Université fermée, conditions d’entraînements limitées, équipe décimée par les blessures et le Covid, qu’il attrapera également, la vie de Lou Demuth n’est pas un long fleuve tranquille.
Plusieurs joueurs luxembourgeois ont décidé de tenter leur chance Outre-atlantique. Mais tous ne sont pas logés à la même enseigne. Ainsi, si Anne Simon brille de mille feux avec les Black Bears d’UMaine, avec qui elle nourrit d’énormes ambitions, pour Lou Demuth, en revanche, c’est beaucoup, beaucoup, beaucoup plus compliqué.
Résumé des opérations : au printemps dernier, le plus grand joueur luxembourgeois (2,13 m) annonçait qu’il allait rejoindre Chicago State University pour jouer dans le prestigieux championnat universitaire américain : «Le coach m’a dit qu’il avait besoin de quelqu’un avec mon profil, un grand qui sait un peu tout faire.»
Seulement, il va malheureusement vite déchanter. Il faut dire que l’international grand-ducal n’est pas arrivé dans l’Illinois au meilleur moment. En effet, la pandémie fait particulièrement rage et les mesures sont drastiques : «Quand je suis arrivé, j’ai dû rester deux semaines en quarantaine. Et ensuite on n’avait pas le droit de s’entraîner à cause des mesures sanitaires. Pendant trois semaines, un mois, je n’ai rien fait», explique le géant.
Et alors qu’il avait choisi les États-Unis également pour la trépidante vie estudiantine, Lou Demuth a dû malheureusement vite déchanter : «Tous les cours sont en ligne, je n’ai même pas pu entrer dans le bâtiment.» Ses seuls contacts seront ceux avec les étudiants qu’il croise dans sa résidence sur le campus, où il passe le plus clair de son temps : «Cela ne me dérange pas d’être seul, je suis servi sur ce plan», sourit-il.
Entre les blessures, les malades du Covid, de treize on s’est retrouvés à six
Il partage donc son temps entre ses études depuis son ordinateur et, tout de même, les entraînements avec sa nouvelle équipe. Mais dans des conditions très compliquées : «On n’a pas accès à la salle de musculation, on n’a pas de salle pour le kiné, il doit ramener un lit dans la salle et on n’avait pas le droit de jouer à domicile», précise l’étudiant en première année de géographie.
Et pour ne rien arranger, l’équipe va connaître d’énormes soucis : «On était treize, mais on a tout de suite eu des malades du Covid, qui ont dû s’isoler parfois un mois et pas mal de joueurs victimes de blessures musculaires, qui prennent du temps. Si bien qu’on s’est retrouvés parfois à jouer à six. Avec seulement un titulaire disponible.» Et alors qu’ils auraient pu, en temps normal, largement dominer certains de leurs adversaires, le bilan est terrible puisque les Cougars prennent raclée sur raclée. Ils auront joué neuf matches pour autant de défaites, avec une moyenne de plus de 33 points d’écart.
Dans ce marasme, Lou Demuth fait ce qu’il peut : «Mon premier match était O. K. (12 pts, 6 rebonds, 1 passe) et les suivants un peu moins bon.» Il n’y en aura pas beaucoup d’autres puisqu’il se blessera début décembre. Après quatre rencontres seulement : «Je me suis fait mal aux adducteurs. Normalement, j’aurais dû être apte pour la reprise en janvier.»
Seulement, il n’y aura pas de reprise. En effet, l’équipe va jouer neuf rencontres. S’apprête à disputer la dixième juste avant Noël mais le match est reporté car un joueur d’Iowa est positif. Au vu de l’état général des troupes, le 23 décembre Chicago State décide tout simplement de déclarer forfait pour le reste de la saison : «On devait se rendre en Arizona, à Seattle. Faire autant d’heures d’avion pour jouer à six, ça ne rimait à rien», explique Lou Demuth.
C’est ainsi que tous ses coéquipiers ont rapidement regagné leurs pénates. Mais pas lui : «Je ne pouvais pas prendre un avion aussi rapidement. Le coach a vu que j’étais encore là et alors il m’a invité pour Noël.» Il s’agira bien là du seul vrai moment de réjouissance dans son histoire compliquée de ces derniers mois.
Je ne sais pas si les équipes veulent d’un joueur qui a été positif une semaine plus tôt
La suite sera d’ailleurs du même tonneau : «Je devais prendre un vol à destination d’Amsterdam le 28. Quand j’ai voulu faire le check-in, on ne m’a pas laissé aller sur le vol car je n’avais pas de test PCR négatif. Ils n’acceptaient pas les tests rapides. J’ai dû prendre une nuit à l’hôtel et m’envoler le lendemain pour New York où j’ai attendu huit heures avant de m’envoler pour Paris, qui accepte les tests rapides. Finalement, au lieu de voyager pendant une quinzaine d’heures, mon voyage retour aura duré trois jours…»
Mais bien sûr, l’histoire ne s’arrête pas là. Arrivé à la maison, il doit rejoindre l’équipe nationale qui s’entraîne à la Coque début janvier. Mais il ne se sent pas très bien pendant deux ou trois jours : «J’avais des maux de tête, Ken (NDLR : Diederich, le sélectionneur national) m’a dit d’aller passer un test pour être sûr. Et le test est revenu positif. La Santé m’a contacté quelques heures plus tard pour me dire de me mettre à l’isolement pendant une semaine. Et à l’issue de cette semaine, je serai encore positif mais plus contagieux.» Il est donc resté confiné chez son père et n’est ressorti que jeudi : «Je suis allé faire renouveler mon permis de conduire.»
La suite ? En début de semaine prochaine, il a rendez-vous chez un médecin du sport pour vérifier qu’il est en condition pour s’entraîner. Avec l’idée de tout faire pour rejoindre la sélection qui doit s’envoler pour le Kosovo dans un mois, pour les deux derniers matches des préqualifications du Mondial-2023. Mais pour l’heure, c’est encore très hypothétique : «Je n’ai plus fait de basket depuis un mois et demi. La préparation commence le 5 février, ça va arriver très vite.» Et même s’il reçoit le feu vert du médecin, il n’a, pour l’heure, aucune idée de l’endroit où il pourrait s’entraîner : «Je peux peut-être faire de la muscu avec la FLBB. Pour m’entraîner, éventuellement à Dudelange avec Ken. Mais il faut voir, je ne sais pas si les équipes veulent d’un joueur qui a été positif une semaine plus tôt.» Galères, vous avez dit galères…
Qu’il aille ou pas au Kosovo, Lou Demuth ne sait absolument pas de quoi son avenir sera fait : retour à Chicago State, dans une autre université aux États-Unis ou même rester au Luxembourg : «Tout est possible.»
Romain Haas