Le Swift remplace officiellement le F91 dans le rôle du candidat incontournable au titre de champion. Il l’assume déjà à moitié. C’est gentil de sa part de ne pas faire semblant.
Il y a des cas, rares, dans lesquels vous raconter la petite cuisine interne des rédactions journalistiques de ce pays en dit aussi long que bien des discours. Et il y a trois semaines, quand ont commencé à se profiler les présentations des clubs, rituels immuables des reprises de saison, s’est joué au Quotidien très rapidement, en à peine deux minutes, une grande première : il aurait été illogique, pour la première fois dans l’existence du journal, de commencer cette tournée des popotes par un promu. L’ordre de présentation revêt en effet un sens fort. Soit il est un calque fidèle des positions des clubs à la fin de la dernière saison, soit il suit de manière aléatoire un vague sens hiérarchique. Et quelle autre place réserver au nouveau club de Flavio Becca que la première ? Après tout, c’est celle qui était auparavant réservée au F91, non ?
La comparaison n’a jamais agacé Jeff Strasser, depuis qu’il a été intronisé capitaine de ce nouveau projet au long terme visant à ramener très vite un club doté d’infrastructures solides en phase de groupes de l’Europa League ou de toute autre compétition que pourrait inventer l’UEFA pour les petites nations, mais de préférence la plus haute. Mais le technicien l’a prise sur le mode de l’ironie parce qu’il fait, lui, passer son côté pragmatique bien avant les fantasmes et symboles des observateurs : «Vu de l’extérieur, l’ossature est peut-être entièrement dudelangeoise mais est tout bonnement impossible de faire jouer tous ces gars tous ensemble.»
Le nouveau F91, peut-être, mais ce ne sont pas les anciens joueurs dudelangeois qui lui donneront cette étiquette. Plutôt les résultats qui en sortiront.
Se mettre dans la peau d’un entraîneur du F91
Il y a quand même des dérives qui ne trompent pas. Des signes extérieurs de richesse qui étaient auparavant inhérents au train de vie dudelangeois et que l’on retrouve désormais au Holleschbierg. Un exemple : lors de sa présentation officielle aux médias, Jeff Strasser avait indiqué ne pas vouloir travailler avec une quarantaine de joueurs. Il en a officiellement… 35 sous ses ordres, d’après le listing transmis aux médias, avec une recrue (Hakim Abdallah) arrivée tardivement dans un secteur pour lequel l’entraîneur avait déclaré ne pas vouloir forcément recruter : l’attaque. L’absence longue durée de Turpel, il ne souhaitait par exemple pas forcément la compenser, estimant avoir largement ce qu’il fallait pour le suppléer, entre Perez, Françoise, Babit, Leonil ou Hammel. Et il a eu… Abdallah, donc.
Dino Toppmöller n’avait pu échapper à cet appétit vorace de sa direction pour les recrues estivales. Jeff Strasser n’y coupera pas visiblement. Mais comme on n’installe pas une relation durable en se renfrognant immédiatement, il l’a joué bon prince : «Il faudra voir comment on peut jouer et surtout avec qui, en fonction des premières licences, des transférés… Cette situation est nouvelle pour moi, je ne l’ai pas connue au Fola, je n’ai jamais eu à diriger un groupe avec plus de quatre JT et à me poser ce genre de questions. Il faudra bien réfléchir. Et une fois que j’aurai pris des décisions, il faudra les expliquer, gérer ceux qui ne jouent pas.» Bref se mettre dans la peau d’un entraîneur du F91 et inaugurer le concept ailleurs qu’au stade Jos-Nosbaum.
Strasser a en tout cas largement les armes pour faire aussi bien et enchaîner les titres sans avoir à passer par une trop longue phase de construction. On ne lui met pas que du talent à disposition, mais aussi de l’expérience et même de l’expérience de la gagne, ce qui est encore autre chose. Lui comme son directeur sportif, Sofian Benzouien, ont assumé dès le début de la préparation, viser au moins le podium. C’est gentil de ne pas simuler, même quand on est un promu…
Julien Mollereau