L’accumulation de boulettes chez les gardiens de DN, lors de cette reprise, nécessite une petite explication de texte.
Trois boulettes monumentales de gardien de but ont rythmé la semaine de reprise. Entre le ballon relâché par Kevin Sommer (Progrès), le coup franc mal apprécié par Tom Ottelé (Pétange) et la sortie à contretemps de Romain Ruffier (RFCU), on a fini par se dire qu’on avait beaucoup ergoté sur la condition physique et mentale des joueurs de champ sans vraiment se préoccuper des gardiens de but.
Michel Hausman, formateur reconnu dans le milieu, qui a travaillé au Spora, à l’Union, à Beggen, à la Jeunesse ou même en sélection nationale, fait un point sans concession : il faut s’attendre à voir d’autres trous noirs ces prochaines semaines.
Vous êtes en général un habitué des notes de synthèse. Que dit celle que vous avez rédigée sur la reprise du championnat?
Michel Hausman : Je vous lis? Ce sont des notes sur le confinement et le retour à la compétition. Allez, je vous lis rapidement. Grosso modo, ça dit que chaque joueur a dû travailler longtemps seul chez lui, qu’une partie importante de l’entraînement a été mise de côté pour privilégier l’entretien physique et éviter de perdre de la masse musculaire. Le gardien, qui est le solitaire de l’équipe, a lui aussi dû travailler seul, et pour le moral et le physique, c’est peut-être encore plus compliqué que pour les joueurs de champ. Il est habitué aux petits groupes mais plus que quiconque il a besoin de ballon, de le capter, de plonger. Là, il faut réhabituer la main, se réhabituer aux impacts quand on tombe au sol.
Mais le plus gros problème, finalement, c’est l’absence de public, l’absence de bruit. Il manque l’adrénaline d’un match normal pour que les gardiens soient obligés de se mettre dans leur bulle. Là, c’est l’évidence, ils arrivent moins concentrés. Mais cela arrive aussi dans les autres championnats. En Belgique, chez moi, on en voit à tous les matches. Et vous avez vu Mandanda avec l’OM (NDLR : ce week-end, en déplacement à Nantes)?
Les coaches ne vont pas forcément chercher pourquoi il y a eu une erreur
On n’a pas assez conceptualisé les problèmes qui allaient se poser pour les portiers? On a trop pensé aux joueurs de champ?
Ah oui, tout le monde s’est focalisé sur les joueurs de champ, ça c’est une évidence. Comme je vous l’ai dit, un gardien, c’est la main, c’est la souplesse, c’est le travail au sol. Malheureusement, tous ces problèmes étaient évidents. Mais je ne pense pas que les coaches en soient vraiment conscients. Ils ne le sont déjà pas en temps réel. Ils voient les choses au premier degré : combien cette boulette me coûte-t-elle de points? Ils ne vont pas forcément chercher pourquoi il y a eu une erreur. Sauf que là, les problèmes se sont encore amplifiés.
Combien de temps faut-il s’inquiéter de ces boulettes? Combien de temps cela peut-il prendre pour retrouver les sensations?
Deux ou trois semaines? Difficile de les imaginer à 100 %… Mais vous savez, pour prendre l’exemple d’Ottelé, dont on m’a expliqué la bévue – parce que si l’on ne voit pas de streaming, on ne peut pas aller au stade pour voir ça, hein (il rit) –, il avait déjà le même problème avant confinement : c’est un garçon qui est très très fort dans les un contre un et sur l’anticipation dans les ballons longs, mais sur les ballons aériens, il a des problèmes de jugement.
On s’en remet vite?
On s’en remet vite, oui. Très jeune, on leur apprend à penser au ballon suivant. On leur demande de ne pas rester sur leur erreur. Mais il faut beaucoup discuter. Et durcir les séances!
Il faut changer leurs échauffements pour les forcer à se concentrer
Durcir les séances?
Surtout en début de semaine, pour qu’ils arrivent à se sentir mieux sur le terrain. Il ne faut surtout pas faire de la gestion. Le message à faire passer, c’est qu’il faut taper sur le clou, qu’ils touchent énormément de ballons. Et quand j’entraînais encore en club, je changeais souvent les échauffements avant les matches pour qu’ils se concentrent différemment. Parce que si ce sont toujours les mêmes exercices, ils n’ont pas besoin de se concentrer, ils sont dans une routine, quelque chose de machinal qui ne nécessite pas leur attention. D’ailleurs, c’est aussi un peu pour ça que cela touche des routiniers comme Sommer ou Ruffier : les plus jeunes sont plus dans la concentration parce qu’on commence à faire appel à eux et qu’ils n’ont pas d’assurance pour leur poste.
D’ici à ce que les gardiens se ressaisissent, alors il faut donner aux attaquants du pays le conseil de les mitrailler le plus possible, car ils pourraient être un peu plus fébriles que d’habitude?
(Il rit) Ah mais ça, quelle que soit la période, c’est un conseil à donner de tout temps aux attaquants! Vous savez, 100 % des buts étaient avant tout des tirs cadrés! Non, en vrai, ce qui est le plus compliqué à l’heure actuelle, pour les gardiens, ce sont les centres. Des balles hautes, avec des adversaires en face. Et d’ailleurs, à l’heure actuelle, sur un centre, même un coéquipier se transforme en adversaire. On peut presque être assuré qu’il n’y aura pas forcément le geste correct sur un centre, en ce moment. Surtout que tous les gardiens ont une petite appréhension.
Faut-il s’attendre, aussi, à plus de blessures?
On risque d’en voir, oui. Les articulations notamment. Il faut voir l’état des terrains. Mais j’espère pour les gardiens qu’ils se protégeront bien. Leur corps a une mémoire qui reviendra vite, y compris pour la technique de base, mais pour pouvoir plonger, c’est aussi dans la tête. Il faut faire le premier pas. La concentration qui permet de faire le premier pas est importante. À cause de ça, on risque même de voir, ces prochains temps, des buts tomber de manière pas forcément normale sans même qu’il y ait boulette…
Entretien avec Julien Mollereau