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Andy Schleck raconte ses Tours de France : « Contador aurait pu reconnaître mon succès en 2010 »


«Moi, c'était Andy. Simplement (...) Je reste fier de ça», explique le vainqueur 2010 du Tour de France. (photo JJ Patricola)

Le Luxembourgeois Andy Schleck, vainqueur du Tour 2010, revient sur sa carrière, ses adversaires et ses équipes avec assez de recul pour permettre d’en offrir une relecture passionnante, à l’heure où la Grande Boucle passe chez lui à Mondorf-les-Bains, au Grand-Duché.

La rencontre a eu lieu vendredi matin dans son magasin de cycles à Itzig où Andy Schleck a pris le temps de dérouler le film des grandes heures de sa carrière sur le Tour de France.

Le Quotidien : Ce Tour qui arrive ce 4 juillet à Mondorf, chez vous, c’est quelque chose que vous auriez aimé connaître en tant que coureur?

Andy Schleck  : Honnêtement, non. Quand tu es coureur aujourd’hui, tu fais quoi? Tu arrives en bus. Tu restes à l’intérieur le plus longtemps possible. Même si c’est pour une étape de sprinteur, tu restes invisible. C’est seulement après ma retraite que je me suis rendu compte ce que c’était de vivre le Tour de France de l’intérieur. Et ce n’est pas toujours agréable. Donc le Tour partira mardi de Mondorf, je ne suis plus coureur et ça me va.

Avez-vous l’impression d’avoir marqué l’histoire du Tour de France ?

J’espère ne pas paraître arrogant, mais je pense que oui, j’ai compté. J’ai été invité récemment à l’ambassade de Grande-Bretagne pour le vernissage de l’exposition de l’artiste James Straffon, qui a peint les portraits de douze anciens vainqueurs du Tour. Il a fait Coppi, Gaul, Anquetil, Merckx, Simpson, Hinault… J’étais dedans. Il a raconté son histoire avec un poème. Pour chaque ancien champion, il accolait leur surnom. Charly Gaul, « l’Ange de la montagne ». Simpson, « mister Tom ». Merckx, « le Cannibale ». Hinault, « le Blaireau ». Moi, c’était Andy. Simplement. Il a fait remarquer que le seul dans ces douze portraits qui n’avait pas de surnom, c’était moi. Il a dit que j’étais le seul qui avait un caractère qu’on ne pouvait pas résumer à une expression. Je reste fier de ça.

Donc, vous n’avez pas de regret de ne plus porter de cuissard au moment où le Tour passe par ici…

Non, je suis content que le Tour passe et je serai content quand le Tour repartira, que cela redevienne plus tranquille pour moi car je reçois beaucoup de journalistes ( il sourit ). Mais je suis content de faire ça. Les journalistes sont respectueux et il faut reconnaître qu’on est vite oublié, une fois que la carrière se termine. Et puis, je ne le cache pas, c’est une bonne pub pour mon magasin. C’est un peu mon troisième enfant.

Vous vous épanouissez dans cette nouvelle vie?

Oui, mais c’est aussi un business dur. Il faut faire du chiffre. Et puis, l’investissement est grand. Je suis aussi ambassadeur pour ASO sur les cyclosportives « By le Tour ». Je suis déjà allé quatre fois à Shanghai. Trois fois à Bangkok. Je vais me rendre à Taïwan et en Afrique du Sud. Des endroits où je n’allais pas lorsque j’étais coureur. Et en tant qu’ancien sportif, on est très bien traité, avec bien plus de respect qu’en tant que sportif en Europe ( il rit ).

Andy Schleck se confie sans fard. (photo LQ)

Andy Schleck se confie sans fard. (photo LQ)

Revenons au Tour de France, on a revu ces derniers jours sur la chaîne L’Équipe, l’étape reine du Tour 2011, la 18e, Pinerolo-Galibier-Serre-Chevalier que vous aviez remportée au bout d’une échappée de 62  kilomètres construite dans l’Izoard. On peut dire que c’est votre sommet?

Oui, même s’il y a des jours où j’étais peut-être plus fort. Il faut resituer l’étape dans son contexte.

Au matin de cette 18e  étape, vous êtes quatrième du classement général à 2’36 » de Thomas Voeckler…

La victoire est belle, mais c’est le contexte que je retiendrai. Il n’y avait qu’un coureur qui me soutenait alors dans mon idée de tenter une échappée d’aussi loin. C’était (Stuart) O’Grady. Il m’a dit  : « Andy, tu peux faire ça, je crois en toi. » Dans le meeting avant l’étape, Kim (Andersen) a tenté de me raisonner. Il m’a dit  : « Tu es sûr, il y a quand même beaucoup de vent, je ne suis pas convaincu que ce soit une bonne idée. » J’ai alors répondu  : « Laissez-moi faire, je veux essayer. » À la fin, j’ai gagné comme je le voulais. Beaucoup prétendaient que le vent soufflait trop fort dans le Lautaret. Or, je partais du principe que l’arrivée était jugée au pied du Galibier et non au sommet. Je m’étais mis cette idée en tête. Je devais passer avec plus d’une minute au sommet de l’Izoard.

Et ensuite, je devais poursuivre au Lautaret (NDLR  : où il eut jusqu’à 4’25 » d’avance). Si j’étais resté dans les roues, les équipiers des leaders auraient continué à faire leur habituel boulot et les leaders n’auraient pas travaillé. C’était mon idée au contraire de les obliger à travailler. Je suis resté à rouler avec 420 et 430 watts. Tout le temps. Qui peut rouler à ces puissances? Cadel (Evans), (Alberto) Contador, seulement les leaders. Je devais donc faire l’écart avant le pied du Galibier, afin d’empêcher les équipiers de faire leur boulot. Cette idée a marché comme ça. J’ai pris du temps sur les équipiers, puis les leaders ont enfin dû rouler pour me rechercher. Le plan a marché, même si la plupart de mes coéquipiers pensaient que ça ne marcherait pas.

Avez-vous eu conscience de réaliser ce jour-là un exploit épique. Eddy Merckx, qui assistait à l’étape dans la voiture de Christian Prudhomme, dira que vous aviez écrit une grande page du cyclisme et que vous aviez donné de la grandeur au Tour de France…

Oui, je m’en souviens. Il était venu m’encourager dans la course. Je revois son sourire lorsqu’il s’approchait de moi. Eddy, cela lui rappelait sûrement des souvenirs personnels mais lui était encore plus fort, il réalisait des coups pareils. Mais c’est vrai qu’aujourd’hui on ne voit plus souvent ça.

Le 21 juillet 2011, Andy Schleck remporte l'étape

Le 21 juillet 2011, Andy Schleck remporte l’étape au sommet du Galibier. (photo AP)

Depuis 2011, on n’a d’ailleurs pas revu ça…

C’est vrai, c’est devenu presque trop mondial aujourd’hui. Rappelez-vous à l’époque de 2011, moi et Contador, on avait cinq étoiles au départ. Il y avait des coureurs qui avaient quatre étoiles, mais dans ma tête, ils n’en avaient que trois. Franchement, je trouve que le niveau est aujourd’hui plus haut. Je ne suis pas convaincu qu’avec ma forme de l’époque, je pourrais encore finir dans le top 5 du Tour.

Vous en êtes sûr?

( Il réfléchit ) Aujourd’hui, peut-être que Froome paraît un peu au-dessus. Mais il me semble qu’il y a beaucoup de coureurs au même niveau. Ce serait plus difficile pour moi de faire un résultat. Et ce genre d’attaque à 60  kilomètres de l’arrivée, ça ne marche plus.

Mais c’est justement ce qui crée l’exploit. Si vous n’aviez pas tenté, vous n’auriez pas pu le faire…

Bien sûr, mais c’est pareil dans la vie. Il y a ceux qui tentent et ceux qui restent prudents. Ce n’était pas ma conception. J’aimais prendre des risques. Même pour ma reconversion, j’aurais pu me contenter d’une place sûre, tranquille, administrative avec un salaire fixe. J’ai préféré me lancer dans une nouvelle aventure. C’est ma nature. Je suis comme ça.

Dans cet exploit du Galibier, ne retrouve-t-on pas le même Andy Schleck qu’à Liège-Bastogne-Liège 2009?

Oui, c’était la même idée. Je garderai en mémoire ces deux victoires. À Liège, j’étais plus jeune, mais c’était déjà mon idée. J’étais très fort, Bjarne (Riis) le savait. Il m’avait dit d’essayer de partir de loin (NDLR : à la Roche-aux-faucons, soit à une vingtaine de kilomètres de l’arrivée), mais avait-il dit, on a une carte avec Frank si ça ne marche pas. Ils n’ont pas cru que j’y arriverais. Ils se disaient, s’il veut essayer, il peut essayer. Mais au Galibier, pour revenir au Tour, si Frank n’avait pas été en course, alors je n’aurais pas eu Maxime Monfort avec moi en point d’appui, comme je l’ai eu. Car l’équipe n’aurait pas été d’accord avec mon idée. J’ai pu le faire car Frank était là. On était les deux cartes de l’équipe.

Dans ce Tour 2011 où vous finissez avec Frank deuxième et troisième sur le podium à Paris, nourrissez-vous aujourd’hui quelques regrets que vous n’aviez pas formulés à l’époque?

Il y a des choses qu’on pourrait…

Car en effet, Cadel Evans ne semblait pas imbattable…

Il y a deux jours où j’ai perdu le Tour 2011. Le jour du Galibier, on avait commencé à rouler trop tôt. Et si j’avais récupéré (Jost) Posthuma mon coéquipier (NDLR  : qui était aussi échappé avec Maxime Monfort ce jour-là), cela aurait fait une différence de deux minutes. Mais j’étais nerveux, je le reconnais. Au lieu d’un gars, j’aurais pu avoir deux gars avec moi. C’est là où on a fait une faute. J’estime que je n’ai pas perdu le Tour dans le contre-la-montre de Grenoble (NDLR  : à la veille de l’arrivée où Cadel Evans lui a repris le maillot jaune endossé la veille à l’Alpe d’Huez) comme cela a été dit, car j’ai fait un chrono honorable. Je l’ai perdu à Gap dans la descente (NDLR  : il avait perdu 1’09 » sur Cadel Evans). C’est très simple et je n’ai pas honte de le dire. C’était ma faute à Gap de ne pas avoir su prendre des risques. C’est comme ça.

Le 24 juillet 2011, sur les Champs-Elysées, Andy et Frank Schleck sur les podium avec le vainqueur Cadel Evans. (photo AFP)

Le 24 juillet 2011, sur les Champs-Elysées, Andy et Frank Schleck sur les podium avec le vainqueur Cadel Evans. (photo AFP)

L’autre grand Tour vous concernant, c’est le Tour 2010. Vous l’avez remporté à la suite du déclassement tardif d’Alberto Contador. Mais souvent on a cru que vous le remporteriez sur la route. Et l’image qui restera, c’est votre saut de chaîne dans l’ascension du port de Balès, alors que vous portiez le maillot jaune. Vous perdez ces 39  secondes qui vous manqueront jusqu’au bout. Vous y repensez souvent?

( Il réfléchit longuement ) Oui et non. Il y a tant de choses qui se passent dans un Tour. C’est devenu une histoire parce que cela s’est vu en direct. Bien sûr qu’avec ces 39  secondes, je gagnais le Tour sans devoir attendre le déclassement d’Alberto. Je sais simplement qu’à la pédale j’étais plus fort que lui. J’aurais déjà dû attaquer plus tôt en montagne. La 14 e  étape que (Christophe) Riblon gagne à Ax 3  Domaines, avec Contador, on se marquait, on avait laissé partir tout le monde ou presque.

Vous vous marquiez souvent avec Contador, on peut dire que c’était votre grand rival?

Oui, oui.

Les observateurs vous ont accusé à l’époque d’être trop gentils l’un envers l’autre, de ne pas être assez méchants. C’était fondé?

Contador a été mon plus grand rival. J’avais perdu le Giro en étant tombé sur Di Luca. Mais Contador, je le regarderai toujours avec du respect. Je l’aime bien, j’ai d’ailleurs acheté son vélo (du Tour 2016) pour le magasin. J’ai fait une photo et je la lui ai envoyée ( il rit ).

Et ce Tour de France qu’il dit toujours avoir remporté, cela vous vexe?

Oui, ça me vexe. Il ne l’a pas gagné ce Tour de France 2010. Quand j’étais encore coureur, je disais que je ne l’avais pas vraiment gagné. Mais aujourd’hui, je sais que je l’ai gagné. Je ne comprends pas Alberto sur ce point. C’est le moment de dire, d’admettre que ce n’était pas juste. Il aurait pu convenir que ce Tour de France 2010, c’était le Tour d’Andy. Cela aurait été respectable. Je me sens vexé car cela vaut au-delà du nom sur la ligne de palmarès. Sur le plan matériel, il m’a fait perdre beaucoup d’argent. Les contrats et les primes qui suivent ne sont jamais les mêmes si on vient de remporter ou non le Tour de France.

Le système n’est pas juste. Car le coureur déclassé par la suite gagne plus d’argent que le coureur déclaré vainqueur par après. Je dis ça surtout pour mes équipiers de 2010 qui n’ont pas reçu les prix auxquels ils auraient eu droit si j’étais monté sur la plus haute marche du podium à Paris. Avec Bjarne (NDLR  : Riis), alors mon patron d’équipe, j’avais un contrat qui disait que je gagnerais une prime si je gagnais le Tour. Je ne l’ai pas eue puisque mon succès a été reconnu bien après (NDLR  : en février 2012)…

Justement, c’est dans ce Tour de France 2010, alors que vous étiez à la lutte avec Alberto Contador, que Bjarne Riis a embauché le coureur espagnol pour la saison 2011. Vous en aviez conscience en pleine course?

C’est normal dans un sens. J’avais été honnête avec Bjarne. Je voulais courir avec une équipe luxembourgeoise (Leopard-Trek), donc j’avais alerté Bjarne dès le Tour de Suisse, bien avant le Tour 2010, que je le quitterais la saison suivante. J’étais fier de ça, de cette idée-là. Bjarne n’avait pas été content, bien sûr. C’était le temps pour nous de voir autre chose et aujourd’hui, je ne le regrette pas. Donc Bjarne a dû s’employer pour reconstruire et recruter un nouveau leader. Cela paraît pervers, car la situation était particulière, puisque Alberto et moi étions rivaux dans ce Tour.

Lorsque vous avez annoncé la fin de votre carrière, Alberto Contador a reconnu que vous étiez son plus grand rival, une marque de sympathie…

Je lui renvoie le compliment. J’ai toujours été très, très correct avec lui. Le moment où j’étais fâché, c’est avec le saut de chaîne sur le port de Balès. Je n’ai pas compris qu’il dise ne pas m’avoir vu sur le bord de la route. Il aurait pu l’admettre, c’est la course. Moi aussi, à sa place, j’en aurais profité. Deux jours après, le public lui crachait dessus et c’était dur pour lui. Du coup, je suis allé plaider sa cause sur le plateau de France Télévisions.

Vous avez calmé les choses à leur demande?

Non, c’était mon initiative personnelle. Il ne pensait sans doute pas que je le ferais. Alberto me connaît très bien et je pense qu’il a, au fond, du respect pour moi. Nous étions des rivaux en course, on se détestait, mais après les étapes on rigolait ensemble.

Votre impossibilité de vous départager sur les sommets ressemblait à un film sans fin. Vous étiez au même niveau?

Oui, je pense qu’on avait la même valeur… Avec des caractères différents. Sur certaines étapes, je ne pouvais pas le lâcher et lui ne pouvait pas me lâcher.

La différence se faisait donc dans les chronos…

Malheureusement, oui.

Andy Schleck, le 31 mai dernier, lors du Skoda Tour de Luxembourg. (photo Julien Garroy)

Andy Schleck, le 31 mai dernier, lors du Skoda Tour de Luxembourg. (photo Julien Garroy)

Passons à vos débuts sur le Tour 2008 (Andy a terminé 8e ou…). Cyrille Guimard (ancien directeur sportif de Bernard Hinault, Laurent Fignon, Greg Lemond aujourd’hui consultant sur RMC et récemment nommé, à 70 ans, sélectionneur des équipes de France) a prétendu que cette année-là c’est vous qui deviez le remporter…

Oui, sans ma défaillance à Hautacam, je l’aurais gagné. Avec le recul, je m’aperçois que tous mes anciens managers ou directeurs sportifs n’étaient jamais vraiment sûrs de moi. J’étais toujours jeune à leurs yeux et je le suis toujours resté. Souvent, je n’étais pas d’accord avec eux et j’ai toujours fait mon truc dans mon coin. Les directeurs sportifs n’aiment pas ça. Si je prends le Tour de Suisse par exemple, ils voulaient toujours que je fasse un résultat. Je disais non, je ne vais pas faire un résultat. Je leur disais de me laisser tranquille jusqu’au Tour. La pression du Tour, c’était mon affaire. Mais jamais ils n’ont été sûrs de ma forme. En 2008, je n’ai pas été encadré comme un grand leader. Et 2008, c’était aussi la polémique avec (Carlos) Sastre (leur coéquipier, finalement vainqueur à Paris). Mais le Tour 2008 fut aussi le Tour du niveau le plus faible de ces 20  dernières années.

Pour Frank, qui avait porté le maillot jaune, et pour vous, cela avait été frustrant de laisser gagner Sastre?

Oui, pour Frank comme pour moi. Ce n’était pas joli. On s’est sacrifiés pour quelqu’un qui ne parlait même plus avec nous depuis le Tour du Pays basque, c’est-à-dire trois mois plus tôt. On bossait pour lui et il ne nous parlait pas. Pas un mot. Et après le Tour, il a partagé ses primes avec tous les coéquipiers, sauf avec nous deux.

Pour quelles raisons?

Parce que c’est un c… Je pense qu’il avait un grand problème psychologique. Il ne supportait pas l’idée de nous voir arriver. Il était de la génération (Ivan) Basso et (Jorg) Jaksche et il n’a pas aimé nous voir arriver, alors que lui avait attendu toute sa vie cette occasion d’être leader. Ses cadeaux d’après-Tour  : des montres, du vin, sauf pour nous deux, Frank et moi. Cela m’est resté en travers de la gorge.

Mais sans vous, il ne remportait pas ce Tour 2008…

Bien sûr que non. Si j’avais attaqué derrière lui dans l’Alpe d’Huez (où Sastre a pris le maillot jaune), je revenais sans problème sur lui et je gagnais l’étape.

L’ordre était-il mal établi dans l’équipe CSC?

Je ne sais pas. Tout avait commencé sur le Tour du Pays basque où il n’avait pas aimé nos blagues à table. S’était-il vexé? Je ne le saurai jamais. Mais c’était clair qu’il allait quitter l’équipe à la fin de cette saison 2008, alors que nous, nous restions.

Finalement, quel meilleur souvenir du Tour allez-vous garder?

C’est le podium à Paris avec Frank. Au niveau sportif, c’est, je pense, le plus grand podium du monde, tous sports confondus. On ne trouve rien de plus grand. Cela restera une joie énorme. L’amour, c’est la seule chose qui se double lorsque tu le partages avec quelqu’un. Là, j’ai partagé ça avec mon frère et mon meilleur ami, c’est incroyable.

Vous en aviez rêvé en effet…

On en rêvait, mais on n’a jamais vraiment cru que c’était possible. Honnêtement, aujourd’hui, je suis plus content comme ça, d’avoir terminé deuxième et troisième que si nous avions fini premier et dixième. Ces moments-là, partager tes émotions avec quelqu’un que tu aimes, c’est très fort. Je peux revenir sur quelque chose?

Bien sûr…

Je me souviens que quelquefois j’étais décrit comme un coureur qui manquait parfois de caractère en comparaison avec un Contador. Les journalistes comme vous aussi parfois et les observateurs, et mes directeurs sportifs ont pensé ça. Parfois, c’était vrai, je n’avais pas le caractère d’un Merckx. Mais je ne pense pas avoir manqué de caractère…

Du caractère, il vous en a fallu, non, en fin de carrière pour faire front aux problèmes physiques qui ont conduit à l’arrêt de votre carrière?

Oui, j’ai beaucoup souffert dans les derniers mois. C’était dur pour moi mentalement. Mais j’ai rebondi. Et j’ai été content, alors que ça n’allait pas fort, de recevoir des coups de fil de personnes comme Bjarne Riis, Cyrille Guimard et même Flavio Becca qui avait quitté l’équipe depuis pas mal de temps. C’est déjà loin, tout ça…

Denis Bastien

Un commentaire

  1. Purée, quelle excellente interview !

    Sûr qu’ils en auraient gagné d’autres des tours s’ils avaient été moins gentils, moins loyaux…mais on ne se refait pas.

    Hier soir ils assistaient au concert des Achtung Babies avec leur famille et leurs potes de Mondorf, simples et accessibles comme durant toute leur carrière. De très très grand messieurs les frères Schleck.