Un document comparatif des bilans des clubs de DN pour l’octroi des licences UEFA interpelle. Certains se mettent dans le rouge pour arracher des points…
Un document circule. C’est un travail de regroupement des données fournies par les clubs sur leurs propres sites internet, obligés qu’ils le sont par la procédure d’octroi des licences UEFA (qui ont été attribuées à toute la DN, à l’exception de Hamm et de la Jeunesse, qui n’en ont pas fait la demande). Cette dernière leur impose une certaine transparence et la stricte observation des chiffres parus ces deux dernières années souligne plus que jamais ce que d’aucuns considèrent comme un travestissement des règles et, ils ne s’en cachent plus, une forme de concurrence déloyale qui leur semble approuvée par l’instance européenne.
Pointé du doigt, entre autres, le 1,5 million auquel Karine Reuter, présidente très investie du RFCU, a renoncé au bénéfice du club et qui a donc été sorti du bilan… le résultat 2021 devenant positif après une année 2020 assez noire. Tout autant que la somme plus ou moins identique que le Titus doit à Jean-Paul Duarte, qui, lui, n’y a pas renoncé. «Il advient quoi de ce genre de clubs si leur sponsor principal se désengage?», demandait en début d’année un président de club sous couvert d’anonymat. C’est visiblement une question à laquelle la licence UEFA n’entend pas répondre à sa place.
«Le système n’est plus viable»
Ce document, donc, est somme toute relativement implacable, puisqu’il pointe du doigt des disparités phénoménales au moment même où plusieurs clubs de l’élite commencent lentement à faire marche arrière. Rien que mercredi, le Fola a annoncé une réduction de 400 000 euros de son budget par rapport à la saison précédente (avec un recul de 1,5 million en sept ans, dès lors que le fonds d’investissement américain qui était arrivé dans le sillage de Gérard Lopez s’était retiré, laissant un trou de 600 000 euros dans le budget suivant). Gilbert Goergen, qui a présenté ses chiffres, l’admet sans peine : «Au niveau financier, on était alors très mal. On a donc commencé à faire des budgets totalement différents, avec une réorientation claire. Le football luxembourgeois doit changer dans le futur. Le système n’est plus viable. Et nous, on va montrer que le football, ce n’est pas seulement l’argent.» Le Progrès, aussi, s’est élancé dans cette logique de décroissance, demandant pour la deuxième fois à ses joueurs, en l’absence de Coupe d’Europe, de faire un effort sur le montant de leurs salaires.
L’avenir appartiendrait-il donc aux clubs qui tentent de faire autant avec beaucoup moins? Tout le monde ne suit pas la même logique. Les fonds propres, qui sont, en quelque sorte, un marqueur de la politique suivie par le club, puisqu’il s’agit d’argent mis en réserve et de capital investi dans le club tenant compte des résultats des années antérieures, laissent apparaître beaucoup de clubs en négatif. Pour faire simple : il y a plus de pertes que d’argent qui rentre dans le club. Ceux qui travaillent bien? En tout cas de manière à ne pas être dans le rouge : Differdange, Strassen, Hostert, Wiltz, Rosport, Etzella, Mondorf. À l’exception des deux premiers, il ne s’agit que de clubs de la deuxième partie de tableau. De là à en conclure que les bons élèves financiers ont moins de chances d’aller tutoyer les places européennes que les autres… D’où l’agacement de ces derniers de voir des bilans pas à l’équilibre validés sans autre forme de procès par l’UEFA.
Le F91? «Doute important»
Alors que, par exemple, le F91, malgré une nette réduction des frais de personnel (plus de 330 000 euros économisés), a vu ses fonds propres passer en négatif et sa somme bilantaire fondre comme neige au soleil entre 2020 et 2021. Le rapport sur l’audit des états financiers fait ainsi mention d’une «incertitude significative liée à la continuité d’exploitation». Pour le cabinet Bakertilly, sans une qualification européenne, il y avait «doute important sur la capacité du club à poursuivre». Le F91 a joué à la roulette. Il a gagné. Mais cela interpelle certains autres clubs. Frappés également de constater que le Swift fasse grimper de 600 000 euros ses frais de personnel (bien que le covid et l’interruption de la saison 2019/2020 jouent une grande part dans ce chiffre).
Dès lors, se livrer à un petit calcul très simple visant à déterminer qui dépense (les frais de personnel moins les indemnités à des tiers et les montants de transferts de joueurs) quoi pour arracher un point en championnat tourne à la démonstration frappante. En 2021, Hesperange a dépensé 33 % de plus qu’en 2020 pour faire un point. C’est à peu près la même chose pour le RFCU. Et aucun n’a particulièrement brillé en championnat. Qu’il leur faille dépenser autant d’argent ne dérange pas les petits clubs. Qu’ils présentent ces bilans et que la licence leur soit accordée en toute normalité – puisque les textes de l’UEFA sont clairs à ce sujet – n’empêche pas les petits de grincer. De plus en plus fort.