mollereau