À l’arrêt depuis plusieurs mois, l’athlétisme luxembourgeois espère repartir du bon pied. Mais entre la situation sanitaire, les conditions d’entraînement inégales et un calendrier résumé à sa plus simple expression, rien n’est évident.
LA SITUATION
Les dernières compétitions d’athlétisme se sont déroulées au mois d’octobre. Le temps, notamment pour Charel Grethen, d’effectuer un retour victorieux en s’emparant du titre national du 10 km sur route, qui n’est pourtant pas sa distance de prédilection. Il y a eu ensuite le Haard Trail, remporté par Matthias Geistor, et depuis… rien! Toutes les épreuves au programme de fin d’année ont été annulées et rien n’est prévu avant la seconde partie du mois de janvier : «Avec les dispositions gouvernementales en vigueur, les stades et la Coque sont fermés au moins jusqu’au 15 janvier. Il n’était donc pas possible d’organiser des compétitions avant cette date», explique Jean-Sébastien Dauch, directeur général de la FLA. En clair, seuls les athlètes des cadres élite et promotion du COSL ont accès à la Coque pendant cette période.
C’est, par exemple, le cas de Vera Hoffmann : «En tant que membre du cadre élite du COSL, je peux m’entraîner normalement, sur la piste comme dans la salle de muscu», confie-t-elle. En revanche, son compagnon Bob Bertemes, pourtant le meilleur demi-fondeur du pays, n’est pas dans le même cas. Pour lui, c’est système D : «Je n’ai pas accès à la Coque, donc pour moi, c’est entraînement sur route ou dans la forêt.» Même son de cloche pour le meilleur sprinteur du pays, Pol Bidaine : «C’est un peu comme pendant le premier confinement. Je fais les séances de musculation le samedi à mon cabinet (NDLR : il est kiné) et une fois par semaine dans la cave d’Olivier (NDLR : Boussong, son ami et rival sur la piste). On s’entraîne à deux et on essaye de trouver des endroits avec un toit comme un tunnel, car le temps n’est pas génial.»
LE CALENDRIER
Toutes les épreuves des mois de novembre et décembre sont passées à la trappe et rien n’est prévu au pays avant, au mieux, le samedi 23 janvier, avec le Regio-Meeting 3, suivi, si tout va bien une semaine plus tard par les championnats nationaux indoor. Mais évidemment, ces deux rendez-vous fixés pour ce mois-ci sont tributaires des décisions gouvernementales et de l’évolution de la situation sanitaire. Jean-Sébastien Dauch résume parfaitement la situation : «Si la Coque ne peut pas rouvrir, ils ne pourront pas avoir lieu.»
De l’avis du technicien, mettre en place un calendrier est quelque chose de nécessaire, ne serait-ce que pour les athlètes : «Il est important de donner des perspectives aux athlètes. C’est pour cela qu’on continue à prévoir des compétitions tout en adaptant évidemment nos règlements et nos programmes des manifestations indoor aux conditions sanitaires.» Cela passe par une réduction du nombre de disciplines, du nombre maximal de participants pour chaque épreuve afin de faire en sorte qu’il y ait le moins de monde possible en même temps au même endroit. C’est également pour cette raison qu’il n’est plus possible de s’inscrire à la dernière minute et qu’il a été décidé de privilégier en priorité les athlètes licenciés au Luxembourg.
Et visiblement, rédiger un calendrier est une tâche plus que compliquée : «Cet hiver, on n’a pas réussi à publier un programme avant qu’il ne soit obsolète. On a dû communiquer aux clubs que ce n’était pas de la mauvaise volonté, mais que chaque fois qu’un programme était prêt, une nouvelle annonce faisait qu’il devenait caduc.»
Pour l’heure, le Regio-Meeting 3 (23 janvier), les championnats nationaux (30 janvier), le match international jeunes (6 février) et le CMCM (13 février) sont maintenus au programme, ainsi que des manches du Challenge Tageblatt pour les plus jeunes, étalées désormais sur trois jours. Chez nos voisins, on vient d’apprendre qu’un meeting était prévu à Dortmund, le 16 janvier prochain, sans qu’on sache quels athlètes luxembourgeois pourraient être concernés.
LA PROBLÉMATIQUE DU CROSS
La saison de cross a été réduite à sa portion plus que congrue, puisque la quasi-totalité des manches prévues au programmes ont été annulées. Il reste toutefois deux rendez-vous, à savoir les championnats, à Dudelange (le 28 février) et le cross de Belvaux, une semaine plus tard (7 mars) : «Pour des raisons de statuts, il fallait maintenir le cross de Belvaux, puisque c’est là que se déroulera le championnat en 2022.» Mais si on peut comprendre que l’organisation de courses indoor est compliquée, celle de manches de cross ne l’est pas moins, comme l’explique encore Jean-Sébastien Dauch : «Le souci, c’est au niveau du départ. Il faut que tout le monde s’élance en même temps et c’est un souci. On va peut-être envisager de faire ce qu’on avait fait lors des 10 km sur route : chacun s’élance avec un « buff » (NDLR : un tour de cou qu’on place sur la bouche) et le baisse après quelques dizaines de mètres.»
DAVANTAGE DE PROFESSIONNALISATION
La pandémie du coronavirus aura au moins eu cet effet bénéfique de faire avancer la FLA dans la bonne direction. Le télétravail est devenu la règle, si bien qu’il a fallu «moderniser nos outils et nos modes de communication». Un maître-mot : réactivité. «On s’est rendu compte à quel point il était important d’être très réactif sur tout ce qui concerne l’organisation des compétitions, le travail sur les règlements, etc. C’est pour cela qu’on a décidé d’engager quelqu’un pour s’en occuper.»
Pour rester au maximum au contact avec les athlètes, la FLA a envoyé des vidéos d’entraînement. Et Jean-Sébastien Dauch a également utilisé ses connexions avec la FFA pour pouvoir bénéficier aussi des vidéos de la fédération française : «Si on avait eu une base de données informatisée, on aurait pu toucher, par exemple, les jeunes de moins de 8 ans et leur envoyer une vidéo qui leur était spécifiquement destinée. Ça me conforte dans l’idée qu’il faut un circuit direct pour la communication et l’information aux licenciés.»
DES EUROPE INDOOR MAINTENUS… MAIS LIMITÉS
À l’heure actuelle, outre les JO de Tokyo, toujours programmés cet été (23 juillet-8 août), un autre grand rendez-vous reste maintenu pour les athlètes de très haut niveau : les championnats d’Europe indoor. Les Mondiaux indoor, initialement prévus en mars 2020, avaient été dans un premier temps repoussés à mars 2021 avant d’être reportés en mars… 2023. Mais jusqu’à présent, la ville polonaise de Torun est bien prévue pour accueillir du 5 au 7 mars prochains les meilleurs athlètes continentaux. Ce sera bien sûr sans public… et également avec des restrictions drastiques : «Aux dernières nouvelles, si on a entre un et trois athlètes, il n’y aura qu’un officiel supplémentaire qui pourra les accompagner.» En clair, il faudrait choisir entre un entraîneur de lancer, pour Bob Bertemes, seul qualifié à l’heure actuelle, de demi-fond (Bob Bertemes, Vera Hoffmann, Charel Grethen, Charline Mathias) ou de sprint (Patrizia Van der Weken), voire un kiné. Du côté de la FLA, on a prévu le coup et obtenu l’accord des Belges pour que le kiné puisse s’occuper des athlètes luxembourgeois le cas échéant : «On l’avait prévu aux Mondiaux de Doha, même si, finalement, Bob n’en avait pas eu besoin.»
QUELQUES CRAINTES
Même si le gouvernement annonce la réouverture de la Coque, il ne resterait plus que deux semaines pour que les athlètes puissent reprendre leurs marques. Et comme il s’agit des championnats nationaux, une véritable échéance, nul doute que les sportifs seront très motivés. Peut-être même un peu trop : «En compétition, on essaie d’aller au-delà de ses limites. Le corps a une certaine mémoire et la question peut se poser en termes de blessure. Notamment pour les athlètes qui n’ont pas pu s’entraîner à la Coque normalement.» Les sprinteurs, entre autres, devront faire attention.
Autre sujet d’inquiétude, celui de la perte de licenciés. Surtout chez les jeunes : «On sait qu’ils sont nés avec les outils numériques. Et maintenant, ils sont même en partie dessus pour l’école. En tant que parents, on ne peut plus les limiter, car on ne sait pas s’ils sont en train de travailler ou de faire autre chose. Et du coup, peut-être qu’ils seront plus enclins à rester devant leur écran plutôt que d’aller courir ou taper dans un ballon. Au-delà de la perte d’activité, j’ai une vraie crainte d’une perte de licenciés.»
UNE TOUCHE D’ESPOIR
Jean-Sébastien Dauch se veut optimiste : «Je me dois de l’être. Je pense que, petit à petit, le sport va reprendre ses marques. Mais je crains que ce soit un peu long. Cela me semble prématuré pour cet hiver. Dans les grands championnats notamment, on s’oriente visiblement vers plus de restrictions et des formes de bulles sanitaires plus importantes qu’avant. On voit que des marathons et des semi-marathons ont pu se dérouler pour l’élite à droite, à gauche. Et puis même si c’est compliqué de faire repartir la machine, on a vu cet été que certains étaient capables de très belles performances, même avec un entraînement réduit.» Allez, on espère bien que l’athlé luxembourgeois pourra retourner à une forme de normalité. Ses acteurs en ont clairement besoin.
Romain Haas