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Tennis : Peng Shuai sort du silence


Apparue masquée, hier en compagnie de Thomas Bach aux JO de Pékin, Peng Shuai retrouvera-t-elle un jour les courts?

On ne l’avait plus vue ni entendue depuis ses accusations de viol à l’encontre d’un ancien dignitaire du parti chinois. Dans un entretien à L’Équipe, la joueuse assure qu’elle n’a jamais disparu.

Tout le monde – occidental – l’imaginait enfermée à double tour dans une geôle tenue secrète du côté de Pékin. La reverra-t-on sur un court de tennis ou allait-elle finir sa carrière comme professeur de tennis au Xinjiang dans un camp de rééducation pour Ouïghours ?

Depuis novembre et son absence, tant visuelle que sonore, à la suite de ses accusations de viol à l’encontre d’un haut dignitaire chinois, Peng Shuai suscitait bien des inquiétudes. Mais, rassurez-vous braves gens, l’ex-n° 1 mondiale de double n’a «jamais disparu». C’est du moins ce que la principale intéressée affirme lors d’un long entretien accordé au journal L’Équipe.

Aux deux envoyés spéciaux du quotidien sportif français présents en Chine à l’occasion des Jeux olympiques d’hiver, Peng Shuai a confié avoir rencontré, samedi lors d’un dîner, Thomas Bach le président du CIO.

«Nous avons pu beaucoup discuter et échanger agréablement», explique la joueuse de tennis. «Il m’a demandé si j’envisageais de revenir à la compétition, quels étaient mes projets, ce que j’envisageais, etc.»

Que penser donc des dires de Peng Shuai ? Celle-ci avait accusé début novembre un ancien dirigeant chinois de l’avoir contrainte à un rapport sexuel. Ces propos, tenus sur un réseau social, furent vite effacés de l’internet chinois. Interrogée sur les faits qui ont amené cette affaire et «l’agression sexuelle» subie, Peng Shuai dément, tout comme elle revient sur son message posté sur un réseau social, message qui a vite disparu.

«Agression sexuelle? Je n’ai jamais dit que quiconque m’avait fait subir une quelconque agression sexuelle», insiste-t-elle. Pourquoi le message accusateur a-t-il été effacé? «Parce que j’en avais envie.» Bon sang, mais c’est bien sûr! Dommage qu’elle n’ait pas jugé opportun de prendre plus tôt la parole afin de dissiper ce qui, selon elle, ressemble de toute évidence à un malheureux malentendu…

Cet entretien accordé en personne n’atténue en rien nos préoccupations

Vêtue d’un survêtement rouge et noir, Peng Shuai, 36 ans, «est apparue en bonne forme» selon les journalistes qui ont réalisé l’entretien, son premier depuis le mois de novembre. Interrogée sur sa vie depuis novembre, Peng Shuai explique qu’elle «est comme elle doit être : rien de spécial…».

Un peu plus loin, on apprend que Peng Shuai est… humaine : «Je voudrais tout d’abord que l’on comprenne bien qui je suis : je suis une fille tout à fait normale. Parfois je suis sereine, parfois je suis contente, parfois je me sens triste, ou encore je peux me sentir très stressée, soumise à une très forte pression… Toutes les émotions et réactions normales qui habitent les femmes, je les vis et les ressens aussi.»

Peng Shuai va donc bien et s’excuserait presque du souci causé par son silence. «Beaucoup de gens, comme mes amis y compris du CIO, m’ont envoyé des messages, et il était tout à fait impossible de répondre à tant de messages. Mais, avec mes amis proches, je suis toujours restée en contact étroit, j’ai discuté avec eux, répondu à leurs e-mails, j’ai aussi discuté avec la WTA…» Et c’est là où le discours porté par la Chinoise se heurte à une autre voix, celle de Steve Simons, le patron de la WTA.

Cette dernière association, qui représente les joueuses de tennis, a réitéré lundi par la voix de son patron Steve Simon un discours ferme. Le 21 novembre, le patron de l’association des joueuses professionnelles se voulait inflexible : «Nous sommes définitivement prêts à retirer nos activités de Chine et à faire face à toutes les complications qui en découlent parce que c’est plus gros que nos activités. Les femmes doivent être respectées et non censurées.»

Alors, Peng Shuai s’est-elle vraiment entretenue avec la WTA et si oui, est-il imaginable un seul instant que Steve Simon n’en soit pas informé? Hier, à la suite de la parution de l’interview de la joueuse dans L’Équipe, l’Américain a maintenu son inquiétude quant à la situation de la joueuse.

«Il est toujours agréable de voir les réapparitions de Peng Shuai, que ce soit lors d’une interview ou aux Jeux olympiques. Cependant, cet entretien accordé en personne n’atténue en rien nos préoccupations concernant son premier message du 2 novembre.» Steve Simon assure d’ailleurs conserver sa position de maintenir à l’écart la Chine du circuit WTA et donc d’annuler les tournois prévus sur le sol de l’Empire du milieu.

Jeudi dernier, deux jours avant la rencontre entre Thomas Bach et Peng Shuai, le CIO avait affirmé qu’il «soutiendrait» Peng Shuai si elle devait réclamer l’ouverture d’une enquête sur les accusations de rapport sexuel forcé qu’elle a formulées contre un ancien dirigeant chinois

«Si elle veut une enquête (sur ces accusations), bien sûr nous la soutiendrons, mais cela doit être sa décision, c’est sa vie, ce sont ses accusations. Nous avons eu les accusations et nous avons entendu aussi le retrait.» Ce soutien, du bout des lèvres, laissait-il présager des déclarations de Peng Shuai deux jours plus tard ?