Pétange a recruté en fin de mercato trois jeunes issus de clubs pros selon un ambitieux modèle «du pauvre». Mais qui marche fort.
Il s’appelait Simon Banza. Il avait débarqué en 2017, à 21 ans, après une saison mitigée en prêt, en National 1, où il s’était gravement blessé. Il lui aura suffi d’un championnat de BGL Ligue conclu avec 21 matches et 13 buts pour retrouver du temps de jeu dans son club formateur (et prêteur), à Lens. La suite, après dix mois à écluser les terrains parfois cabossés de l’élite luxembourgeoise? D’abord la Ligue 2, puis la Ligue 1 et, enfin, le Portugal, où il évolue désormais à Braga, où il pèse 2 buts en 4 apparitions depuis la reprise. Pendant un an, Banza aura joué avec Nicola Schreiner (Mersch), Delvin Skenderovic ou Eliott Gashi (RFCU). Aujourd’hui, son quotidien, c’est Moutinho (ex-Porto et Monaco), Pizzi (ex-Benfica) ou Horta (qui vient de marquer face au Luxembourg, avec la Seleçao).
Banza est l’acte fondateur d’une réflexion longtemps menée en sourdine par les dirigeants pétangeois et reprise à son compte par l’actuel directeur sportif, Laurent Libert, qui doit faire beaucoup avec peu. Le Titus est en effet lesté d’une sacrée dette de pas loin d’un million d’euros selon les audits qui président aux distributions des licences UEFA. Fatalement, quand on n’a pas de pétrole, on se doit d’avoir des idées et la mémoire qui va avec. Après Banza, il y avait eu Nathanaël Saintini, 20 ans, prêté par Montpellier alors qu’il ne s’était pas imposé en N1, à Cholet. Une grosse saison 2020/2021 plus tard, le voilà rebondissant à Sion, en Super League helvète, où il cumule 47 matches en deux championnats. Puis le dernier en date : Ayman Ouhatti, incorporé à l’effectif pro de l’actuel 2e de Ligue 2, Amiens (comme l’ancien Differdangeois Tokpa), après deux années d’un prêt non convaincant à Orléans mais très concluant au Titus, avec 21 matches au compteur.
Les clubs pros «ont l’œil» sur le Luxembourg
Pétange serait-il un facilitateur d’accès au très haut niveau que même certains clubs de troisième échelon français ne peuvent plus être? «En tout cas, on voit que certains clubs pros sont en demande de ce genre de projets», admet Yannick Kakoko, quand son directeur sportif complète : «Et ils ont l’œil sur le Luxembourg!». Maintenant que certains clubs grands-ducaux ont fait le job et défriché le terrain, il ne reste plus qu’à se baisser et ramasser les jeunes des clubs pros des trois frontières désireux non pas de se relancer, mais de se lancer tout court.
«Personnellement, je suis là pour grandir», sourit Maiky De La Cruz, international équatorien U20, dans un espagnol souriant. Il a 19 ans, il est ailier, «adore courir et faire des centres» et vient de Reims. La barrière de la langue fait qu’il est un peu moins disert, mais que l’on comprend bien que s’il peut retourner en Champagne, en mai prochain, avec la possibilité de s’installer dans l’effectif pro… Même combat pour Henri Dupays, en provenance d’Amiens. Là où Ayman Ouhatti vient de repartir apte à intégrer aux pros dans une équipe qui veut jouer la Ligue 1 la saison prochaine. «J’avais des propositions en N1, mais je voulais un projet où je devais me battre pour me faire ma place, jouer, être épanoui. Ayman m’a dit que c’était un championnat avec beaucoup d’intensité et j’aime ça. C’est mon style.»
Un joueur qui s’impose ici peut s’imposer n’importe où ailleurs
Le style, justement, c’est aussi ce que vend Laurent Libert dans des négociations qui se passent de plus en plus entre amis, avec les dirigeants de ces clubs pros. «C’est un championnat très complet qui prépare bien, avec beaucoup de cultures footballistiques représentées. Un joueur qui s’impose ici peut s’imposer n’importe où ailleurs.» «C’est surtout du win-win, prolonge Yannick Kakoko. Je mentirais si je disais que ces garçons, je n’aimerais pas les garder la saison suivante, mais on en est encore à poser les bases du projet de jeu et je me contente d’être fier de les envoyer dans le monde pro.» Quand le technicien assure que c’est du «win-win», c’est surtout parce que cela coûte finalement moins qu’un joueur acheté définitivement en ce sens où, régulièrement, les clubs prêteurs prennent tout ou partie du salaire du joueur à leur charge. «Nous, on complète avec des avantages en nature. Une voiture, un appartement…», vend Libert.
Dupays par exemple, assure ainsi qu’il ne subit «pas de perte de salaire», que ses dirigeants ne l’ont pas poussé dans les bras de Pétange, qu’il a fait son choix seul. Et pour cause, Mathys Saban, 21 ans, déjà apparu en Ligue 1 avec Saint-Étienne, a vu la même opportunité : «C’est intéressant, ces projets dans des Divisions 1. On n’a pas tous la chance, à nos âges, de pouvoir jouer dans les équipes 1 de nos clubs et de faire des saisons complètes comme ce qu’on va faire ici».
Finalement, ne leur reste plus qu’à être bons. Le Titus assure qu’il fait un tri sélectif strict. Il ne saisit pas les opportunités qui se présentent et adapte ensuite le projet en fonction des profils, mais bien l’inverse. «Ils n’arrivent pas en parachute, sans visionnage préalable», lâche Libert. Kakoko a donc entre les mains trois garçons prometteurs à hisser au niveau du monde pro en huit mois et demi. Mais au moins, cela ne lui coûte pas grand-chose.