Le F91 a enfin officialisé l’arrivée de Carlos Fangueiro à la tête de l’équipe. Le début de la vie sans Flavio Becca? C’est un peu plus compliqué que ça, relativise Romain Schumacher, son président.
Alors que le Swift a lancé la semaine passée, depuis les locaux de Flavio Becca à Howald, son projet de conquête du Luxembourg et de l’Europe, avec Jeff Strasser à sa tête, le F91 s’est fendu d’un communiqué laconique sur son site pour officialiser la signature de Carlos Fangueiro, une arrivée que tout le pays connaissait déjà. Il a aussi repris la main sur son secteur sportif, il soigne sa formation et ses finances… Bref, il rentre dans le rang, mais pas en ordre dispersé. Et surtout pas, dit son président, dans le souci absolu de couper le cordon.
Bon, commençons par une question qui aurait été impensable il y a de ça deux saisons : Carlos Fangueiro a enfin été officialisé par le F91. Le technicien est-il le choix de Flavio Becca ou du club, de son comité et de son président?
Romain Schumacher : C’est un choix du F91. Pour un coach qui nous a été recommandé par Flavio Becca.
Doit-on parler d’émancipation?
Ce n’est pas un grand mouvement d’émancipation. Parce qu’on continue à discuter, même si Flavio se concentre désormais sur autre chose. Et puis on ne va pas lui faire un enfant dans le dos.
C’est-à-dire prendre un autre coach que celui qu’il avait débusqué?
Mais j’étais déjà très intéressé par Carlo Fangueiro. En le voyant sur les matches, il m’avait impressionné par son engagement et sa proximité avec ses joueurs. Même s’il m’avait aussi énervé (il rit). Les entretiens, dont quelques-uns avec Flavio Becca, m’ont plu. Carlos est très pro, connaît très bien le marché luxembourgeois. Et voilà.
Il n’y a pas si longtemps, c’est l’entourage de Flavio Becca qui communiquait encore sur l’effectif du F91.
Notre politique va changer. Et là, on travaille nous-mêmes, avec le coach, sur l’effectif de la saison prochaine, qui sera d’une grosse vingtaine de joueurs.
À la Ligue, certains brandissent le terme d’éthique sans même savoir comment cela s’orthographie
D’une grosse vingtaine de joueurs qui… « appartiennent » à Flavio Becca et qui peut en disposer à sa guise?
Flavio Becca n’a jamais signé de contrat ou quoi que ce soit de ce genre. Quand un joueur est arrivé chez nous, souvent sur proposition de Sofian Benzouien, effectivement, ce joueur signait son contrat avec le F91.
Puisqu’on parlait d’émancipation, il paraît que Manou Goergen est désormais celui qui gère la politique sportive du club.
Lors d’une réunion, à laquelle participait Sofian Benzouien d’ailleurs, il a été proposé qu’il ne s’immisce plus dans notre gestion de l’effectif et il en a été le premier soulagé. Car avec le Swift, il doit avoir la tête absolument partout.
Cela ressemble quand même à une reprise en main de sa propre destinée par le club…
Je crois qu’un historique s’impose. Flavio Becca et moi nous sommes rencontrés pour la première fois en 1998. J’étais en charge du sportif. Il m’a demandé, avec son style blagueur et rentre-dedans : « Dis-moi comment nous pouvons devenir champion et on va le faire. » Derrière, Théo Fellerich s’est présenté à une assemblée générale, devant 600 personnes, pour demander à nos membres s’ils souhaitaient que le club s’adosse à un mécène. Une très large majorité, nostalgique de l’époque où Dudelange gagnait encore des titres, était pour. Ils étaient pour ce modèle! Et moi, j’étais là, pendant plus de 20 ans, pour mettre en œuvre la politique du mécène auprès de notre conseil d’administration. Les règles du jeu étaient claires. Mais avec le départ de Flavio pour le Swift, je me suis retrouvé fragilisé devant les membres du comité. On voyait bien que tout le monde se demandait « se replie-t-il pour bosser avec nous ou poursuit-il la politique de Becca? ». Alors on a clairement remercié la famille Becca pour ces 22 années, on a acté que les règles du jeu ont changé, mais ce n’est pas un mouvement d’émancipation. On ne va pas m’empêcher de parler avec Flavio Becca quand même?
Ni l’empêcher, lui, de prendre Tom Schnell et Jonathan Joubert dans son projet du Swift…
On lui a demandé de laisser ces joueurs emblématiques à notre disposition. Il n’a pas voulu.
Il y a aussi la version complotiste de cette tournure que sont en train de prendre les choses : un simulacre de désaffection de la part de Flavio Becca pour ne pas que l’on puisse dire qu’il dirige deux clubs…
Je sais bien que du côté de la Ligue, ces derniers temps, on parle beaucoup de ça. Certains brandissent même le terme d’éthique sans même savoir comment cela s’orthographie. Mais moi, je pose la question : Flavio Becca serait le mécène de deux clubs? O. K., qu’est-ce que la FLF a fait pour empêcher cela? La situation actuelle, c’est l’anarchie : on ne fait rien pour empêcher quelque chose qu’on nous reproche. Et vous pouvez être sûr qu’on n’avancera jamais là-dessus. Par contre, la FLF est capable de pondre des décisions pour l’arrêt du championnat qui respectent une logique sportive pour le haut du classement mais pas pour le bas. Et on va se retrouver avec une DN à 16 clubs alors qu’on milite depuis des années pour qu’elle descende à 10…
J’ai lu que l’amour n’existe plus entre Flavio Becca et le F91. N’importe quoi
Dans cette DN de transition, les moyens du F91 vont donc redevenir minimalistes?
On parle beaucoup des moyens supposés que nous aurions après nos deux saisons d’Europa League, mais il ne nous reste qu’un tout petit peu d’argent pour redémarrer. Nous aurons la même politique que celle du Fola. On reste une ville de foot du Sud, comme Esch ou Differdange. On va se baser sur notre entourage pour nous financer, mais il y a toute une confiance à reconstruire avec les commerçants locaux. Et on va beaucoup se baser sur notre centre de formation de plus de 400 jeunes.
Et toujours avec vous à la baguette?
F91 un jour, F91 toujours. Mais moi, je suis vu comme un homme de Becca, ce que je ne nie pas, puisque nous avons travaillé 20 ans ensemble, avec pas mal de succès. Mais il serait peut-être bon de mettre quelqu’un au poste qui soit plus en accord avec la nouvelle politique. Moi, sans m’imposer, je m’occuperai sans doute de quelque chose d’autre. De sponsoring par exemple.
Ce changement de présidence, il interviendra bientôt?
Il n’y a pas eu d’apparition spectaculaire d’homme providentiel. Il se peut que ça arrive, mais pas encore.
Cela ressemble quand même bien au changement de cap annoncé de longue date.
On en fait quand même un peu trop. J’ai lu que l’amour n’existe plus entre Flavio Becca et le F91. N’importe quoi. On va continuer de parler avec lui, d’échanger.
Entretien avec Julien Mollereau