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Sponsoring : le foot professionnel encore coincé dans le monde d’avant


L'aérien et de l'automobile, particulièrement impliqués dans le monde du football, vont-ils reconsidérer leurs soutiens financiers envers les clubs ? (illustration AFP)

La crise sanitaire, qui a bouleversé le modèle économique du football professionnel, a mis en lumière la dépendance économique des clubs envers les secteurs traditionnels d’une économie globalisée, symbole du « monde d’avant ».

Privés d’une grande partie de leurs revenus en raison de la pandémie de coronavirus, comme les abonnements, les recettes de billetterie ou les ventes de maillots, les clubs, qui ont vu leurs chiffres d’affaires exploser en vingt ans (de 218 millions euros constants en 2000 à 691,8 millions en 2020 par exemple pour le Real Madrid), sont d’autant plus dépendants de leurs sponsors.

Et plus la crise dure, plus l’incertitude concernant la capacité de ces sponsors et des investisseurs à maintenir leurs engagements s’installe. En France, les Girondins de Bordeaux, dont le propriétaire, le fond d’investissement américain King Street, a annoncé vouloir se désengager, en sont la première victime, et peut-être pas la dernière.

Pour William Miller, professeur de marketing du sport à l’université du Wisconsin-Parkside, les situations de crise telles qu’une pandémie « peuvent évidemment amener les entreprises à réévaluer leurs positions ».

D’autant que les clubs les plus puissants et médiatisés dépendent d’un nombre restreint d’acteurs économiques.  Selon Bryn Anderson, analyste financier au cabinet KPMG, spécialiste de l’économie du sport, « la mondialisation accrue du football et l’attrait international grandissant ont fait évoluer le type de marques impliquées au haut niveau : l’augmentation des valeurs de sponsoring a de plus en plus limité les types de secteurs et d’entreprises qui peuvent désormais se permettre ce type d’investissement ».

Chevrolet remplacé par TeamViewer

Ainsi, « le sponsoring des maillots provenant des compagnies aériennes, des banques et des marques automobiles représente plus de la moitié du sponsoring total des cinq grands championnats de football européen », détaille-t-il.

Selon des chiffres compilés sur les cinq principaux championnats (Angleterre, Espagne, Italie, Allemagne et France), 37% des contrats de sponsoring maillot et 13,4% des contrats de naming d’enceintes proviennent de banques ou assurances, tandis que l’automobile et le secteur aérien comptent respectivement pour 10% et 6% des sponsors maillot et pour 13,7% et 6,8% des contrats de naming de stades.

Si le secteur financier parvient à garder la tête hors de l’eau en cette année de crise, ce n’est pas le cas de l’aérien et de l’automobile. Les entreprises de ces deux secteurs qui sont particulièrement impliqués dans le monde du football vont-elles reconsidérer leurs soutiens financiers envers les clubs ?

Oui, affirme Bryn Anderson, qui estime que « les compagnies aériennes, les constructeurs automobiles, les détaillants, les groupes hôteliers et même les marques de tourisme vont se demander s’ils peuvent justifier à l’avenir de dépenser des sommes aussi importantes pour le sponsoring du football ».

Les grands gagnants de la crise (ecommerce, entreprises high-tech, services informatiques) pourraient ainsi remplacer les perdants.

Tout un symbole, le constructeur automobile Chevrolet, actuel sponsor principal de Manchester United à hauteur de 70 millions d’euros par an, n’a pas prolongé son contrat avec le club anglais et sera remplacé par TeamViewer, une entreprise allemande, inconnue du grand public et spécialisée dans les logiciels de gestion d’ordinateur à distance, qui s’est engagée à verser 55 millions d’euros par saison pendant les cinq prochaines années. Bryn Anderson l’assure, « cet accord n’aurait probablement pas eu lieu sans la pandémie », qui a permis à TeamViewer se développer considérablement.

LQ/AFP