Il faudra sûrement un grand gardien de but contre le Portugal pour espérer un exploit. Ça tombe bien, Anthony Moris multiplie les exploits depuis quelques jours.
On n’a pas toujours besoin d’une parade exceptionnelle pour être renseigné sur l’état de confiance d’un gardien. Samedi, à Dublin, Anthony Moris a été l’auteur d’une absence d’intervention qui en dit long sur sa clairvoyance du moment.
Il a suffi d’un ballon en cloche dans le dos d’Enes Mahmutovic. Le milieu de terrain Alan Browne a alors surgi, l’a intercepté du bout du pied, poussant le ballon juste assez loin pour que l’on se retrouve à hésiter : allait-il y avoir sortie de but ou action de but énorme pour les Irlandais?
Confronté au même dilemme, Anthony Moris y est allé, s’est jeté juste assez pour boucher un angle de tir qui n’existait pas encore et rentrant les mains à la dernière seconde quand il s’est avéré que des deux options, la moins pire (celle de la sortie de but) était devenue aussi la plus probable. On a frôlé le penalty, on a eu remise en jeu pour le Grand-Duché. Applaudissement des deux gants.
La confiance joue un rôle énorme
Pas besoin d’intervention géniale, donc, pour y voir clair. Pourtant, entre le match face au Qatar à Debrecen et celui à l’Aviva Stadium, le portier de 30 ans a fait le show, sortant le très grand jeu à deux reprises sur sa ligne. «Il n’a pas eu dix parades à faire, mais le peu qu’il a eu à faire, il l’a exceptionnellement bien fait», jette Luc Holtz, qui ne voudrait pas que la lumière qui rejaillit sur son gardien fasse de l’ombre à une défense qui a globalement très bien bossé lors de ces deux rencontres.
Pour Moris, il faut se rendre à l’évidence : la confiance joue un rôle énorme. La montée avec l’Union Saint-Gilloise, qui va enfin lui permettre d’entamer une saison de Jupiler Pro League avec la certitude d’être un numéro 1 indiscutable, ces trois saisons qui viennent de s’écouler sans blessure majeure, en dirigeant à chaque fois la meilleure défense du championnat et en faisant, cette saison, l’un des totaux de clean sheets le plus abouti des divisions professionnelles de Belgique.
Mais il n’y a pas que ça. Jonathan Joubert, son prédécesseur au poste, avait en effet coutume de dire que dans le haut niveau, les meilleurs gardiens sont ceux qui parviennent à garder assez leur concentration dans un match où ils n’ont presque rien à faire pour faire l’arrêt juste au moment juste. On est là-dedans, avec Moris, à l’heure actuelle.
Il en doit une à CR7 pour le dernier match
«Il a un très bon feeling, lance encore Holtz. On le voit dans absolument tout ce qu’il fait.» Comme par exemple cette capacité à répondre parfaitement aux nombreuses sollicitations de relance au pied qui surviennent dans le jeu, sous la pression de l’adversaire.
Avoir un n° 1 à ce niveau pour affronter CR7 et compagnie, c’est une aubaine. «Antho» attend encore son très grand soir, un peu comme celui qu’avait vécu Jonathan Joubert contre la France (0-0), à Toulouse, le 3 septembre 2017.
La dernière fois que le Portugal était passé au Barthel (0-2), fin 2019, il n’avait presque pas eu un seul arrêt à faire. À la 86e minute, à 0-1, alors que les Roud Léiwen poussaient, une action litigieuse avait permis à Ronaldo de marquer dans le but vide, mais la star avait failli échouer sur une ébauche d’arrêt réflexe de Moris. Le miracle dans ses six mètres n’avait pas eu lieu, empêchant la réalisation d’un autre miracle, tout court. Aujourd’hui, il le ferait peut-être, cet arrêt décisif…
Julien Mollereau