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[BGL Ligue] Garder des joueurs en forme, jusque dans leur salon !


Duel aérien entre Boakye (Jeunesse) et Cools (F91). Ces deux-là iront-ils toujours aussi haut dans quelques semaines?

L’entraîneur principal n’est plus le n° 1 des staffs en cette période de confinement généralisé. Le référent principal des joueurs, isolés chez eux, est devenu le préparateur physique. Et il galère.

Strassen s’est fait avoir. Tout est allé trop vite. Mercredi dernier, Manuel Correia et son groupe étaient encore à l’entraînement et puis le lendemain, la FLF a baissé le rideau. Dans la foulée, l’UNA, tout aussi déboussolée que le reste du championnat, a annulé sa séance du jeudi, puis celle du vendredi, puis carrément tout le reste. «Et on n’a plus revu les joueurs…», annonce, dramatique, Sébastien Chedal, le préparateur physique. Pour lui, la nouvelle est moins anecdotique qu’il n’y paraît : personne n’est parti chez lui en emportant les GPS que possède pourtant le club mais qui sont restés dans un placard. Résultat pour lui? «On est aveugles! Vraiment, totalement, aveugles!»

Cela fait une semaine pourtant qu’en DN le centre de gravité des staffs s’est déplacé. Les entraîneurs n’ont plus les manettes. Elles sont passées entre les mains de ceux qui sont désormais censés faire en sorte que les joueurs leur reviennent dans un état pas trop mauvais quand le coronavirus n’aura lui plus de jus. «Ben oui, admet William Salvadori, le préparateur physique du F91. Tous les soirs, j’établis ma séance et j’avertis le reste du staff.» Sébastien Chedal relativise un peu : «Non, les patrons, ce sont les joueurs. Ce sont eux, qui savent!»

«S’ils voient écrit 30 secondes de course (…)  ils voudront savoir combien ils doivent courir en 30 secondes»

Ce sont les joueurs qui savent? Ça, c’est vite dit. Laurent Erlinger, du côté de la Jeunesse Esch, ne va pas chercher à se mentir : «Certains joueurs sont sérieux, d’autres non. Les consciencieux vont m’appeler à la lecture du programme que j’ai envoyé. S’ils voient écrit 30 secondes de course, 30 secondes de récupération, ils voudront savoir combien ils doivent courir en 30 secondes.» Erlinger saura quoi répondre (aux consciencieux en tout cas) pour la simple et bonne raison qu’il se lève à six heures du matin pour effectuer le même programme qu’eux et avoir des références à leur fournir : ce sera 150 m en une demi-minute, «à 103 % de la VMA». Les initiés (et les joueurs) comprendront…
Même comme ça, ces trois spécialistes de l’effort n’ont aucune garantie. Dudelange a déjà programmé ses tests dès la première séance. Poids, masse grasse, endurance, données anthropomorphiques et fondamentales, tout y passera pour traquer ceux qui n’auront pas pu se débrouiller pour rester au taquet en cette période de confinement.

En France, courir dehors sans attestation est passible de 135 euros d’amende

Mais à la limite, tous les joueurs ne l’auront peut-être pas fait exprès. «Courir en France, avec le confinement, ça devient compliqué», témoigne Chedal. Il faut en effet un certificat, téléchargeable sur le site du gouvernement, ou une attestation sur l’honneur qu’il faut porter sur soi. À défaut, l’amende est salée : 135 euros. Autre contrainte : il est conseillé de ne pas s’éloigner de plus de cinq kilomètres de son domicile. «Oh moi, je ne rencontre personne si j’y vais très tôt, assure Erlinger. On PEUT faire du sport si on veut. Les pros font comme ça. J’ai juste dit aux joueurs de courir seuls!»

Il n’empêche, la disparité des situations entre le Luxembourg, la Belgique, l’Allemagne et la France fait que les préparateurs physiques risquent de voir débarquer des effectifs en ordre de bataille très disparate, d’ici quelques semaines. Tous ne vivent pas dans les mêmes conditions de confinement, tous n’ont pas les mêmes moyens de se remuer. «C’est une certitude», assure le préparateur de l’UNA. Ses collègues sont moins péremptoires. «On mettra juste un peu d’intensité courte avant le premier match et on sera bien», sourit Laurent Erlinger. «Oui, en une semaine on sera bon, jure William Salvadori. Ce n’est pas bien grave cette coupure. On était arrivés à la fin de la préparation spécifique. La condition physique générale, les joueurs l’ont.»

Le plus gênant, ce sera le syndrome du pied carré

C’est en effet le syndrome du «pied carré» qui risque d’être le souci majeur au moment où tout le monde reviendra au club. Leurs exercices en solitaire, les joueurs vont les faire sans ballon, sans sauts, sans tacles, sans coordonner leurs courses avec celles de coéquipiers. Bref il risquent d’être très perturbés quand ils retoucheront le cuir. «Ils auront perdu pas mal de choses, y compris l’appréciation des trajectoires», embraye Erlinger. Autant dire qu’après plusieurs semaines à garder tous les joueurs en état sans même les voir, les préparateurs physiques du pays ne seront pas fâchés de refiler le bébé aux entraîneurs principaux, qui vont s’arracher les cheveux de la tête à tenter de refabriquer des footballeurs. «Toute cette période va étager les valeurs», conclut Sébastien Chedal. En gros, l’idée, c’est que si les joueurs font le boulot à la hauteur de leurs dispositions naturelles et de leur sérieux, après le confinement, c’est inévitable, la DN retrouvera les forts devant et les faibles derrière…

Julien Mollereau