Cette semaine aurait dû être celle du 30e anniversaire du tournoi luxembourgeois. Elle a été l’occasion de parler du futur avec Danielle Maas, la directrice du BGL BNP Paribas Luxembourg Open.
Début juin, les organisateurs du Luxembourg Open annonçaient qu’ils renonçaient à leur édition 2020. Celle qui devait marquer le 30e anniversaire du tournoi et les 25 ans de présence sur le circuit WTA. Cela sera remplacé par une soirée de gala qui se tiendra au Grand Théâtre de Luxembourg le 22 novembre. Mais pour voir du tennis, il faudra attendre l’automne 2021.
Quand vous voyez que le tournoi ATP d’Anvers qui a lieu cette semaine peut accueillir 1 500 spectateurs et que le WTA de Linz, comparable dans pas mal de domaines au rendez-vous de Kockelscheuer, compte attirer 1 000 personnes par jour, vous ne vous dites pas qu’on aurait pu organiser ce Luxembourg Open 2020?
Danielle Maas : Non. Anvers se déroule dans une salle (NDLR : la Lotto Arena) qui peut accueillir plus de 5 000 personnes. Ils ont donc un taux d’occupation en dessous du tiers de la capacité. Et puis, je vais tenter de dire ça avec diplomatie, mais la manière dont on gère cette crise en Belgique peut paraître à certains égards un peu bizarre. On a fermé depuis quelques jours tout le secteur de l’Horeca, mais dans le même temps, on laisse 1 500 personnes aller au tennis… Chez nous, la politique n’a pas vraiment changé depuis avril/mai. Vu qu’on voulait regrouper plus de 1 000 personnes dans un lieu confiné, on aurait dû en faire la demande et je ne sais pas combien de personnes on aurait été autorisés à accueillir. Mais, à titre d’exemple, pour la soirée d’anniversaire des 30 ans du tournoi que nous organisons au Grand Théâtre de Luxembourg le 22 novembre, nous avons droit à 300 convives (tous masqués) alors que le théâtre compte plus de 900 places…
Vous ne vouliez pas d’un tournoi joué devant une salle aux trois quarts vide…
Pour moi, le tennis, cela ne se joue pas devant 300 personnes. Un tournoi, c’est un ensemble. Pas simplement deux joueuses face à face. Mais des spectateurs, des enfants qui demandent des autographes, des VIP, des journalistes qui font vivre l’événement… Regardez comme Roland-Garros était triste. On aurait dit un entraînement… Et puis, il y a les standards sanitaires imposés par la WTA. Quarantaine pour les joueuses, distances de sécurité… Des choses impossibles pour nous. Et qu’est-ce qu’on fait si un ramasseur de balle ou un juge de ligne est positif? Parce qu’il aurait fallu tester tous les jours plus de 500 personnes, soit tout l’entourage du tournoi. Tout cela me fait dire que nous avons pris la bonne décision. Nous avons même fait preuve de bon sens et de lucidité en décidant l’annulation assez tôt. Tous nos sponsors mais aussi la Ville de Luxembourg et l’État luxembourgeois nous ont soutenus dans notre démarche.
Les conséquences financières? On s’en tire assez bien par rapport à beaucoup d’autres tournois qui ont bien plus souffert
Un automne sans tournoi, cela vous repose ou cela vous énerve?
Les deux (elle rit). C’est pour ça que je suis partie quelques jours à la côte belge… où tout est fermé. Mais c’est vrai qu’il y a un vide et que cela a tendance à m’énerver un peu. Enfin, comme je vous le disais, on organise fin novembre une belle et grande soirée. Et cela occupe un peu.
Cette annulation vous a mis un coup?
Non. Pas un coup. Mais cela a amené des regrets, forcément. Après, l’incertitude est la chose qui m’est le plus difficile à gérer. On peut même dire que celle-ci m’énerve. Et là, elle aurait été au plus haut si on n’avait pas annulé…
Aujourd’hui, on se concentre donc sur l’édition de 2021. On s’est mis d’accord avec la WTA, on est sûrs d’organiser le tournoi l’année prochaine.
Parce que vous êtes obligée de l’organiser contractuellement ou parce que vous voulez vraiment le faire?
Les deux! Il faudra voir quel sera le règlement de la WTA en matière de Covid-19. Mais là, on a le temps de préparer des plans A, B, C… selon la situation que nous connaîtrons alors. Comme tout le monde, on espère que celle-ci sera différente d’aujourd’hui, mais personne ne peut en être sûr. Donc, il faudra pouvoir s’adapter. On se donne encore un peu de temps pour voir l’évolution et on analysera les choses avec notre partenaire Octagon (NDLR : qui est propriétaire de la licence du tournoi) et les spécialistes de la situation sanitaire actuelle chez nous.
Avec l’éventualité d’une édition sans spectateurs…
On ne l’espère pas, bien évidemment. Aura-t-on un vaccin dans quelques mois? Personne ne le sait encore. Mais, de toute façon, il va falloir trouver des solutions intelligentes pour vivre malgré la présence de cette maladie. On verra comment on peut faire ça…
Il y aura un avant Covid et un après-Covid. Je pense que cela devrait accoucher d’un autre monde
Vous parlez de cette édition 2021, mais savez-vous déjà à quelles dates elle devrait se tenir?
La WTA communiquera ça en fin d’année, d’après ce qu’elle nous a dit. Cela sera à l’automne. Après, peut-on bouger d’octobre à septembre comme cela avait déjà été évoqué? C’est possible. Comme le fait qu’on reste aux environs de la même semaine que ces dernières années, à quelques jours près…
Financièrement, quelles ont été les conséquences de l’annulation de cette édition?
Heureusement, celles-ci ne sont pas trop importantes. Et je tiens d’ailleurs encore à remercier nos sponsors, la Ville de Luxembourg et l’État pour leur soutien. Nous avons la chance de ne pas avoir trop de frais. Si on excepte la commission que l’on doit verser chaque année à la WTA et qu’on peut estimer à plus ou moins 40 000 dollars. Nous n’avons pas de loyer ni de rémunérations à distribuer. Pas de prize money non plus, forcément. On s’en tire assez bien par rapport à beaucoup d’autres tournois (souvent menés par des agences qui ont des salaires à donner) qui ont bien plus souffert.
Vous parliez de prize money. On sait que celui-ci devait augmenter pour votre tournoi, de 250 000 dollars à 275 000 cette année. Puis à 300 000 dollars en 2021. Cela risque d’être compliqué à tenir compte tenu de la crise économique. Quand on voit que le Masters 1000 de Paris-Bercy, qui se tiendra du 2 au 8 novembre, voit le chèque réservé au vainqueur baisser d’un million d’euros à 300 000 euros cette année…
En raison du Covid, il avait été décidé de baisser le prize money pour cette saison. Et il y a des pourparlers afin qu’il n’augmente pas pour la suite. Je pense que la WTA et son boss, Steve Simon, savent que certains tournois vont mal. On l’a senti lors de la dernière conférence que nous avons eue avec lui. Dans la situation actuelle, tout le monde doit faire des efforts. Eux aussi. Et je pense qu’ils s’en rendent compte. Si la WTA diminuait les prize money, si l’argent commençait à baisser, ce serait un signal fort donné aux joueurs. De plus, il y aura d’autres frais à prendre en compte en 2021 en raison de cette crise sanitaire. Notamment pour la sécurité de tous…
À mon sens, il y aura un avant Covid et un après Covid. Je pense que cela devrait accoucher d’un autre monde. Où il faudra se montrer plus flexible. Ce qui comptera un jour pourra être totalement remis en cause deux jours plus tard. Sur un plan personnel, ce n’est pas vraiment mon fort. Mais j’ai appris de ces derniers mois. On doit regarder vers l’avant, vers 2021. Et nous sommes tous motivés pour ça.
Entretien avec Julien Carette