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[Basket] Sur leur petit nuage


Ehis Etute n’a pas été ménagée par la défense bosnienne. Ce qui n’a pas empêché la pépite luxembourgeoise de littéralement marcher sur ses adversaires.  (Photos : gerry schmit)

FIBA EUROBASKET-2025 QUALIFIERS Invaincues après deux matches, les Luxembourgeoises se prennent à rêver d’aller plus loin.

EST-CE HISTORIQUE?

La réponse est oui. C’était déjà le cas quand la sélection était allée écraser la Suisse en Suisse il y a un an, lors des qualifications de l’Euro-2023. Remporter un match dans une qualification pour un grand championnat, hors JPEE, était déjà quelque chose. Mais en gagner deux de suite, c’est du jamais vu : «Cela fait onze ou douze ans que je suis là et je n’ai jamais vu cela», confirmait d’ailleurs Mariusz Dziurdzia, le sélectionneur national. En l’espace de trois jours, ses joueuses ont écrit une nouvelle page de leur histoire. Une très belle histoire.

EST-CE UN EXPLOIT?

Là encore, la réponse est oui! Sur le papier, un match entre la Suisse, 60e nation à la FIBA et le Luxembourg, classé 68e, ce n’est pas injouable. Encore que, alors que la Suisse se présentait au grand complet, contrairement à ce qui était le cas un an plus tôt, les joueuses grand-ducales, déjà privées de Lisa Jablonowski qui ne joue plus au basket, de Nadia Mossong qui a pris sa retraite internationale ou encore d’Anne Simon qui entame sa dernière saison aux États-Unis, avaient dû enregistrer deux forfaits supplémentaires. Après deux entraînements, Mandy Geniets avait dû renoncer. Quant à Cathrin Wolff, elle devait faire de même pour raisons professionnelles. Et jeudi soir, Catherine Mreches et ses coéquipières ont montré tout leur caractère en imposant leur rythme à des Suissesses qui n’ont jamais pu se dépêtrer de la défense luxembourgeoise. Une première victoire méritée.

Mais évidemment, la Bosnie devait être une autre paire de manches : «C’est trois ou quatre fois plus fort que la Suisse», prévenait d’ailleurs le sélectionneur grand-ducal. Et pourtant, dès le coup d’envoi, on a senti que les Luxembourgeoises étaient tout de suite dans le rythme. Présentes en défense, incisives en attaque, elles ont saisi à plein l’opportunité qui se présentait à elles : «Dès le premier temps mort, j’ai dit aux filles que c’était possible», expliquera d’ailleurs la capitaine Magaly Meynadier à l’issue de ce qui est certainement le plus grand exploit de l’histoire du basket luxembourgeois.

LA BOSNIE ÉTAIT-ELLE AU COMPLET?

On ne va pas se mentir, le Luxembourg n’a pas battu la grande équipe de Bosnie : «Elles ont perdu une dizaine de joueuses», explique Ken Diederich, le sélectionneur national messieurs, grand connaisseur du basket international. Et effectivement, si on regarde l’effectif qui a participé à l’Euro en 2021, elles ne sont plus que trois à avoir foulé le parquet de la Coque. Les stars du pays sont en conflit avec leur fédération pour des raisons financières. Il n’empêche que l’effectif bosnien avait quand même fière allure avec 7 filles qui évoluent à l’étranger (France, Turquie, Monténégro, Émirats arabes unis, Bulgarie, Belarus…), 3 qui dépassent les 1,90 m. Bref, comme l’explique encore Mariusz Dziurdzia : «Même si tu enlèves dix filles à la Bosnie, ils vont en trouver dix autres. Ce serait beaucoup plus compliqué au Luxembourg.» Alors oui, les meilleures n’étaient pas là, mais sur le papier en tout cas, l’équipe bosnienne partait largement favorite.

COMMENT EXPLIQUER LA VICTOIRE CONTRE LA BOSNIE?

Esmeralda Skrijelj savoure ce succès historique face à ses anciennes compatriotes.

Bien plus petites que leur adversaire, avec Ehis Etute et ses 183 cm sous la toise comme pivot, les Luxembourgeoises devaient, comme elles en ont l’habitude sur la scène internationale, compenser leur manque de centimètres : «Avec de la volonté, on renverse des montagnes», confiait encore le sélectionneur après le succès en Suisse. Et dimanche, contre les géantes bosniennes, on a tout de suite vu que les joueuses grand-ducales n’allaient pas se laisser faire. D’entrée, elles ont joué vite, de manière collective, cherchant à chaque fois l’extra-passe pour trouver la joueuse démarquée. Les rebonds, c’est une question de taille mais également de timing, d’envie. Et sur ce plan, elles n’avaient absolument rien à envier à leurs adversaires qui, de l’avis d’une Ehis Etute qui a une nouvelle fois montré ce dont elle est capable (25 pts, 14 rebonds, 4 passes) : «Ne faisaient pas bien le box out.» En clair, l’aide sous les paniers n’était pas leur point fort. Et les Luxembourgeoises en ont profité. Au point même de remporter la bataille des rebonds, toujours une stat importante, sur le score sans appel de 47-35. Alors que la géante Melisa Brcaninovic (1,93 m) gobait 7 ballons, soit moitié moins qu’Ehis Etute, les arrières luxembourgeoises Magaly Meynadier ou Catherine Mreches en prenaient 5 chacune, démontrant que la taille, clairement, ne fait pas tout.

En contrôle d’un bout à l’autre de la rencontre, jamais les coéquipières d’une Esmeralda Skrijelj qui a brillé devant ses anciennes compatriotes (14 pts, 10 rebonds) n’ont semblé s’affoler. Même quand la Bosnie effectuait un petit run, les Luxembourgeoises ne paniquaient pas, elles jouaient telles de vieilles briscardes, allant au bout des 24« , au bout des systèmes pour trouver le meilleur tir possible. Très adroites à deux pts (53,5 %) et sur la ligne des lancers (84,2 %), elles ont fait mieux dans ce domaine que leurs adversaires (respectivement 38,9 % à 2 pts et 60 % aux lancers), ces dernières n’évitant le naufrage que grâce à une grosse adresse longue distance (9/21, 42,9 %), bien meilleure que celle des Luxembourgeoises (5/30, 16,7 %). Mais alors que les Bosniennes n’avaient guère que cette arme, les joueuses grand-ducales sortaient souvent leurs missiles longue distance au bon moment. Et ça aussi, ça fait toute la différence.

La taille, l’adresse. Et la solidarité. Telles ont été les clefs. Dimanche, il n’y avait pas que cinq joueuses sur le parquet. C’est toute l’équipe qui tirait dans le même sens. Peu importe qui marquait du moment que ça rentrait. Et même des joueuses qui n’ont fait qu’une brève apparition se sont mises au service du collectif, comme Charlie Bidinger pour ne citer qu’elle, qui a inscrit un panier à trois points en fin de système, très important.

On ajoutera également une volonté de chaque instant. Si la Bosnie a fait un très mauvais match, c’est aussi et surtout parce que le Luxembourg l’a harcelé de la première à la dernière minute. Les visiteuses, sous pression, ont perdu un nombre incalculable de ballons (25), toutes les 50-50 % balls comme on les appelle, retombaient immanquablement dans les mains des Luxembourgeoises qui ont également bénéficié de nombreux coups de sifflet très favorables de la part du corps arbitral, entraînant frustration, exaspération, voire même énervement sur le banc bosnien.

PEUT-ON RÊVER À UNE QUALIFICATION?

Les filles du basket 3×3 ont été la première sélection de sport co luxembourgeoise à s’être qualifiée pour une phase finale de grand championnat, en l’occurrence les championnats d’Europe, début septembre en Israël. En attendant de voir ce que va faire l’équipe nationale de foot, la question peut légitimement se poser pour les filles du basket 5×5 : «On est à 2-0, c’est complètement dingue. On se dit qu’on peut peut-être se qualifier pour la suite», rêvait tout haut Magaly Meynadier. La suite, ce serait tout simplement une qualif pour la phase finale d’un championnat d’Europe. Mais seuls le premier de chaque groupe et les quatre meilleurs deuxièmes valident leur billet pour le graal. Si la première place semble promise au Monténégro qui, à la différence de la Bosnie, a lui une équipe avec toutes ses stars et évolue bien à son niveau FIBA, à savoir la 25e place, on se dit qu’avec un succès à domicile contre la Suisse et, pourquoi ne pas continuer de rêver, un nouvel upset à Sarajevo, Magaly Meynadier et ses copines ne seraient peut-être pas loin d’une des quatre meilleures places.

REVERRA-T-ON BIENTÔT LA SÉLECTION?

Malheureusement, la réponse est non. En effet, les filles auraient aimé enchaîner directement histoire de rester sur leur bonne dynamique. Mais il y a tellement d’équipe en Europe qu’il a fallu étendre ces qualifications sur trois fenêtres FIBA qui se tiennent… sur trois années différentes. C’est ainsi que la prochaine fenêtre sera pour dans un an presque jour pour jour.  Avec, pour le Luxembourg, les réceptions coup sur coup de l’ogre monténégrin, puis quelques jours plus tard, de la Suisse. Et en un an, beaucoup de choses peuvent changer. Notamment chez les petites nations comme le Luxembourg. Dans un an, Ehis Etute évoluera en NCAA et il est donc hautement improbable que les Ducks de l’Oregon la libèrent pour qu’elle aille disputer deux matches internationaux. Et le Luxembourg avec ou sans Ehis Etute, ce n’est clairement pas la même chose. Il faudra attendre ensuite encore quelques mois, jusqu’en février 2025, pour les deux dernières rencontres, avec des déplacements ô combien périlleux en Bosnie d’abord, puis au Monténégro. Mais d’ici là, énormément d’eau va couleur sous les ponts. Malheureusement…