Face à l’interruption de la saison d’Axa League jusqu’au 29 mars, quatre de ses acteurs et un de ses expatriés s’expriment sur une situation inédite. Au menu, méthode Coué et relativisme.
MARC FANCELLI (ESCH, MANAGER)
«Je ne me faispas de souci»
«Pour nous, la situation est simple : le hall sportif étant fermé, les joueurs ne peuvent pas s’entraîner. Chacun d’entre eux le fera depuis chez lui en suivant les consignes fixées par l’entraîneur. Maintenant, s’entretenir chez soi, c’est bien, mais si tu respectes les règles d’hygiène et que tu fais attention dans ta vie privée, je pense qu’il est envisageable que les joueurs puissent se réunir pour aller courir ensemble… Je me dis qu’une grande partie de la population va sans doute attraper ce virus et on ne demande pas aux gens de ne pas aller travailler pour autant… Pour ce qui est du championnat, je ne suis pas inquiet. Je ne me fais pas de souci.»
ROMAIN SCHOCKMEL (PRÉSIDENT DE LA FLH)
«Je n’ai pas fait de rations…»
«En tant que fédération, on s’est tenu aux recommandations du gouvernement. Même si on avait voulu continuer de jouer, il nous aurait été impossible d’assurer aux gens présents une non-contamination, alors… Et puis, imaginons que le championnat se poursuive et qu’un joueur soit contaminé, que fait-on? On le met en quarantaine, lui et ses équipiers? Ça fausserait tout. Arrêter le championnat temporairement me paraît normal afin de lutter contre ce petit problème sanitaire. (On lui demande si, en tant que médecin, il est surpris de l’ampleur pris par la situation) Surpris, non car on a déjà connu un virus de ce type avec la grippe aviaire. D’ailleurs, le coronavirus, ce n’est pas quelque chose de nouveau. On en parlait déjà lorsque j’étais étudiant en médecine… Seulement, il a subi une petite mutation qui le rend plus agressif. Le meilleur remède serait d’éviter d’être contaminé. Maintenant, il ne faut pas que l’économie et le monde du travail souffrent trop longtemps de cette situation. Personnellement, je n’ai aucun problème à me rendre dans un supermarché pour faire mes courses. Je précise néanmoins que je n’ai pas fait de rations (il rit)… Je pense qu’il y a un phénomène d’exagération. Actuellement, on ne sait pas à quel stade en est l’épidémie, mais ce virus va voir son agressivité diminuer au fil des saisons et l’arrivée des beaux jours. Je suis persuadé que d’ici quelques semaines, cette histoire va se terminer. Et puis, on parle du nombre de morts, mais jamais de celui, bien plus important, de ceux qui guérissent. Ce serait intéressant d’aller voir quelqu’un qui, placé en quarantaine, est sorti d’affaire. Pour ce qui est du handball, dès que la situation sera sous contrôle, les clubs seront contactés pour évoquer la situation. C’est sûr qu’il faudra trouver des solutions et ça passera par des semaines anglaises avec des matches en semaine. Pour cela, il faudra travailler en bonne intelligence avec nos homologues du basket et du volley avec qui on entretient d’excellentes relations.»
NIKOLA MALESEVIC (DUDELANGE, ENTRAÎNEUR)
«Je me suis senti seul, pauvre et idiot…»
«(Il rit) Vous m’appelez pour parler de quoi : handball ou coronavirus? Les deux? Commençons alors par le second. Je suis allé ce matin (vendredi) au supermarché à Dudelange car il me fallait un paquet de farine et il n’y en avait plus, le rayon était vide! J’ai vu des gens avec, chacun, trois à quatre caddies remplis à ras bord! Avec mon petit sachet, je me suis senti seul, pauvre et idiot… Bien sûr, cette situation doit être prise très au sérieux, mais faut pas croire pour autant qu’on va assister à la fin de l’humanité… En 99, j’étais à Backa-Palanka, une ville serbe située à la frontière croate. Avec ma famille, même sous les bombardements et alors qu’il n’y avait ni eau, ni électricité ni essence, on trouvait ce dont on avait besoin. Pour ce qui est du handball et de l’interruption du championnat jusqu’à la fin mars, la fédération a suivi la ligne de conduite dressée par le gouvernement. Il faut la suivre puisqu’il ne s’agit pas d’un simple rhume. Après, pour ce qui est de Dudelange par exemple, la salle est fermée. Cela veut dire que les joueurs ne vont pas pouvoir s’entraîner au handball durant deux semaines. Peut-on les imaginer reprendre tout de suite le championnat comme si de rien n’était? Pas simple. Je dis ça mais je ne sais pas comment les choses vont évoluer durant les prochaines semaines…»
DANY SCHOLTEN (BERCHEM)
«Si le championnat venait à s’arrêter…»
«La fédération a décidé de suspendre le championnat jusqu’au 29 mars. Toutes les fédérations dont les championnats se terminent en mai sont dans le même bateau. Et si d’aventure ils venaient à se terminer aujourd’hui, l’impact financier ne serait pas si important que ça. Attention, je ne parle pas du football où un club qualifié pour une Coupe d’Europe perçoit une somme non négligeable, mais, en handball, les clubs paient pour jouer et ne touchent rien. Quant au championnat, l’impact financier ne serait pas si important que ça. Exemple : Berchem doit encore disputer quatre matches à domicile pour un total de 1 000 spectateurs. À 10 euros le billet, tu ne perds, au final, que 10 000 euros! J’ai déjà proposé au club, si le championnat venait à s’arrêter, de ne pas toucher mon « salaire ». Si ça peut aider le club… L’essentiel, aujourd’hui, est ailleurs. Que représente cet argent en comparaison d’une vie potentiellement sauvée? Ou par rapport au fait d’éviter à une personne âgée d’être contaminée? J’entends parfois dire « oui, ces mesures sont vraiment exagérées! ». Tant que tu n’es pas concerné, ça te paraît toujours excessif. Mais dans le cas contraire, et si aucune précaution n’était prise, ces mêmes personnes crieraient au scandale… Ces derniers jours, on a bien vu qu’en l’espace de 24 heures les mesures évoluaient en fonction de l’évolution même de la situation. Je devais aller rendre visite à mon grand-père, mais je n’y suis pas allé. Chacun doit prendre ses responsabilités.»
TOMMY WIRTZ (SARRELOUIS)
«Y aura-t-il des contrôles à la frontière?»
«La fédération allemande a décidé de suspendre les championnats jusqu’au 19 avril. Cela revient donc à reporter cinq journées. Ce qui est beaucoup, d’autant que la saison devait s’achever le 25 avril. Que va-t-on faire jusque-là? Je ne sais pas. Le club a la chance de bénéficier de la salle comme bon lui semble et je crois que l’entraîneur prévoit de ne pas interrompre complètement les entraînements, mais de baisser le rythme à 2-3 séances par semaine. Autour de l’équipe, il n’y a pas d’inquiétude particulière. Me concernant, il faudra voir ce qui va se passer au niveau des frontières : y aura-t-il des contrôles aux frontières? Vont-elles être fermées? Ce vendredi, je suis allé au centre Hartmann pour y faire une séance de fitness. Mais comme il était fermé, je suis allé m’entraîner à… Sarrelouis.»
Charles Michel
La Fédération européenne de handball (EHF) a suspendu jusqu’au 12 avril ses compétitions, dont les Ligues des champions masculine et féminine, en raison de la pandémie de coronavirus. Les huitièmes de finale de la Ligue des champions messieurs, dans lesquels sont engagés le Paris SG et Montpellier, n’auront pas lieu aux dates prévues (18 au 22 mars pour l’aller, 25 au 29 mars pour le retour). Les quarts de finale de la Ligue des champions dames (du 3 au 5 avril puis du 10 au 12 avril), avec Metz et Brest, sont suspendus. La décision concerne également les autres Coupes d’Europe (Coupes de l’EHF et Coupe Challenge chez les hommes et les femmes) et les équipes nationales, et notamment les deux matches que la France devaient jouer contre la Croatie (25 au 29 mars) en qualifications pour l’Euro-2020.
À Berchem, les entraînements sont annulés, mais cela n’empêche pas Geoffroy Guillaume de continuer de s’entraîner. Loin de ses équipiers. «Depuis ce mercredi, je suis en quarantaine», glisse l’ailier gauche. Il y a plus d’une semaine, j’étais en contact avec l’une de mes collègues qui, elle, a été diagnostiquée positive mercredi au coronavirus. Depuis, mon médecin m’a mis en quarantaine.» Le Français se veut rassurant : «Je vais très bien. D’ailleurs, je viens juste de faire une séance de musculation. Je n’ai absolument aucun symptôme. Et si l’on part du principe que la période d’incubation est de 14 jours, j’en suis quasiment à la fin. Mais comme j’ai été mis en quarantaine mercredi, j’en ai encore pour une dizaine de jours…» Enfermé chez lui, Geoffroy Guillaume passe ses journées à s’entraîner, regarder Netflix et lire. Pour ce qui est de son approvisionnement en denrées alimentaires, il reste prudent : «Mes courses, on me les dépose devant la porte et j’attends que la personne soit partie pour ouvrir.» Une fois de retour entre ses quatre murs, il observe la vie à travers sa fenêtre. «Chaque jour qui passe, je trace un trait sur le mur…» Geoffroy Guillaume pourra toujours se consoler en se disant qu’il n’aura pas raté le moindre entraînement. Loin de là.