Une victoire suffit au Fola, qui affronte la Jeunesse à la Frontière, pour glaner le 8e titre de champion de son histoire. Le Swift part avec un handicap lié à un goal-average défavorable, mais le trophée sera pourtant sur son match, au coup d’envoi.
La FLF fera preuve de finesse diplomatique, ce 30 mai 2021. Le trophée qui sera remis au champion du Luxembourg, qui n’a plus été décerné depuis deux ans pour cause de pandémie mondiale, ne sera ainsi pas physiquement là où on l’attend, pas plus que Paul Philipp, qui est censé le décerner au vainqueur.
On imaginait le président de la fédération prendre place à la Frontière, là où le Fola a seulement besoin d’une victoire pour officialiser le sacre qu’on lui avait refusé la saison passée malgré sa position de leader à l’arrêt des compétitions? Eh bien non. Il sera au stade Jos-Haupert, pour assister à Differdange – Swift, où Hesperange n’a plus son destin en main à cause d’un goal-average défavorable de sept buts.
N’allez pas croire que Paul Philipp se soit mis à spéculer sur les chances des uns et des autres. Il y a juste que pour une fois, le coronavirus arrange tout le monde : la fédération dit se refuser à effectuer une cérémonie dans un stade qui accueillera environ 700 spectateurs pour ne pas tenter le diable en matière de contamination.
Au vrai, cela arrange tout le monde, car si le Fola termine champion, l’imaginer recevoir son trophée devant 700 partisans de la Vieille Dame est difficilement envisageable. La FLF a ainsi imaginé le moins pire des stratagèmes. Un saladier à Niederkorn où il serait remis en toute quiétude au Swift s’il venait à opérer un retournement de situation. Une remise à Dudelange trente minutes après les coups de sifflet final si un miracle survenait pour le F91. Une remise à 19 h au Galgenberg, dans la stricte intimité des suiveurs du club doyen, privés de derby (voir ci-contre). Et tout le monde est content. Surtout celui qui gagnera!
«En 2012, si j’avais eu Hadji…»
Au coup d’envoi, les Folamen auront une main sur le saladier. Peu importe qu’il subsiste un énorme doute sur la participation au match de son meilleur buteur, Zachary Hadji, touché au genou et à la cheville contre Wiltz, en semaine : «On a aussi gagné des matches sans lui, rappelle Sébastien Grandjean. Et quand on a lancé la saison, dois-je vous rappeler qu’il était loin d’être titulaire? Des indispensables, il y en a plein les cimetières!».
Concernant le meilleur buteur de la saison, dont on se demande s’il s’arrêtera finalement à 33 unités, la décision de le faire jouer pourrait être prise à l’échauffement. Puisque neuf ans après avoir échoué pour trois petites unités à remporter le titre avec la Jeunesse, Grandjean a encore suffisamment un goût d’inachevé pour admettre que «si à l’époque j’avais eu un Hadji en pointe, on aurait été sacré avec quinze points d’avance». Malgré le niveau de jeu atteint par son groupe, il sait aussi ce qu’il doit à son avant-centre.
Quoi qu’il en soit, la question du goal-average n’existe plus entre le leader et son poursuivant direct, le Swift. Menacé d’être devancé pour un différentiel de sept petits buts, Hesperange exclut de son côté de demander à ses joueurs de forcer leurs attaques tant il semble peu probable que le FCD03 puisse s’incliner aussi lourdement. «C’est un grand club qui a sa fierté», a stratégiquement lancé Grandjean, en semaine.
De son côté, Pascal Carzaniga ne mise plus du tout sur autre chose qu’un faux pas de son adversaire dans le derby : «On n’avait pas mis la pression à nos joueurs sur ce point contre Rodange et on ne le fera pas face à Differdange. Le titre, on ne doit pas dire qu’on y croit, il suffit tout simplement d’y croire vraiment. Même si j’avais dit à mes joueurs que pour le titre, il faudrait déjà un faux pas du Fola contre Wiltz.»
Le Swift comme le Spora en 1956?
Pour garder le droit d’y croire, le promu aura, lui, toutes ses armes offensives à disposition. Mais pas son patron, Tom Schnell, l’homme qu’on a vu rameuter tout le monde, sans relâche, le week-end passé, face à Rodange, n’en finissant pas de dire que 4-0, ce n’était pas assez. Comme il avait raison…
Si, au prix d’un ultime renversement de situation (et ils auront été nombreux ces quatre dernières semaines), Hesperange parvenait à s’emparer de la couronne, s’assurant ainsi un passage de témoin symbolique entre lui et Dudelange, l’ancien club de Flavio Becca, il réaliserait une chose qui n’a jusqu’à présent été faite qu’une fois dans l’histoire footballistique du pays : il deviendrait le second promu à remporter le titre l’année de sa remontée parmi l’élite.
Dans l’histoire récente, on a bien eu Etzella, en 2001 et 2004, ainsi que Differdange en 2007, qui sont montés sur la troisième place la saison suivant leur accession à la Division nationale, mais jamais de champion. Ni de deuxième d’ailleurs. Mais on imagine qu’au Holleschbierg, ce n’est pas comme ça qu’on aimerait écrire l’Histoire.
Mais une grande partie de leur succès dépend désormais de la Jeunesse. «On n’attend aucun cadeau de personne, assume Grandjean. Les gars en face, des joueurs de caractère, essayeront de nous faire trébucher mais je ne sens pas d’animosité particulière.» Alors? Où se dirigera le trophée, vers 17 h 45? Sera-t-il en train de déambuler dans les couloirs du stade Jos-Haupert sous le bras de Jonathan Joubert ou en train de prendre le chemin du stade Émile-Mayrisch?
Julien Mollereau