Chris Rodesch dispute ce lundi, à Orlando, le Sweet Sixteen avec son université des Virginia Cavaliers. C’est lui qui a apporté le point décisif face à Stanford, une semaine plus tôt.
Dimanche 9 mai. Charlottesville en Virginie. Les Cavaliers, classés n° 5 du pays, affrontent Stanford (n° 21) au deuxième tour du tournoi NCAA de tennis. En jeu, une place pour le Sweet 16 qui se déroulera à Orlando, une semaine plus tard.
Dans les rangs des Cavaliers, un Luxembourgeois. Chris Rodesch, 19 ans, 1,98 m. Alors que Virginia mène 3-2 et n’a plus besoin que d’un point pour valider son billet pour la Floride, le joueur grand-ducal est sur le pont. Mais opposé à l’Américain Tristan Boyer, ancien n° 8 mondial chez les juniors, les affaires semblent mal embarquées : menée 2-6, 6-4, 1-5, Rodesch est aux portes de la défaite. Mais, fidèle à son tempérament et à ce qu’il vit depuis qu’il est arrivé, il ne lâche rien.
Voilà dix mois qu’il a posé ses valises de l’autre côté de l’Atlantique et qu’il n’est, d’ailleurs, pas reparti, pour mener de front une vie de joueur de tennis et d’étudiant : «En computer science ou economics, je ne suis pas encore fixé.» Il a débarqué aux États-Unis à la faveur de ses bons résultats chez les juniors : «À partir du moment où j’ai intégré le top 100 mondial (NDLR : il atteindra le 57e rang avant de s’absenter neuf mois pour soigner un syndrome de Guillain-Barré), des coaches ont commencé à me contacter sur les réseaux sociaux. À venir me voir sur des tournois.»
S’il pensait, au départ, passer professionnel, il a finalement opté pour la solution universitaire : «J’en ai sélectionnées trois : Michigan, Oklahoma et Virginia. Je me suis rendu sur place il y a deux ans et j’ai opté pour Virginia. C’est un endroit magnifique, avec un des meilleurs programmes de tennis du pays. Ils ont remporté trois fois de suite le titre de champion.» Un choix qu’il ne regrette pas : «Je suis convaincu que c’était un bon choix. Je peux progresser. J’ai de très bons coaches, des coéquipiers qui jouent très bien. À l’issue de mes études, je verrai si je peux passer pro et sinon, j’aurai un diplôme et je pourrai travailler.»
À Virginia, ils sont une quinzaine de joueurs. Pour six places. Il faut donc se battre pour gagner sa place. Et Chris Rodesch s’attendait à passer la saison en tant que remplaçant : «Au début, ce n’était pas vraiment prévu que je sois aligné dans le line up, d’autant plus que j’étais blessé lors des premiers mois. Je m’étais fracturé le scaphoïde au Luxembourg et j’ai été out de juin à novembre. J’ai dû mettre un plâtre pendant trois mois et après, j’ai dû effectuer des exercices pour renforcer ma main.» Mais le sort et le talent du joueur vont changer la donne : «Je devais être n° 7 et remplaçant normalement, mais un joueur s’est blessé. J’ai pu jouer et plutôt bien. J’étais n° 5, puis 4 et maintenant je joue n° 3 dans l’équipe.» Une équipe qui tourne bien avec un bilan de 23-2 et un titre de champion de la Conférence ACC.
Depuis qu’il est arrivé aux États-Unis, Chris Rodesch estime avoir beaucoup progressé. Notamment sur le plan physique : «J’ai pris du poids. On a un préparateur physique qui est l’un des meilleurs mondiaux. Il a travaillé avec Kei Nishikori notamment. On fait des trucs vraiment incroyables», se réjouit-il. Sur le plan tennistique, il a notamment appris à ne plus vouloir terminer les points trop tôt : «Je dois mettre plus de balles sur le court et pas tenter systématiquement le coup gagnant. Ma volée doit également s’améliorer.»
Ce travail et ses entraînements avec ses coéquipiers comme le Suédois Carl Söderlund, ancien 387 à l’ATP, le Suisse Jeffrey von der Schulenburg, qui a été n° 7 mondial chez les juniors ou encore l’Espagnol Inaki Montes-De La Torre, champion national U18 sont autant d’atouts dans sa manche : «C’est un vrai plaisir, chaque jour, de s’entraîner ici. Avec des joueurs très forts. Qui ont le même but que toi. Qui veulent la même chose.». Et ce qu’ils veulent, c’est notamment poursuivre leur parcours dans le tournoi NCAA.
Jet privé en cas de victoire
Retour à ce dimanche après-midi. Chris Rodesch, tout de blanc vêtu, est donc mal embarqué : «Jusque-là, tout était allé très vite. Et dans le troisième set, on était à 0-0 et d’un coup il y avait 1-5. Jusque-là, je n’avais pas bien joué, j’avais raté beaucoup de balles.» Mais en tennis, rien n’est perdu tant que le dernier point n’a pas été joué. Il s’accroche. Et bien lui en prend : «Mon adversaire a commencé à faire des fautes, j’ai eu un peu de réussite sur quelques balles et ensuite tout s’est enchaîné et on s’est retrouvés à 5-5.» Il obtient même la possibilité de passer devant, mais le match se jouera au tie-break : «J’avais le momentum. Je savais que si je continuais de jouer comme cela, j’allais l’emporter.» Il s’échappe 6-2, Boyer revient à 6-5. Il sert pour égaliser : «Et il fait une double.» Et d’ajouter : «C’était un peu bizarre. J’étais content de gagner. Je vais prendre la double.» Dès la rencontre terminée, tous ses coéquipiers se précipitent vers lui : «On travaille toute l’année pour vivre un moment comme cela. C’est beau! Ça restera toujours gravé dans ma mémoire.»
Grâce à cette victoire, le Luxembourgeois (15 victoires pour 6 défaites cette saison) envoie tous ses potes à Orlando. Il prenait l’avion vendredi et devait, une fois arrivé sur place, passer ses deux derniers examens de l’année universitaire, justement en computer science et economics. En effet, pour cause de Covid, qu’il a d’ailleurs attrapé il y a quelques semaines, tout se déroule à distance, cours comme examens.
Et dès ce lundi, retour au tennis. Face à eux, USC, autre très grand nom du tennis universitaire américain : «Ils sont classés n° 12 sur le plan national, mais ils sont très fort en outdoor.» Et, évidemment, le match se disputera à l’extérieur en Floride. «Ce sera du 50-50. Ils sont tous très forts, ce sont des détails qui feront la différence.» Chris Rodesch devrait être opposé à l’Américain Stefan Dostanic, également âgé de 19 ans. UVA passera-t-il ce tour ? Les Cavaliers iront-ils plus loin ? En tout cas, ils ont une bonne motivation : «Notre coach nous a expliqué que pour Virginia, être champion était toujours le but. Et si on gagne, l’université nous offre le voyage retour dans son jet privé !»
Romain Haas