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Splendeurs et misères de Bernard Tapie à l’Olympique de Marseille


Il a propulsé son équipe de football au sommet en remportant la Ligue des champions en 1993 (Photo AFP)

« On ne touche pas à Bernard Tapie, grâce à lui je suis champion d’Europe, je le vénère ». Icône du football marseillais, le chroniqueur René Malleville, disparu récemment, résumait ainsi le passage à la tête de l’OM de Tapie, décédé dimanche: des avanies, certes, mais LE titre suprême.

La Ligue des champions 1993, la seule du football français, domine de ses immenses oreilles le bilan de Bernard Tapie. Il a propulsé son équipe de football au sommet, et elle le lui a bien rendu. Comme Silvio Berlusconi en Italie avec l’AC Milan, qu’il battit en finale (1-0) ce 26 mai gravé dans la mémoire de tous les supporters marseillais.

Pourtant, Tapie c’est aussi l’affaire de corruption VA-OM, la chute en 2e division, la faillite, le retour raté en 2001, comme un vieil acteur fatigué qui n’aurait plus la force de rejouer Cyrano… Mais il a fait vibrer cette ville qui tremble de plaisir ou souffre pour son équipe de football.

Elle ne sait d’abord pas trop quoi penser de ce jeune homme d’affaires parisien, quand il reprend en 1986 un OM qui stagnait, sauvé quelques années plus tôt de la faillite et de la 3e division par une bande de gamins du centre de formation, les « Minots ».

Fonceur, instinctif, fort en gueule, roublard, il a réussi des coups magnifiques et connu des flops. Il a fait venir le futur champion du monde allemand Karl-Heinz Forster, mais la greffe Franz Beckenbauer n’a pas pris à Marseille.

Papin, Waddle, Pelé

Tapie a cru le premier en Jean-Pierre Papin, devenu acronyme (JPP) et adjectif (Papinade), il a eu l’intuition du clown génial Chris Waddle, qui a lancé la mode des nuques longues dans tout Marseille, mais a raté – de peu – Diego Maradona, sur le point de venir à l’OM.

Il a même raconté au Monde qu’il avait fait croire à Monaco qu’Abedi Pelé était séropositif pour doubler Monaco sur le transfert de la future star africaine, passeur décisif pour Basile Boli lors de la finale de 1993.

Tapie s’est fâché avec beaucoup d’entraîneurs, écartés sans ménagements, notamment Raymond Goethals, qui reviendra lui offrir l’apothéose de Munich, et a toujours été soupçonné de pratiques douteuses, jusqu’au scandale de Valenciennes qui précipitera la fin.

L’acteur-repreneur-ministre de la Ville a aussi remporté trois titres de champion de France (celui de 1993 a été invalidé) et une Coupe de France, mais a condamné son club à la relégation en 2e division et l’a précipité vers la faillite.

En 1994, déjà privé de coupes d’Europe par l’UEFA, et des revenus qu’elles procurent, l’OM perd la manne des droits télés de la première division. Le club remporte le championnat de deuxième division en 1995 mais, toujours en dépôt de bilan, est interdit de monter par la DNCG (direction nationale de contrôle et de gestion).

Tapie juge que le club est sanctionné pour le toucher lui. « Tant que je resterai président de l’OM, toutes les décisions relatives au club seront défavorables. Je dois donc partir ».

Dubiton, Jardel

Il reviendra, mais son retour à la tête de l’OM comme « actionnaire associé » en 2001, rappelé par le propriétaire Robert Louis-Dreyfus, n’apportera rien à sa gloire, au contraire.

Appelé en catastrophe en fin de saison 2000-2001 alors que le club est relégable et que le Vélodrome scande son nom, Tapie participe certes au sauvetage. L’OM se maintient in extremis, 15e dans un championnat à 18. Mais il a perdu le « mojo ».

Ses sorties tapageuses font « pschitt », comme quand il promet l’arrivée de l’intarissable buteur brésilien du FC Porto, Mario Jardel, qui ne viendra jamais, et la saison suivante est triste (9e), loin du livre d’or des années 1990.

Le lustre de ses adversaires a bien changé. Au lieu de se bagarrer avec le Milan d’Arrigo Sacchi, Tapie bataille contre le directeur financier à moustaches de l’OM, Pierre Dubiton. Il n’a plus l’oreille des joueurs et jette l’éponge.

Ensuite, Tapie intervient de temps en temps dans les médias pour donner son avis sur l’OM et ses présidents. Il éreinte Christophe Bouchet, qui a beaucoup enquêté sur lui quand il était journaliste, il égratigne Vincent Labrune, et s’offre de temps en temps une pleine page d’interview dans sa Provence, qu’il possède, pour dispenser quelques conseils.

Il a beaucoup parlé, s’est beaucoup contredit, mais il est une promesse qu’il aura tenue, la seule qui compte pour les supporters marseillais: il aura ramené la Coupe d’Europe sur la Canebière. A jamais le premier.

LQ/AFP