Mis sous pression d’office par l’arrivée de capitaux et de joueurs qui ont tout gagné, le promu se retrouve proclamé en état de crise sur la seule foi des résultats. Mais sur le fond, Hespérange mérite-t-elle ça ?
Septième avec huit points en cinq rencontres. Pour un promu, beaucoup, ces dix dernières années, s’en seraient contenté. Mais quand il s’agit du nouveau club de Flavio Becca, avec l’entraîneur le plus régulier du pays quand il s’agit d’aller tutoyer les sommets, Jeff Strasser, avec des joueurs qui ont tout gagné, c’est-à-dire l’ossature dudelangeoise des deux dernières campagnes européennes, forcément, les raccourcis sont vite trouvés : c’est la crise.
Trop fort, comme terme? Les médias et tous les suiveurs du football luxembourgeois, il faut dire, ont bien savonné la planche au Swift. Certains consciemment. Lors de la conférence de presse d’intronisation de l’entraîneur, Sofiane Benzouien n’avait pas pu faire autrement que de reconnaître les ambitions au minimum dirigées vers la conquête immédiate du podium. Mais le bouche à oreille a fait le reste et il a pris les raccourcis habituels. Quand on a Joubert dans les buts, Schnell et Prempeh en défense, Turpel en pointe et tout autour des garçons qui seraient des premiers choix dans n’importe quel autre club du pays, on est vite sommé de viser d’emblée le titre. On le sait, pourtant, que gagner, en football, cela prend du temps. N’importe quel coach sain d’esprit, n’importe quel président raisonnable vous le répètera en boucle : l’argent n’achète rien à ce niveau, même s’il peut y aider grandement. Le travail, par contre…
80 % de buts pris sur phases arrêtées
Nous voilà donc avec une équipe hesperangeoise qui reste sur quatre matches sans victoire et qui ne possède que la neuvième défense du pays alors que les garçons qui la composent ont plus d’expérience réunis qu’une cinquantaine de joueurs piochés partout ailleurs en DN. Où est-ce que ça bloque? Les chiffres le disent sans le moindre doute possible : sur phases arrêtées. Le staff a calculé que 80 % de ses huit buts encaissés avant Hamm l’avaient été sur ces phases standards. Et les Benfiquistes, dimanche, ont égalisé… sur coup franc. Voilà un exercice qui fait appel à quelques notions basiques : l’organisation, la concentration, l’agressivité. Y aurait-il du relâchement dans ce domaine, au cœur de cette défense de trentenaires qui pourraient avoir la conscience de la supériorité théorique de leur effectif sur presque tous ceux de l’actuelle BGL Ligue? En vérité, le Swift devait avoir, ces dernières semaines, une conscience forte de la grosse marge de manœuvre qui est la sienne et pour cause : même quand il a lâché des points, il a été bon.
Le RFCU l’a surpris sur deux trois très bon contres, Strassen a égalisé au bout du bout des arrêts de jeu, le duel un peu fratricide contre le F91 aurait pu se terminer sur un nul pas illogique et Hamm, dimanche, aurait pu être mené 4 à 5-0 à la pause. Cet Hesperange qu’on dit au bord de la crise de nerfs continue donc de jouer, de se créer des occasions de but et de se faire surprendre.
Ce dernier aspect est indigne de son standing. Son manque de réalisme devant le but indigne de son talent. C’est la raison pour laquelle Jeff Strasser, dans l’intimité du vestiaire du Cents, a sérieusement haussé le ton. L’avant-veille, il avait reconnu qu’«un point sur neuf, ce n’est pas suffisant». Deux points sur douze, ça l’est encore moins mais le technicien ne peut pas ne pas avoir conscience que le problème se situe en partie dans la réussite et dans l’investissement. Rien auquel il ne puisse remédier.
«Si j’étais à sa place, moi je péterais un câble», nous disait un joueur avant le match, conscient aussi qu’autour du club, les gens mélangent tout, annexant leur analyse sur les seuls points pris. Alors que précisément, il convient là, comme finalement au Titus Pétange de dissocier les résultats et le fonds de jeu.
Déjà sept points de retard sur la tête
L’ambiance risque toutefois d’être lourde cette semaine, à l’entraînement. Parce que justement, c’est Pétange qui pointe à l’horizon. Une équipe qui a eu aussi assez de malchance ces dernières semaines pour se voir en miroir du club du Holleschbierg, qu’il viendra défier sans la moindre crainte et avec sûrement plus à opposer que bien d’autres adversaires depuis la fin août.
Les Hesperangeois restent sur deux défaites au stade Alphonse-Theis. Eux qui ont frappé plusieurs fois le poteau, vu des ballons repoussés à même la ligne, auront-ils enfin la réussite qui éviterait que tout le pays ne commence à les pointer du doigt en parlant d’accident technologique? Même si Abdallah régale souvent, Turpel manque. Et le temps presse. Jeu cohérent ou pas, le F91 et Wiltz, deux énormes outsiders en passe de changer de standing, comptent déjà sept points d’avance et Dudelange a un match en retard.
Reste que le Swift a ce soulagement relatif de savoir qu’il n’est pas seul, parmi les favoris, à galérer. Le Progrès, en manque de joueurs, le RFCU, perturbé par le coronavirus, Pétange, qui souffre des mêmes maux que lui, donc, sont aussi à la traîne. Cela relativise la singularité de leur situation mais ne la rend pas moins dangereuse : ces clubs-là aussi, vont devoir, à un moment ou a un autre, repartir de l’avant. Et il n’y aura pas de la place pour tout le monde.
Julien Mollereau