Karine Reuter, présidente de la LFL, refuse de surinterpréter le résultat qui a conduit à passer de 7 à 5 premières licences sur les feuilles de match.
Mise en quarantaine depuis un test positif, la présidente du RFCU a eu le plaisir, à distance, de voir aboutir une nouvelle réforme poussée par les clubs de l’élite : le passage officiel, pour le 1er juillet prochain, de sept à cinq premières licences sur les feuilles de match. Même si cette petite révolution est passée d’extrême justesse.
Cette petite révolution statutaire touchant au nombre de premières licences sur les feuilles de match est passée d’extrême justesse au nombre de voix, 62 des 108 clubs du pays, c’est-à-dire une majorité, ayant voté contre même s’ils n’avaient pas le poids suffisant pour s’y opposer. Cela dit-il que le football luxembourgeois est un peu divisé aujourd’hui, entre réformateurs (plutôt les clubs de l’élite) et conservateurs (plutôt les petits clubs) ?
Karine Reuter : Déjà, je ne sais pas si cette réforme est une révolution. Mais je pense qu’on peut considérer, en tout cas, qu’on a fait évoluer le football. Parce que cette réforme, cela fait un petit bout de temps qu’on en discute. Un peu comme toutes les modifications statutaires qui sont survenues ces derniers temps (NDLR : notamment les cinq transférés désormais autorisés sur la feuille de match). Mais c’est évidemment un point sur lequel tous les clubs du pays ne pouvaient pas s’entendre unanimement. Il y a des points de désaccord, il y en aura d’autres. Dès qu’on réforme, il y a toujours des « pour » et des « contre ». Cela s’appelle la démocratie, mais moi je ne vois pas une ligne de partage claire entre petits et grands. Ce référendum ne veut pas dire que le pays est divisé entre clubs riches et clubs pauvres. Vous savez, pour déclencher un référendum, il faut qu’un certain nombre de clubs le demandent. La BGL Ligue n’était donc pas toute seule à aller solliciter la FLF pour que cela évolue.
Ceux qui ont voté contre vous ont-ils expliqué pourquoi ?
Oui et je comprends leurs arguments : en bas, dans les divisions inférieures, il y a beaucoup moins cette pression financière qu’on subit, nous. Aujourd’hui, quand vous voyez les tarifs pour un joueur luxembourgeois, c’est dingue.
Sur la base de ce problème de bulle spéculative insupportable entretenue par les règlements, si le « non » l’avait emporté, qu’auriez-vous fait ? Abdiqué en vous convaincant que le moment n’était pas encore venu? Ou auriez-vous sollicité un nouveau référendum dans deux à trois ans ?
Je ne saurais le dire avec certitude. Mais il est vrai qu’un « non » aujourd’hui n’aurait pas forcément voulu dire un « non » automatique dans deux ou trois ans. On a ce rôle de vouloir faire changer les choses, on y croit et cette réforme, on voulait vraiment la voir passer. Le but, ce n’est pas du tout d’écarter les jeunes Luxembourgeois en laissant moins de place, mais c’est un fait qu’aujourd’hui, les grands clubs doivent acheter de jeunes Luxembourgeois comme des fous et c’est l’escalade. Les petits clubs en profiteront aussi : on ne viendra plus forcément les piller de leurs meilleurs jeunes. Et c’est d’ailleurs pour que cela arrive avant la nouvelle saison qu’on a fait vite.
Pour vous, c’est une modification actée pour longtemps ou est-ce le genre de réforme qui gagnerait à être évaluée dans deux ou trois ans pour en vérifier la pertinence ? Parce que cela fait une paire d’années que la DN, comme tout le football du pays, vit avec cette règle qui a souvent été décriée sans que personne s’y attaque.
Ah mais c’est un fait que la situation actuelle pourrait être totalement différente dans cinq ou dix ans ! Là, on réagit à la situation actuelle, oui. Mais d’ici peu, peut-être que les règlements FIFA ou UEFA auront, eux aussi, évolué. Peut-être que notre football aussi…
Quand je vois qu’on a fait toute la formation d’un Danel Sinani de A à Z et qu’on a obtenu 3 000 euros, c’est une catastrophe ! On a été spoliés !
Avez-vous cherché à estimer de combien les tarifs de rémunération d’un jeune première licence baisseraient avec ce passage de sept à cinq ?
Mais ce n’est pas qu’une question de tarifs ! Il est aussi question de savoir comment on veut valoriser nos jeunes joueurs de foot. Je l’ai dit lors de la réunion à la FLF. On ne veut pas payer des joueurs pour les voir s’asseoir en tribunes. Ce n’est pas comme ça qu’on doit voir les choses.
Concrètement, les clubs de BGL Ligue auront-ils moins de Luxembourgeois dans leurs effectifs ?
Pfff (elle hésite)… Je pense que pour les clubs qui disposent de bonnes académies – c’est le cas du RFCU (NDLR : dont elle est présidente) mais il y en a d’autres –, cela ne changera pas la volonté de vouloir intégrer des jeunes. C’est une question d’ADN. Peut-être que pour certains, cela baissera mais alors les joueurs pourront aller chercher ailleurs plutôt que de rester en tribunes. De toute façon, nous, nos très bons jeunes, on les perd à l’âge de 13-14 ans : ils partent à l’étranger et jamais on ne pourra les incorporer à l’équipe A.
C’est un bien plus vaste problème. Pour l’instant, ça rapporte un peu, ces transferts internationaux, mais si on était une entreprise, je dirais qu’on n’a pas beaucoup de retour sur investissement. Quand on voit combien ça nous coûte… Mais à notre petite échelle, on pourrait aussi ouvrir le débat sur les modalités d’indemnisation de la formation dans le cadre des transferts nationaux. Quand je vois qu’on a fait toute la formation d’un Danel Sinani de A à Z et qu’on a obtenu 3 000 euros (NDLR : du F91), c’est une catastrophe ! On a été spoliés ! Mais ce sont les règlements.
Avez-vous encore beaucoup de dossiers à aborder après tous ces acquis des dernières années ?
Les deux dernières années ont été compliquées pour avancer. On ne pouvait pas trop se réunir et on n’a pas avancé comme je l’aurais souhaité. Mais il y a encore énormément de sujets à traiter et certains seront déjà soumis au vote lors de la prochaine AG. Ces derniers mois, je n’ai pas eu l’impression que ces sujets dérangeaient la FLF. Les dialogues étaient très constructifs en tout cas.
Cette dernière nouvelle va-t-elle grandement faciliter le mercato de votre entraîneur-chef, Jeff Saibene ?
(Elle rit) Oui, je pense que ce sera plus facile pour nous ! Mais là, c’est la présidente de club qui vous parle.