Rodange a pratiquement bouclé la construction de la toute première tribune de club située… derrière le but. Une magnifique curiosité, même s’il faudra attendre encore un peu avant de voir du public y prendre place.
«Ah forcément, quand les gens vont voir ça, ils vont avoir envie de s’y installer ! Sauf que non. Non, ils ne pourront pas.» Yvon Dietz, le directeur sportif du FC Rodange 91, a le cœur qui saigne. Il y croyait fort, à la possibilité de rouvrir enfin des gradins au stade Jos-Philippart, mais une bête désorganisation municipale ainsi qu’un dérèglement de l’acheminement des fournitures rendent tout bonnement impossible, ce week-end, l’ouverture de la toute première tribune du pays située derrière un but : la commune a oublié de commander le garde-corps qui empêcherait un accident de survenir (les premiers sièges sont situés à 1,75 m de hauteur) et sa livraison prendra du temps. Avant qu’une entreprise ne vienne certifier que le système est sans danger.
Bref, ce n’est pas demain la veille qu’Anthony Mfa deviendra le premier gardien de BGL Ligue à avoir, toutes les deux semaines, du public derrière lui. Mais ça ne devrait plus tarder.
Un peu comme en Palestine
Le regretté Michel Leflochmoan, disparu cette semaine, aurait applaudi des deux mains. En son temps, il s’était plusieurs fois prononcé sur le sujet : «Je ne comprends pas pourquoi on ne voit pas de tribunes derrière le but dans ce pays. C’est là que ça crie, c’est là que ça chante. C’est le cœur du football», nous avait-il dit un jour. Rodange, lui, héritera à terme d’un joli stade qui aura des accents d’ailleurs. Sébastien Louis, spécialiste du supporterisme ultra et enseignant au Luxembourg, rapporte ainsi qu’au cours de ses très nombreux voyages, il n’a jamais vu qu’un seul endroit doté d’un stade «en L» : «en Palestine»!
Rodange s’est-il offert «un cœur» ? En tout cas, c’est une évidence que cela pimentera un peu certaines rencontres et particulièrement le quotidien des gardiens de but. «Ce ne sera pas les mêmes supporters que dans des clubs pros, sourit Anthony Mfa, titulaire au poste, mais ça va faire du bien de les entendre, même si ça chambre un peu. Quand il s’agit de fans de l’autre équipe, il est toujours question de déstabilisation, de nous empêcher de nous concentrer, de dire des choses pour nous faire sortir du match, mais ça ne va jamais très loin.»
«Un show plus global»
Paris Saint-Germain (là où le Folaman Thomas Hym s’était un jour fait traiter de «paysan» par la tribune Boulogne en marge d’un match européen), Saint-Étienne, Bordeaux, Nantes… Anthony Mfa en a connu bien d’autres, des ambiances délétères, dans des stades autrement plus impressionnants. Rodange et ses 380 places n’ont aucune chance de l’émouvoir, mais l’arrivée de ce public si spécifique l’interpelle.
«On entend parfois des trucs trash derrière le but. Ce sont en général des gens qui viennent pour vivre le match intensément, ensemble et qui veulent se faire entendre. C’est le genre de personnes qui ont du mal, de là où ils sont, à avoir une analyse globale du match, mais soutiennent leur club jusqu’à la fin. Espérons qu’à Rodange on n’entendra rien de dégradant. Mais je ne pense pas : le public luxembourgeois reste bon enfant, sympathique. Mais cette tribune derrière le but peut créer quelque chose, une ambiance plus intense. Peut-être d’autres clubs feront-ils pareil. Cela contribuerait à mettre en place un show plus global.» Pour le show, on attendra quand même les garde-corps.
Julien Mollereau