L’attaquant dudelangeois Adel Bettaieb a reçu trois propositions de l’étranger cet hiver. Le F91 a dit «niet». Le joueur, dévasté, ne comprend pas et il le dit.
Des rumeurs assez insistantes font état de votre agacement à l’égard du mercato hivernal. Vous nous racontez?
Adel Bettaieb : Une à deux semaines avant la trêve, on m’a fait part de l’intérêt très concret d’un club de D1 hollandaise (NDLR : Utrecht) et je pensais que ça se ferait finalement assez vite, un peu comme au printemps dernier, quand un club de D1 ukrainienne avait formulé une offre que moi. J’avais refusé parce que les conditions ne me convenaient pas. Or là, cette fois, ça a été tout le contraire : mes dirigeants ont même refusé tout contact alors qu’ils auraient pu prendre de l’argent dans l’affaire. J’étais bien dégoûté. Ils n’ont pas respecté leur parole de m’ouvrir la porte et je ne me suis pas privé de le leur dire. Dans la foulée, j’ai reçu une offre du Danemark, puis de Belgique (NDLR : Jammerbugt et Virton), mais le club a triplé la somme qu’ils demandaient auparavant, rendant tout transfert impossible. Alors que tous les autres clubs du pays ouvrent leurs portes pour des départs à l’étranger. Ils m’ont expliqué qu’ils avaient des objectifs, qu’ils voulaient que je reste. Bref, ils ne pensent qu’à eux! Mais dans ce genre d’affaire, ils vont peut-être perdre plus que mon respect : leur crédibilité par rapport aux jeunes joueurs qui pourraient avoir envie de les rejoindre. Ce qui m’agace, pour moi, c’est que j’ai 25 ans. Plus 18 ou 19. Ce genre d’opportunités, c’est très rare et ils le savent très bien. Par contre, ils ne sont pas dans ma tête, ils ne savent pas ce qui s’y passe…
J’ai la rage, ils le savent, je leur ai dit dans les yeux
C’est-à-dire?
Cela a complètement parasité ma reprise. J’avais une bonne relation avec tout le monde dans ce club, c’est d’ailleurs pour ça que j’avais prolongé de trois ans. Parce qu’on m’avait dit « ne t’inquiète pas, on fera tout pour que tu puisses partir si une proposition arrive… ». Or ils ont fait tout le contraire de ce qu’ils m’avaient dit. J’ai prolongé avec un accord de libération, je faisais confiance à 1000 %, j’ai peut-être manqué d’expérience. Du coup, j’ai la rage. Ils le savent, je le leur ai dit dans les yeux. Et je veux que les gens le sachent.
Mais quel effet sur votre reprise? Sur le terrain…
Ah? Mes prestations? Ben je n’y étais pas. Au stage en Espagne, j’étais là sans être là. Je n’étais pas content, pas heureux. Ils ont brisé mon rêve. Moi, je veux toujours tout donner, mais briser une relation de la sorte, c’est dangereux. Bon alors attention, eux, ils veulent qu’on garde une bonne relation et peut-être que dans un mois, je ne serai plus dans la même « vibe », qu’on reprendra le même chemin, mais pour le moment, c’est difficile, la relation est brisée, je suis sur les nerfs et on ne parle pas beaucoup, mon staff, mes dirigeants et moi. Pourtant, le coach, il sait que je l’aime et que j’apprécie son travail.
Je ne veux pas foutre la merde
Mais leurs arguments, finalement, sont audibles aussi, non? Ne serait-ce que pour aller chercher un titre, voire en profiter pour faire de l’argent et se remplumer avant d’avoir à verser une grosse somme à Guy Hellers…
Ah, mais c’est une possibilité qu’ils misent tout sur le fait d’être champions! Mais ils auraient pu aussi gagner de l’argent en me vendant. D’ailleurs, les clubs qui ont, cet hiver, laissé partir des joueurs, ils ont gagné plus que de l’argent : une réputation. Mais il ne le voit pas, ça, le F91? C’est triste. Pourtant, je ne regrette pas d’avoir prolongé l’été dernier. J’étais même très content : j’adore ce groupe, je m’y sens bien, et d’ailleurs, si je n’ai pas pété les plombs, c’est par respect pour mes coéquipiers, qui bossent, qui ont des objectifs. Je ne veux pas foutre la merde.
Ce week-end, il y a la reprise. À quoi va ressembler la deuxième partie de saison d’Adel Bettaieb, l’un des meilleurs joueurs de la phase aller, qui a planté huit buts et contribué au bien-être offensif du leader?
Le football, c’est des opportunités. J’intéressais peut-être des gens cet hiver, mais l’été prochain, ça… Il n’y a pas que les performances du joueur, il y a aussi les besoins des clubs…
Mais la tension retombera bien à un moment et les objectifs sportifs du club repasseront bien un jour au premier plan, dans votre tête…
Bien sûr que nous allons nous remettre à discuter! D’ailleurs, le dialogue se renouera aussi pour parler de cet été, pour se mettre d’accord parce que je n’ai plus confiance. Mais cela ne veut pas dire non plus que je partirai cet été. Après… j’aime trop le foot. C’est comme quand on est amoureux : ça va prendre du temps, mais par respect pour le travail de tout le monde, je vais fatalement me redonner à fond à un moment.
Entretien avec Julien Mollereau