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Anthony Moris : «Le club n’a plus aucune emprise sur nous»


Le gardien du Luxembourg est également le gardien de Virton, premier club belge au chômage technique (Photo : Gerry Schmit).

Les joueurs de Virton ont été placés au chômage technique par leur direction. Son capitaine, le Luxembourgeois Anthony Moris, a accueilli la nouvelle avec froideur.

La nouvelle a été révélée par le syndicat des joueurs belges, au beau milieu du week-end : Anthony Moris tout autant que ses coéquipiers de sélection luxembourgeoise et les anciens Dudelangeois, vont passer au salaire minimum le temps que le coronavirus laisse le football reprendre le petit cours normal de son existence. Celle des joueurs virtonais, par contre, va être un peu bouleversée.

Comment avez-vous été averti de ce passage au chômage temporaire ?
Anthony Moris : On a reçu un mail avec la nouvelle. Pas d’explication claire et nette dedans. Cela nous a un peu interloqués, mais c’est une décision de la direction. Moi, j’ai été prévenu un jour avant. J’ai fait mon devoir de capitaine.

C’est-à-dire vous positionner et défendre les intérêts de vos partenaires ?
On est un groupe ouvert. On aurait pu en discuter, avoir un dialogue constructif, trouver des solutions. Là, on nous place dans cette situation jusqu’à la fin du confinement. On parlait d’une reprise pour le 5 avril, mais je pense que cela sera beaucoup plus long. Ce que j’ai du mal à saisir, c’est que les play-offs devaient débuter le 4 avril donc on n’attendait pas de recettes particulières avant cette date. Le club n’était pas dans une situation financière plus précaire à cause du coronavirus…

Je ne pourrais pas en vouloir à des coéquipiers si certains revenaient hors de forme

Cela vous inquiète-t-il quant à la situation financière du club. Avez-vous l’impression qu’il est plus fragile que vous ne le pensiez ? 
Je ne mets pas le nez dans leurs comptes. Je leur fais confiance. Mais avec ce chômage technique, on n’est finalement plus obligés de respecter les plans de courses. Le club n’a plus aucune emprise sur nous et je ne pourrais pas en vouloir à des coéquipiers si certains revenaient hors de forme, avec des kilos en trop.

De toute façon, l’Excelsior n’a plus rien à jouer cette saison…
Oui, c’est vrai. Pour nous, qu’elle reprenne ou pas, ça ne change rien du tout. On n’a pas la licence pour jouer l’Europe (NDLR : récemment, le club a même reçu un avis défavorable pour la licence pro, même si la procédure d’octroi reste en cours et que Virton peut ajouter des pièces au dossier pour obtenir le sésame qui lui permettrait de poursuivre à ce niveau) donc même si on parvenait à arracher une place… Non, notre saison est finie. On a terminé meilleure équipe sur l’ensemble de la saison, mais on n’a rien. Mais j’aurais quand même envie de jouer des matches. Pour l’adrénaline.

Reste que vous, personnellement, avez peut-être atteint un moment dans votre carrière où il serait temps de retourner voir à l’étage du dessus…
Louvain avait montré de l’intérêt au mois de janvier, et avait effectué les démarches auprès de Virton. Pour un joueur, c’est gratifiant, d’autant que Louvain n’était pas le seul. Mais Virton avait dit non parce qu’à l’époque, on pensait encore remporter la deuxième moitié de championnat, pouvoir jouer la finale afin de monter. Mais lors du prochain mercato, la donne sera différente. Il me reste trois ans de contrat, mais je pense qu’on pourra se mettre à table cet été pour envisager toutes les solutions. Je regarde mon propre intérêt sportif et je sais que mes dirigeants ne sont pas fermés. Si je pars, effectivement, c’est pour revenir en D1 belge. Même si le dire maintenant, c’est un peu délicat car tout est au point mort.

Entretien avec Julien Mollereau

« Quand tu gagnes bien ta vie et que tu te retrouves au chômage »

La nouvelle est raide pour les joueurs de l’Excelsior, Anthony Moris ne le cache pas. «On n’a pas de revendications, jure-t-il, conscient de la situation, mais quand tu gagnes bien ta vie et que tu te retrouves au chômage…» Le capitaine virtonais, bien conscient qu’il ne peut pas faire de misérabilisme, tente toutefois de resituer le débat : «Avec nos niveaux de salaires, certains ont quand même organisé leur vie avec une épouse qui ne travaille pas. Ils peuvent se le permettre. Mais ils ont un loyer ou un crédit, des investissements personnels, des assurances à payer. Et du jour au lendemain, on leur annonce qu’ils vont passer de… je ne sais pas, 5 000 euros au revenu minimum.»
Selon le syndicat des joueurs belges, Sporta, qui a alerté les médias du pays sur la situation des joueurs de l’Excel, parmi lesquels pas mal d’internationaux (Aurélien Joachim, Kevin Malget, Dave Turpel), le salaire «minimum» pour un footballeur serait de 2 353,31 euros… bruts. Pas facile de s’en tirer dans ces conditions. «Ah oui, pour certains, c’est la merde, admet Moris. Mais on ne va pas dire à un footballeur comment il doit gérer son argent non plus. Il en fait ce qu’il veut, comme il veut.»