Appelez-le Docteur Schrub ! Concentré sur sa prochaine participation au 10.000 mètres des Jeux olympiques, l’athlète Yann Schrub a néanmoins pris le temps de soutenir vendredi à Nancy sa thèse de médecine, couronnement de sa carrière sport-études.
« Avant j’étais Yann l’interne. Maintenant j’appartiens au top européen, je ne peux plus me cacher », reconnaît le coureur lorrain, âgé de 28 ans. Depuis sa troisième place aux Championnats d’Europe, à Munich en août 2022, l’étudiant en médecine a changé de statut en équipe de France et dans le regard de ses concurrents.
A l’époque, celui qui enchaîne les stages à l’hôpital et s’entraîne deux fois moins que l’élite mondiale termine sur le podium, bouclant ses 25 tours de piste un peu plus d’une seconde devant un autre Français, Jimmy Gressier, présenté comme favori.
« Ca se joue à une seconde, et ça a changé ma carrière », raconte l’athlète. « J’étais l’étudiant qui fait une médaille inattendue, devant 3,2 millions de téléspectateurs. Après les sponsors sont venus, et tout s’est débloqué. »
Dès le lendemain, il sollicite sa faculté à Nancy et obtient l’autorisation de prendre deux années de césure à l’issue de sa huitième année de médecine afin de préparer au mieux les JO, une échéance qu’il n’avait jamais envisagée sérieusement jusque-là.
« Personne ne m’a dit: +Ne le fais pas, continue ta dernière année+ » d’études, se remémore-t-il. « Au contraire, tout le monde m’a dit: +Fonce, c’est le rêve d’une carrière sportive, c’est la course d’une vie+. »
« Cartonner » aux JO
Depuis, Yann Schrub a transformé son quotidien et professionnalisé son approche. En plus de ses deux entraîneurs, il s’est entouré de spécialistes de la nutrition ou du sommeil « pour ne rien laisser au hasard ». Il s’entraîne désormais deux fois par jour et a découvert les stages à l’étranger avec l’équipe de France : en avril, il s’envolera pour l’Afrique du Sud.
« Avant, j’avais un gros complexe d’infériorité, parce que les autres s’entraînaient plus que moi. J’étais l’outsider, mais je n’avais rien à perdre », explique-t-il. « Maintenant je me mets davantage la pression : si tu n’arrives pas à cravacher en championnat, alors tu n’a rien à faire dans la catégorie de sportif de haut-niveau. »
Et ce nouveau rythme réussit au natif de Thionville, toujours fidèle à son club de Sarreguemines (Moselle) : neuvième -et premier Européen- lors des derniers Championnats du monde à Budapest en août, il est devenu, en décembre, le premier Français champion d’Europe de cross. De quoi aborder l’été avec ambition, d’abord aux Championnats d’Europe à Rome, puis aux Jeux olympiques.
« J’ai déjà la tête là-bas. On va essayer de cartonner. Je me prépare tellement pour ces deux courses, il faut que je termine sur les rotules de chez rotules », confie l’athlète, prêt à « souffrir comme à Budapest », où il avait fait un infarctus transitoire et passé une heure et demie au pôle médical !
Thèse « de haut niveau »
Malgré les exigences de sa préparation sportive, Yann Schrub a fait le choix de ne pas se couper de la médecine : entre les entraînements, il a continué de préparer sa thèse sur « l’anémie ferriprive chez les coureurs de tous niveaux », une pathologie répandue chez les pratiquants de course à pied.
Un travail là aussi couronné de succès : le tout jeune docteur a obtenu vendredi les félicitations du jury à l’issue de sa soutenance.
« Il a réussi à constituer une base de données sérieuse et intéressante, c’est un travail de recherche de haut niveau qu’on pourra valoriser avec une publication dans une revue scientifique. C’est plutôt rare pour une thèse en médecine générale », s’enthousiasme son directeur, le docteur Jean-Charles Vauthier, de la faculté de Nancy.
« On est bluffé par ce garçon », reconnaît-il. « Il s’était fixé l’objectif de soutenir sa thèse avant les JO, il s’en est donné les moyens. Il a une vie très structurée et beaucoup d’autodiscipline ».
A peine sa prestation de serment terminée, Yann Schrub se projetait déjà sur ses échéances sportives.
« C’est vraiment un soulagement, je suis content aujourd’hui d’avoir fait cette thèse, d’avoir cette charge mentale en moins », s’est réjoui l’athlète. « Maintenant je peux me préparer sereinement, l’objectif principal ça reste quand même les Jeux olympiques. »
Il reprendra ses études à l’automne, en neuvième année, et prévoit de poursuivre une année de plus pour obtenir une spécialisation en médecine du sport.
Mais pas question de négliger l’athlétisme pour autant : le Mosellan souhaite poursuivre sa carrière jusqu’en 2028 pour finir en beauté aux Jeux olympiques de Los Angeles.