Jairo Delgado a tout connu dans sa carrière. Mais il n’avait pas encore gagné un match avec un tir au buzzer. C’est chose faite !
Buzzer beater. Deux mots qui claquent. Le rêve pour tout joueur de basket : offrir la victoire à son équipe sur un tir au moment où la sirène retentit. Pour mettre un tel tir, il faut du talent, forcément, du sang-froid énormément. Et l’occasion également.
Dimanche soir, au Deich. Sept secondes à jouer entre Etzella et le Basket Esch dans cette première manche de la demi-finale qui se joue au meilleur des trois matches. Clancy Rugg vient de rentrer un de ses deux lancers pour offrir deux points d’avance aux visiteurs (77-79). Les hommes de Kreso Basic, qui avaient dominé les débats en première période et mené avec jusqu’à 18 pts d’avance vont-ils se faire surprendre à domicile ?
Sticky Gutenkauf prend la balle. L’arrière fonce tout droit dans la raquette et attire plusieurs Eschois. Mais l’international ne va pas aller au bout : il a vu que Jairo Delgado s’était placé dans le corner. Clancy Rugg s’en est rendu compte également mais trop tard. L’offrande arrive, le vétéran arme… Nothing but net ! Jairo Delgado, grâce à ce missile longue distance, vient d’offrir la victoire aux siens sur son seul et unique panier du match (80-79). Une première qu’il savoure : «J’ai déjà inscrit un buzzer beater en carrière. C’était avec Dudelange en finale contre le Sparta. J’avais arraché la prolongation. On avait perdu la prolongation. Et le championnat. Là, c’est un autre feeling. Comme je n’en ai jamais eu. Merci Sticky !»
On peut souligner l’altruisme de celui qui s’est imposé au fil des années comme le patron de l’équipe. Philippe Gutenkauf n’a pas hésité à servir le toujours très précieux Jairo Delgado : «On en a rigolé avec lui après en disant que “Nels”, lui, n’aurait jamais fait la passe. Ce qu’il a d’ailleurs confirmé.» «Nels», c’est bien évidemment Nelson Delgado. Le cousin de Jairo. La légende du club qui est désormais assistant coach de Kreso Basic.
Et même si ce système n’avait pas spécialement été travaillé à l’entraînement, Jairo Delgado n’a pas été surpris de cette offrande : «J’ai vu comment il me regardait. Et quand j’ai vu qu’il s’enfonçait dans l’axe, j’ai compris qu’il allait me faire la passe. Sticky me fait confiance. Même si à ce moment j’ai zéro point, il sait que je n’ai pas besoin de beaucoup d’occasions pour marquer. La passe était parfaite, j’ai pris le shoot avec du rythme. Et quand j’ai tiré, j’ai eu un bon sentiment. Je ne suis même pas allé au rebond. De toute façon, il n’y avait plus assez de temps.»
Si tu joues des matches comme cela, tu oublies la douleur
Si Jairo Delgado fait depuis longtemps partie des meubles à Etzella, l’ancien meilleur défenseur du pays n’a plus ses jambes de vingt ans. À 35 ans bien sonnés – il aura 36 ans le mois prochain – celui qui était un pilier inamovible a progressivement pris du recul : «Les sytèmes de Kreso ne favorisent par forcément les ailiers. La plupart du temps, ce sont les deux intérieurs et le meneur qui ont la balle. Cela se reflète également sur les points d’Ivan (Delgado). La plupart sont sur des fast breaks», précise-t-il encore. La gâchette nordiste joue beaucoup moins que par le passé. Mais cela s’explique également facilement : «Je ne suis pas au meilleur de ma forme. J’ai pris du poids. Je ne suis plus le gars le plus rapide sur le terrain. Et souvent j’ai d’autres obligations qui font que je ne me montre pas toujours aux entraînements.» Et cela, ça ne pardonne pas avec un coach aussi exigeant que Kreso Basic.
Il ne faut pas oublier que la saison précédente devait être la dernière de son illustre carrière. Mais évidemment, avec le Covid, il n’était pas possible de terminer ainsi. Dans ces conditions, pas toujours évident d’aller chercher la motivation pour des matches sans grand enjeu : «En plus quand tu es vieux, que tu as des bobos partout ce n’est pas facile de se motiver pour jouer en ayant mal.»
Mais maintenant, terminés les matches qui ne servent à rien. Et même s’il est perclus de crampes en sortant du terrain à chaque match, Jairo Delgado va faire tout son possible pour s’offrir une sortie par la grande porte : «Si tu joues des matches comme dimanche, tu oublies la douleur. Et tu t’amuses.»
Mercredi, il sera prêt à entrer sur le parquet quand on fera appel à lui. Il sait que rien n’est gagné : «Si Esch commence le match comme ils ont terminé dimanche, ça va être chaud.» Et nul doute que les Eschois se méfieront si d’aventure, ils voient Jairo Delgado se diriger dans le corner…
Romain Haas