Président de la commission médicale et membre du CA de la FLF, Henri Mausen milite pour un arrêt momentané du ballon rond.
À la retraite depuis un an et aujourd’hui âgé de 71 ans, Henri Mausen est entré à la FLF en tant que médecin en 1980. Et depuis une quinzaine d’années, il en préside la Commission médicale. Un homme d’expérience et sage donc pour analyser une situation assez exceptionnelle.
Pensez-vous qu’il faut continuer ou arrêter les compétitions de football?
Henri Mausen : Je crois qu’il faut essayer de continuer. Mais le faire prudemment. Et pour le moment, il me semble prudent de les arrêter pour deux ou trois semaines. Histoire de voir comment vont évoluer les chiffres des personnes contaminées. Voir si cela va se stabiliser, voire baisser. Avec des chiffres comme ceux qu’on connaissait au début du championnat, c’était correct. Mais ici, on ne va pas mettre les joueurs, les entraîneurs ou les spectateurs présents en danger. Le football n’est pas assez important pour risquer la vie de quelqu’un. Après, je suis pour que des entraînements subsistent. Notamment chez les jeunes. Mais par petits groupes, comme cela a été instauré par le gouvernement. Voir des gens, faire une activité physique, cela peut éviter des dégâts secondaires. Au niveau social ou même de surconsommation d’écrans chez les enfants. Une bonne sortie, cela stimule un peu les défenses immunitaires. Garder une bonne hygiène de vie est important.
Tim Meyer, le président de commission médicale de la fédération allemande et de l’UEFA, a publié une thèse qui explique qu’il est très peu probable que des joueurs actifs sur un terrain soient infectés par le Covid-19 sur celui-ci…
Je connais bien Tim qui exerce aussi à l’université de Sarrebruck. C’est un cardiologue qui a fait la médecine du sport. Il est souvent au Luxembourg et quand on se voit, on se fait la bise. Enfin plus maintenant évidemment (il rigole)… Le risque est minimal certainement quand on évolue en Bundesliga, qu’on respecte les consignes sanitaires et la bulle dans laquelle on est. Comme on l’a fait aussi au Luxembourg avec l’équipe nationale lors des deux derniers rassemblements. J’étais d’ailleurs du voyage au Monténégro voici quelques semaines. Avec des tests tous les deux ou trois jours pour les joueurs, des contacts très limités avec ceux-ci, l’interdiction de sortir de l’hôtel, … Mais ici, au niveau du football luxembourgeois, tout cela n’existe pas. On peut certainement se faire contaminer partout. Même en taclant un autre joueur. Enfin, c’est surtout dans les vestiaires, les buvettes, les tribunes que les risques sont les plus élevés. Plus il y a de monde, plus le risque est grand. Il faut savoir se montrer raisonnable. Sans faire de mauvais jeux de mots, personne ne va mourir si on arrête de jouer au foot pendant trois semaines.
Jouer à huis clos? Cela sert surtout pour toucher les droits télé (…) Mais cela servirait à quoi pour un Redange – Beckerich?
La formule du huis clos est fort répandue un peu partout dans les pays limitrophes. Certains l’ont évoquée pour la BGL Ligue…
Le huis clos, cela sert surtout à pouvoir assurer les matches et faire en sorte que les clubs et autres fédérations puissent toucher les droits télé. Pour l’argent donc. Et cela fonctionne pas mal. En tant que fanatique du club de Cologne, j’ai regardé leurs matches à la télévision. Au début, on sentait que c’était un peu difficile pour les joueurs, mais désormais, on a même retrouvé une vraie intensité. Mais cela servirait à quoi pour un match Redange – Beckerich?
On voit à l’étranger des championnats qui continuent, avec des tests tous les x jours, des joueurs placés en quarantaine s’ils sont positifs pendant que leur équipe continue à jouer… Un mode de fonctionnement impossible à mettre en place dans un championnat non professionnel comme notre BGL Ligue?
Si on trouve quelqu’un qui peut payer tous ces tests, pourquoi pas (il sourit). Non, les clubs n’ont pas les moyens et la sécurité sociale non plus. Vous voyez l’État payer pour tester les 30 000 footballeurs du pays? Et si on le faisait, il faudrait faire pareil pour les handballeurs, les basketteurs, les volleyeurs, … Je ne suis pas spécialiste en finances, mais tout ça me paraît totalement impossible. Et puis, qui effectuerait tous ces contrôles? Au niveau des labos, on atteint les limites… Il faut parfois savoir se montrer raisonnable.
Entretien avec Julien Carette