Qui est le nouvel avant-centre de la Jeunesse? Apparemment, une bête à punchlines et la star de tout un pays. Et la Vieille Dame l’espère aussi buteur, forcément…
En 2010, Guy Lacombe, alors entraîneur de l’AS Monaco, pensait avoir posé un diagnostic définitif sur le jeune Moussa Maazou : «Il a une énorme confiance en lui qui est à la fois son problème et sa force.» C’est aux côtés du technicien français que le buteur nigérien vivra sans doute la plus grosse déception sportive de sa carrière, une finale de Coupe de France qui le verra entrer juste avant les prolongations mais finalement perdre 1-0 contre le Paris Saint-Germain.
Maazou vient alors de terminer, un an plus tôt, deuxième meilleur buteur de D1 belge en inscrivant 14 buts avec Lokeren et de choisir un transfert au CSKA Moscou plutôt qu’au… Paris Saint-Germain, qui s’intéressait de très près à son cas. Mais Maazou va alors faire parler pour la première fois de sa carrière son tempérament de feu et son absence de retenue devant les micros. Juande Ramos, son coach en Russie, préfère se passer des services du natif de Niamey pour les débuts de la campagne en Ligue des champions et le sang de Maazou ne fait qu’un tour : «Je suis arrivé pour jouer la Ligue des champions pas pour la regarder du banc. L’entraîneur m’a humilié. Ce que je n’accepte pas.» D’où son prêt à Monaco.
Désert, mauvaise note et… couilles
Ce ne sera pas le dernier clash de la carrière d’un garçon qui a commencé au Sahel SC et s’était relancé à l’Étoile du Sahel (Tun) entre 2011-2013, le seul endroit de sa carrière où il aura passé deux saisons complètes et d’affilée. Ainsi, avec dix-neuf clubs différents à son actif, il n’a jamais déserté la rubrique transferts mais, parfois, ses départs n’ont rien à voir avec le sportif. L’un de ses plus beaux coups d’éclat médiatique, il le signera en effet à Bordeaux, en janvier 2011. Muet depuis son arrivée chez les Girondins alors que Guy Lacombe, encore lui, assure que «Bordeaux a fait un très joli coup en l’attirant» alors que lui «aurait souhaité le garder» sur le Rocher, Maazou se défend à sa manière : en attaquant. «Si je devais me noter, je ne mettrais même pas un sur dix», avoue-t-il au sujet de ses débuts. Puis, interrogé sur l’impatience des supporters, il dégaine : «Les gens peuvent dire ce qu’ils veulent. S’ils sont déçus, je m’en bats les couilles. Moi, je suis tranquille, j’ai mon contrat à Moscou (NDLR : le CSKA venait de le reprêter). Je préférerais rester à Bordeaux mais si ça ne marche pas, je rentre, pas de problème». C’est cash et ça déplaît. Dans la foulée, Maazou, en effet, «rentre» en Russie.
Pour autant, il ne faudrait pas hurler immédiatement à la diva. Cet homme-là a quand même travaillé avec pas mal de coaches qui étaient d’anciens très grands joueurs et qui l’ont réclamé à leurs présidents respectifs. Jean Tigana, l’ancien membre du carré magique tricolore avec Platini, à Bordeaux. Le Brésilien Zico, surnommé le Pelé blanc, au CSKA Moscou. Le sorcier belge Georges Leekens à Lokeren.
Quelles sont les qualités qu’il avait à faire valoir pour convaincre de telles personnalités? «Elles sont au-dessus de la moyenne au niveau de la vitesse et du sens du but, synthétisait, encore et toujours, Guy Lacombe. Mais il n’a pas de pied gauche et doit progresser dans les appels de balle.» C’était il y a plus d’une décennie et, à l’époque, Maazou assurait n’avoir «rien à envier à un joueur du Barça ou du Real».
Drogba, beau bébé et 100 mètres
Cela peut prêter à sourire. Mais pas vu du Niger, comme le jure Fabrice Yao, l’attaquant nigérien du Swift Hesperange, qui a fréquenté Maazou en sélection. «Il est très important dans le pays! C’est un peu comme Eto’o au Cameroun ou Drogba en Côte d’Ivoire. Chez nous, ce n’est pas n’importe qui, c’est LA star. Il a amené beaucoup de choses au pays et je suis sûr qu’il va faire très mal au Luxembourg parce qu’en plus de ses qualités, c’est un leader. Quelqu’un de bien qui parle beaucoup, surtout aux jeunes.» Maazou a bien commencé, avec un petit but en amical, le week-end passé à Wiltz (3-1). Mais au-delà d’un minuscule aperçu de son réalisme – un plat du pied décisif rentré avec l’aide du poteau –, qu’a-t-il montré? Le défenseur central wiltzois David Vandenbroeck, qui l’a escorté une mi-temps et savait de quoi son adversaire direct était capable, l’a jugé au débotté : «C’est un beau bébé et c’est un joueur comme ça, paraît-il : il met des buts pas extraordinaires, mais des buts qu’il faut mettre». Son binôme en charnière, Miguel Dachelet, qui a lui joué avec Maazou à Zulte-Waregem, est lui aussi évasif mais positif : «Cela fait pas mal d’années, lui et moi. Il ne peut que faire du bien à cette Jeunesse qui a besoin d’une pointe. Mais ça, c’est s’il est motivé, s’il a faim».
Et quid de sa pointe de vitesse, à 32 ans, pour un homme qui a commencé par le sprint et qui, paraît-il, courait le 100 m en moins de 11 secondes? «Je ne l’ai jamais connu très, très rapide», s’étonne Dachelet. «Ah si, corrige Yao, il est très, très rapide.» Et il a déjà dit, dans le passé, adorer recevoir de longs ballons dans des équipes qui ne s’embarrassent pas forcément toujours de faire du jeu. Décidément, on a hâte de percer le mystère Maazou.
Julien Mollereau