Bulgarie – Malgré un temps de jeu réduit, Aurélien Joachim fait le bonheur du CSKA Sofia, avec qui il a mis un doublé samedi. Il ne se satisfait pas de son statut et n’hésite pas à rappeler qu’il est un buteur prolifique.
Avant de partir en vacances, Aurélien Joachim s’est chargé de mettre dans sa poche les fans du CSKA et les journalistes locaux. (Photos : DR/Gerry Schmit)
Le bilan des six premiers mois d’Aurélien Joachim au CSKA Sofia, ce n’est pas que ces chiffres qui disent qu’en une titularisation et onze entrées en cours de match, le Luxembourgeois a inscrit cinq buts, soit cinq de moins que le meilleur buteur du championnat, son coéquipier roumain Sergiu Bus. Au moins Joachim peut-il se consoler en se disant qu’il battra très certainement son record de buts en pro, qui est de 6 unités, que ce soit avec Waalwijk la saison passée ou pour Willem II un an plus tôt.
Le bilan de l’attaquant de 28 ans, c’est aussi une rapide adaptation à la vie bulgare. « Je ne parle pas la langue, mais je sais commander un gâteau au miel et aux amandes ainsi que la spécialité locale, une salade de tomates, feta et concombres », sourit-il. Dimanche, lors de la traditionnelle sortie du club au restaurant pour fêter Noël, Joachim recevait plus de sourires et de félicitations qu’à l’accoutumée. Ses deux buts marqués la veille face à Cherno More Varne (3-1) font de lui un autre homme. Un homme qui a passé le plus clair de son temps sur le banc ou à l’infirmerie et qui est le deuxième meilleur buteur du club. À Sofia, on commence à prendre conscience du potentiel de l’ancien Dudelangeois.
> Votre doublé a permis au CSKA de passer l’hiver en position de leader. Cela suffit-il à votre bonheur ?
Aurélien Joachim : Je suis content d’avoir marqué, mais mécontent de mon temps de jeu. Mettre deux buts en cinq minutes, forcément, ça fait du bien moralement.
> Le moral était vraiment atteint depuis le début de la saison ?
Je n’ai pas eu beaucoup de temps de jeu et ma blessure au quadriceps n’a rien arrangé. Elle a été mal soignée, mais aujourd’hui, ça va beaucoup mieux. Je suis loin d’être à 100 %, pour ça, il me faudrait plus de matches dans les jambes. Mais samedi, je sentais avant le match que c’était un bon jour. J’étais sûr que j’allais marquer. Quand on menait 1-0, je me suis dit : « Tiens, s’ils égalisent, on va avoir besoin de moi. » Je pensais entrer à la mi-temps, j’attendais sur le banc, on était presque à l’heure de jeu. « Là, ça va pas tarder… »
> Votre premier but est un peu chanceux…
J’ai visé la taupe ! Je contrôle, je me la pousse et je frappe.
> Ce doublé peut-il faire évoluer votre situation ?
Après le match, les supporters étaient fous. Et pendant qu’on jouait, je les ai entendus chanter mon nom, ce qu’ils n’avaient jamais fait jusqu’à maintenant. C’est mieux de les avoir dans sa poche puisqu’ils sont très chauds. Deux journaux bulgares m’ont aussi appelé aujourd’hui (hier). Les journalistes m’ont dit : « Ce n’est pas seulement parce que vous avez mis deux buts qu’on s’intéresse à vous. » Je leur ai répondu : « Alors pourquoi vous ne m’avez jamais appelé plus tôt ? » J’espère qu’après la trêve, je vais enfin vraiment jouer.
> Vous n’avez été titularisé qu’une fois et avez marqué 5 buts en championnat. Quel regard portez-vous sur votre productivité ?
D’après un journal bulgare, je marque un but toutes les 48 minutes (NDLR : toutes les 57 minutes selon nos calculs). L’article qui dit ça compare mes statistiques à celle d’un attaquant de Ludogorets (NDLR : l’international tunisien Hamza Younès) acheté pour je ne sais pas combien de millions et qui n’a mis que 4 buts en jouant plus que moi. Difficile de dire combien j’en aurais mis si j’avais plus joué. Un peu plus que cinq, ça c’est sûr.
> Vous avez pris un risque en rejoignant la Bulgarie et vous jouez peu. Quel est le point positif que vous retenez ?
Mon contrat s’arrête en juin, après, on verra ! Non, disons que le positif, c’est que le club est sur le bon chemin. Il a diminué les dettes qu’il avait et se tient à sa ligne de conduite. La FIFA a donné une interdiction de recruter lors des deux prochains mercatos, alors l’effectif ne va pas trop changer. Peut-être que quelques joueurs vont partir pour dégraisser la masse salariale, mais c’est tout.
> Vous n’avez pas envie de partir cet hiver, tout de même ?
Non, on est 1er et j’ai envie d’être champion. Et puis, au risque de me répéter, mon contrat s’arrête en juin. Même si je joue peu, je ne vis pas non plus dans un bunker. Je mène une vie normale, je traîne surtout avec un coéquipier hollandais et un Allemand. J’ai un appart dans une ville moderne, dans une capitale. Je ne joue pas dans un pays en guerre, donc ça va. Ici, j’ai trois chambres et je paye le tiers de ce que je paierais au Luxembourg. Et encore, ce serait peut-être plus petit! Mes coéquipiers parlent tous anglais, ce sont des bons mecs. Bref, tout va bien. Il y a simplement ce problème de temps de jeu qui me frustre. Mais ça ne veut pas dire que j’ai de mauvaises relations avec l’entraîneur ou que mes journées sont mauvaises.
> Le parcours en Ligue des champions de Ludogorets a-t-il empiété sur votre popularité ou cela a-t-il profité à tout le foot bulgare ?
Le CSKA reste de loin le club le plus populaire du pays. Quand Ludogorets joue à Razgrad, il n’y a personne (NDLR : 2 500 spectateurs en moyenne, 6e affluence du pays, loin derrière le CSKA, leader avec 11 400 spectateurs par match). En Ligue des champions, il y a du monde car ils jouent à Sofia. Les gens viennent les voir parce que c’est la Ligue des champions, mais ce ne sont pas des supporters. Il y a une grosse rivalité entre le CSKA et Ludogorets. On m’a dit que l’année dernière encore, les joueurs de Ludogorets touchaient une prime de deux fois leur salaire s’ils battaient le CSKA.
> En parlant de prime, votre doublé a-t-il été récompensé à sa juste valeur ?
Non, il n’y a pas de prime de but ici. Si le club est en train de combler ses dettes, ce n’est pas pour donner de l’argent à un attaquant quand il fait juste son travail.
> Le championnat ne reprendra que le 28 février pour vous. Comment allez-vous combler cette période ?
J’ai encore un match amical demain (aujourd’hui). Là, on vient de faire 4h30 de bus, je ne sais même pas où on est et contre qui on joue. On n’est pas loin de la frontière roumaine, il y a pas mal de fans du CSKA dans cette région et c’est pour ça qu’on est là. Je vais ensuite passer trois jours à Milan puis aux Pays-Bas où vit ma copine. J’ai prévu d’aller voir NAC Breda contre Feyenoord, il y a des anciens coéquipiers du RKC (Waalwijk) qui seront sur le terrain. Dès le 4 janvier, je serai de retour avec le club, on part cinq semaines en Turquie.
Entretien avec notre journaliste Matthieu Pécot