BGL LIGUE (12e JOURNÉE) Joshua Nadeau, défenseur de Rodange, raconte la vie d’une lanterne rouge à zéro victoire en onze matches avant ce choc vital contre le RM Hamm Benfica.
Comment se sent un joueur de Rodange à l’heure actuelle ?
Joshua Nadeau : Frustré. Ça ne passe parfois pas loin. Il nous manque la réussite. Un penalty pas sifflé à la dernière minute contre Mondorf, un tir en une frappe pour le RFCU… Ce n’est vraiment pas une situation facile, tout ça. Mais tant que cela sera possible mathématiquement, on ne lâchera rien, même dans cette spirale négative.
Est-ce l’une de ces saisons dans lesquelles rien ne va ?
Ça existe, oui, mais là, c’est juste une période durant laquelle rien ne va. Pas une saison! Toutes les équipes connaissent des creux. Des fois au milieu, des fois à la fin. Nous, c’est le début.
Dans quel état rentre-t-on à la maison, après une nouvelle défaite chaque week-end ?
Ah on n’a pas envie d’en parler parce que ça devient répétitif. Quand on perd chaque week-end, on a envie de penser à autre chose. Moi, ma femme est enceinte, donc on a d’autres choses dont on peut parler. C’est sûr que si j’étais célibataire, ce serait un peu plus compliqué, seul. La famille m’aide à m’échapper.
Comment fait-on pour y croire encore avec seulement un point en onze matches ?
On fait les comptes. Et rien n’est fait. On est à onze ou douze points du barragiste (NDLR : onze), mais c’était aussi la situation du RM Hamm Benfica la saison passée et je me rappelle très bien qu’ils avaient remporté leur toute première victoire de la saison contre nous (NDLR : à la 11e journée, 1-2 avec deux buts hammois dans les arrêts de jeu). Moi, j’y vois un clin d’œil de l’histoire. Peut-être que cette fois, ça tournera en notre faveur. Après, il suffirait d’enchaîner deux ou trois victoires et on peut vite revenir. Mais si on ne prend pas de points dimanche, ça va être dur.
Est-ce une surprise de se retrouver derrière eux au classement ?
Oh, c’est même surprenant de se retrouver derrière Etzella, alors… On les avait battus 3-1 en match d’avant-saison, les Ettelbruckois. Il y a vraiment beaucoup de choses qui tournent en notre défaveur. On n’a qu’un seul point, c’est hallucinant, on a du mal à réaliser. Après le match contre le Fola, leurs dirigeants nous ont dit qu’on ne méritait pas ce qui nous arrivait. Et on n’arrive pas à en rire. On est loin d’en rire. C’est humiliant. Les gens qui ne nous voient pas jouer doivent se dire, en regardant les résultats : « Tiens, ils ont encore perdu, ils sont vraiment nuls ».
Les gens doivent se dire « tiens, ils ont encore perdu, ils sont vraiment nuls »
On dit souvent que l’ambiance est soumise à rude épreuve dans un vestiaire quand rien ne va. Qui la met encore dans celui de Rodange ?
Un peu tout le monde. On continue de faire comme avant, de petits trucs entre nous, mais l’important, c’est sur le terrain. C’est là que ça se passe.
Puisqu’on parle du terrain, ça ne vous fait pas mal au cœur de voir que Deniz Muric, parti cet été à Hostert, a déjà inscrit six buts et quatre passes et a donc contribué à plus de buts que tous ceux inscrits par Rodange jusque-là ?
Je suis très content pour lui, mais chaque club est différent. Chez nous, il avait un manque de confiance de la part du coach. Je ne suis pas sûr qu’il aurait marqué s’il était resté chez nous, il lui aurait fallu cette confiance. Je l’ai rencontré il y a peu, il me disait qu’il était même troisième capitaine à Hostert. Il n’était pas du tout dans cette position chez nous.
Cette place de lanterne rouge, ce manque de réussite, vous avez déjà connu ça dans votre carrière. Vous êtes un habitué des situations désespérées ?
De ces moments-là ? Oui, j’ai déjà connu deux relégations, dont une à Ajaccio (lire ci-dessous), mais je n’étais alors qu’un tout jeune joueur. J’en ai connu une autre à Gefle, en Suède. Mais cela s’est joué jusqu’à la dernière journée. Et croyez-moi, on n’avait pas pris beaucoup de points dans la première partie de saison, mais on en avait pris avant la trêve et cela avait relancé la machine. J’espère que mes coéquipiers entendront ça : ça n’est jamais fini, jamais! Et il faut toujours y croire.
On imagine que vous n’avez pas envie de vivre une troisième relégation ?
Quelque part, j’ai eu de la réussite : à chaque fois, j’arrivais en fin de contrat et j’ai pu aller me relancer, trouver un autre club. Mais ça fait mal. Et puis finalement, on finit par passer à autre chose…
Ce choc des relégables survient en même temps qu’un RFCU – Differdange, un Jeunesse – Fola ou un F91 – Strassen. Vous devez vraiment sentir le poids de l’indifférence…
Franchement, je ne sais pas quoi vous dire. Mais j’ai envie de dire aux gens que même si ce n’est pas possible de mettre Hamm – Rodange dans la balance, ils peuvent quand même venir voir un match qui compte, dans lequel il y aura un état d’esprit et du suspense. Un match où il peut se passer quelque chose.
Entretien avec Julien Mollereau
Joshua Nadeau, pur titi parisien, né dans le XVe arrondissement de Paris, a fait les choses bien en 2013 pour ses grands débuts dans le monde professionnel. Parti achever sa formation de défenseur central sur l’île de Beauté, à Ajaccio, il est revenu dans la capitale française un 18 août, à 19 ans, pour lancer sa carrière en grand face au PSG de Zlatan Ibrahimovic, Edinson Cavani, Lucas Moura… Un match qu’il avait passé non pas dans l’axe, mais sur le côté droit, face à face avec l’élégant Argentin Javier Pastore.
C’est pourtant un choc d’un autre genre qui restera dans les annales pour Nadeau, alors coaché par l’ancien international italien Fabrizio Ravanelli : à la 70e minute de jeu, sur un ballon aérien, il se jette avec la fougue de sa jeunesse dans un duel avec l’international tricolore Blaise Matuidi, qu’il percute de plein fouet. Les deux joueurs sortiront, touchés à la tête, et un quart d’heure plus tard, les Corses (qui comptaient alors le Roumain Mutu dans leurs rangs) seront rejoints à 1-1. «C’était fou, comme débuts, avec toute ma famille au stade, sourit le défenseur. Rodange, après ça, non, ça ne peut pas faire peur. C’est juste frustrant.» Dix mois plus tard, Ajaccio sera relégué en Ligue 2. Espérons pour Nadeau que cette fois ça se terminera mieux.