Le demi-fondeur luxembourgeois (26 ans, 1,74 m, 55 kg), reconnaissable entre mille pour sa célèbre moustache à la Mario Bros, se languit de retrouver les joies de la compétition. Pour être confronté à de l’adversité et mesurer ses progrès.
Un soir de janvier. Précisément la veille de l’investiture de Joe Biden à la Maison-Blanche. «Je serai prêt à 19h05», nous avertit gentiment Bob Bertemes. Juste le temps pour lui de mettre son téléphone sur mains libres et c’est parti. Pour une discussion au ton léger, enjoué, alors que ses «mimines» sont occupées à masser les cuisses de son ami d’enfance, Ben Scheitler, un footeux qui s’est mis il y a cinq ans à la course à pied et qui vaut maintenant un bon petit 36′ sur 10 km.
Il termine ses études de kiné
«Actuellement, mes journées sont longues, bien remplies. J’effectue mon dernier stage pour devenir kiné. C’est un stage d’une durée de 7 semaines que je réalise chez Help, réseau d’aides et de soins à domicile au Luxembourg. Je suis soulagé car en principe je devais le réaliser pendant l’été, mais avec le Covid personne ne voulait prendre de stagiaire… Là, je termine mon stage de 4 semaines dans le secteur ouest, puis j’enchaînerai par 3 semaines dans la partie sud du pays. Le but est de côtoyer plusieurs maîtres de stage, d’être confronté à différents types de patients. Je travaille 40 à 45 heures par semaine et en parallèle je m’entraîne, autant dire qu’il ne reste plus grand-chose après… Quand que je serai diplômé de l’Univ’ (NDLR : la Lunex) et que j’aurai obtenu le feu vert du gouvernement, ma vie professionnelle pourra enfin commencer. En cabinet ou dans une institution, on verra bien les possibilités qui s’offriront à moi.»
Sa forme du moment et ses objectifs de la saison
«Pour l’indoor, disons que je n’ai pas eu une prépa idéale. Loin de là même. Pas d’accès à une piste ni à une salle de gym, durant le confinement. Ça m’a fait un peu râler, stresser même au début, mais finalement on s’adapte, on trouve des solutions. Je commence donc ma première séance spécifique de vitesse, d’anaérobie ce week-end –, et honnêtement je ne sais pas trop à quoi m’attendre. Je n’ai pas de repères. Mais une chose est sûre, je donnerai le maximum au meeting de Metz sur 3000 m (le 6 février) et sur 1500 m aux championnats nationaux indoor* et au CMCM Meeting (respectivement prévus les 7 et 15 février). Par sécurité, je me suis aussi inscrit au 5 km de Monaco, le 14 février, mais sincèrement j’espère ne pas devoir y aller (il rit). En revanche, sur route, vu que je pense avoir une bonne base aérobie, d’endurance, je vise cette année les 14’10 » sur 5 km – ce qui signifie réussir à tenir l’allure de 2’50 » par kilomètre de moyenne – et j’espère aussi casser la barrière magique des 30′ sur 10 km. Je pense que c’est jouable. Après, ce n’est pas tout de le dire, faut le faire hein ! Mais oui, ça fait longtemps que je n’ai pas mis un réel dossard (septembre) et donc j’ai des fourmis dans les jambes, les pieds qui me grattent !»
Ave Maria
«Début décembre, Vera (Hoffmann, sa petite-amie depuis maintenant 7 ans) et moi, avons pris la décision de quitter notre entraîneuse historique, Maria Paczos. Cela n’a pas été facile… C’est une super bonne coach, elle m’a beaucoup appris en tant qu’athlète mais aussi en tant qu’homme et je lui en suis reconnaissant. Rendez-vous compte, elle me suivait depuis minimes 1, soit à l’âge de 13-14 ans ! Maria a fait de moi un athlète complet, pas seulement un coureur. Avec elle, je ne faisais pas que courir : c’était varié, il y avait aussi des haies, de la musculation, des exercices de mobilité. Si j’en suis aujourd’hui où j’en suis, c’est en grande partie grâce à elle. Mais là, disons que des choses coinçaient, des trucs personnels (il marque un temps d’arrêt)… Je ne souhaite pas entrer dans le détail, mais j’avais besoin de changement, de faire un pas en avant. Mes 10 jours de vacances au Costa Rica, avec deux de mes super potes, Charel Muller et Charel Karier, à la mi-décembre, m’ont mentalement fait le plus grand bien, m’ont permis de »couper ». Je tiens juste à préciser que je ne suis pas fâché avec Maria, on s’est quittés en bon termes. Sur la piste du Celtic Diekirch, mon club, il nous arrive de nous croiser. On se salue, elle entraîne des amis. Vous savez le monde de l’athlétisme, ici au Luxembourg, est tout petit…»
Le retour au premier plan de Charel Grethen
«Je me réjouis de son retour. Ça donne envie, c’est motivant. Réaliser un record national (NDLR : du 1500 m indoor), lors d’une course de reprise, c’est costaud ! Même lui semblait un peu étonné. Charel est un ami, la maison de ses parents se situe à 3-4 km de la mienne. Pour moi, c’est un mec inspirant. Il a longtemps été blessé, mais il n’a pas perdu espoir, il a continué à travailler. C’est quelqu’un de fort mentalement, rigolo aussi, avec qui je m’entends bien. Début décembre, on avait fait un test ensemble sur 10 km, j’avais fini devant lui. Après, la vérité d’un jour n’est pas celle du lendemain… En course, Charel est un adversaire comme un autre. Sauf que je ne l’ai battu qu’une seule fois en compétition. Il est peut-être meilleur que moi en vitesse pure, mais attention j’ai également un bon finish, un bon kick comme on dit dans le jargon.»
Les chaussures à plaque de carbone
«Pour l’instant, j’ai eu l’occasion de tester 3 paires de chaussures à plaque de carbone : les Nike Vaporfly Next%, les Nike Vaporfly 4% et les Saucony Endorphin Pro. Les Brooks Hyperion Elite, elles, je les ai seulement essayées chez Peter Sports sur tapis roulant. Pour moi, le gain au niveau des chaussures à plaque de carbone ne se fait pas forcément au niveau de la propulsion ou du retour d’énergie, mais plutôt au niveau de la récupération. Elles ont un meilleur cushioning (NDLR : amorti), du coup elles provoquent moins de dégâts musculaires et osseux chez le coureur. Après une grosse séance, celui-ci est moins fatigué et met moins de temps à récupérer. Et si je peux refaire une grosse séance 3 jours après au lieu de 5 habituellement, c’est énorme ! Sur marathon, on observe que les chaussures à plaque de carbone permettent de retarder la dégradation de la foulée des coureurs. Avant, on parlait du mur du 30e, désormais ça commence généralement plus au bout de 35-38 km. Après, réduire des coureurs simplement aux chaussures qu’ils portent, je trouve ça limite insultant. Car derrière tout cela, il ne faut pas oublier qu’il y a surtout des heures et des heures de dur labeur.»
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Un grain de folie comme Lewandowski
«Je crois que chaque coureur porte une part de folie en lui. Il faut être un peu fou pour »borner » comme on le fait, aller s’entraîner par tous les temps, aimer se battre, souffrir, repousser ses limites. La vie, c’est quelque chose d’assez sérieux, alors quand il le faut je m’attelle à l’être. Dans mon travail, mes entraînements. Mais dès que je peux faire des petites conneries, rire ou faire rire, je ne m’en prive pas. J’ai pu voir de mes propres yeux ce que se mettait Marcin Lewandowski (NDLR : célèbre coureur polonais de 800 – 1500 m, champion d’Europe à de multiples reprises) à l’entraînement. C’était impressionnant ! Mais cela ne l’empêchait pourtant pas de sortir une petite blague ou de s’arrêter et se réjouir d’une belle vue lors d’un footing. Il ne cessait de me répéter : »Tu sais, il y a des choses plus importantes que la course à pied. ». Depuis, j’ai toujours gardé cela à l’esprit : le plaisir avant tout !»
Incollable sur les oiseaux
«C’est vrai que je m’intéresse de près à la nature depuis tout petit. Je dois tenir ça de mon père, Pit, qui est à la fois prof et paysan. Les animaux, notamment les oiseaux, me fascinent. Ici, dans mon petit village de Kapweiler (NDLR : qui possède 30 habitants et qui fait partie de la commune de Saeul), on a une biodiversité extraordinaire. On voit passer entre 130 et 150 espèces d’oiseaux à l’année. Mon oiseau préféré ? Attendez, je regarde son nom en français… Le martinet noir ! Un vrai acrobate des airs ! Il arrive généralement d’Afrique début mai. Il est élégant, tout noir et vole de manière hyper rapide. Agressif, il chasse des insectes de plus ou moins grande taille. Pour moi, c’est le symbole de l’été qui s’annonce !»
La ferme des Bertemes à Kapweiler
«L’histoire est assez cocasse. Mon père avait un jardin assez grand et avait la flemme de tondre la pelouse. Alors, un jour, il a décidé d’acheter des moutons pour qu’ils broutent l’herbe et qu’on ait une »pelouse automatique » (il se marre). Je vois cela depuis que j’ai l’âge de 1 ou 2 ans, donc pour moi c’est normal. Le cheptel de moutons a depuis bien grandi, on a désormais entre 50 et 60 brebis, 80 vaches Highland (NDLR : une race bovine écossaise), 2 ânes, des poules, des oies, et on a même recueilli 2 chats orphelins… Bref, vous l’aurez compris, dans la famille, on aime les animaux. Notre ferme travaille de manière extensive, tend vers le bio et se veut proche de la nature. Nos bêtes ont une belle vie ici à Kapweiler, elles voient le ciel. La viande que l’on vend est reconnue pour être de bonne qualité, tout en sachant qu’on veille à alléger notre »green footprint » (NDLR : empreinte écologique).»
Ismaël Bouchafra-Hennequin
* Bob Bertemes est notamment double champion national en titre sur 800 et 1500 m indoor (2019, 2020).
Pour en savoir plus :
– Compte Instagram de Bob Bertemes
– Page Facebook de la ferme des Bertemes