Contre vents et marées, 138 marins s’élancent mercredi de Saint-Malo en direction de la Guadeloupe pour la 12e édition de la Route du Rhum, course en solitaire qui devrait voir les voiliers les plus rapides traverser l’Atlantique en six jours seulement.
Le coup de canon doit retentir à 14 h 15 pour les navigateurs, 131 hommes et sept femmes, répartis sur une seule ligne de départ de plusieurs kilomètres au large de la cité corsaire.
Grande première dans l’histoire de la célèbre course, le départ, prévu initialement dimanche, a été reporté à cause des conditions météorologiques désastreuses en début de semaine.
« C’était une bonne décision, sage et courageuse, de la part des organisateurs, a estimé François Gabart (SVR Lazartigue), mercredi matin à l’antenne de Radio classique. Nous allons partir dans des conditions beaucoup plus raisonnables que si nous étions partis dimanche. Il y aura de la casse forcément, mais je suis sûr qu’on a évité ainsi une grosse catastrophe. »
Pas découragés, les skippers s’attendent toutefois à ce que les fans soient moins nombreux que d’habitude, sur les pontons de Saint-Malo et sur le long des côtes bretonnes, à venir assister au spectacle des bateaux mettant le cap vers les Caraïbes.
« Dans la vie d’un marin, ce sont des moments exceptionnels, uniques. Il y a tous les ingrédients pour faire une super course, pour que ce soit difficile et que l’on vive un grand moment de sport », s’enthousiasme tout de même Gabart.
« Pas tranquille »
Et si la météo s’annonce plus clémente, « il ne faut pas croire que ça va être tranquille », estime la navigatrice britannique Samantha Davies (Initiatives-Cœur). « Il y aura toujours 138 bateaux à tirer des bords et à se croiser le long des côtes, avec aussi des pêcheurs, des casiers… Il faudra faire bien attention », prévient-elle.
D’autant plus que, sur l’eau, tous les voiliers ne partent pas égaux. La flotte, mélange de professionnels et d’amateurs, est composée de six catégories de bateaux : des petits monocoques ayant participé à la première édition, aux multicoques volant de dernière génération.
Ce sont ces derniers, les Ultim, des trimarans géants atteignant plus de 90 km/h sur l’eau, qui s’échapperont les premiers vers le large. Barrés par les meilleurs skippers de la planète, ces géants des mers peuvent espérer effectuer la traversée en six jours, quand les voiliers les plus lents mettront près d’un mois pour arriver à Pointe-à-Pitre.
Parmi les favoris, François Gabart, 39 ans, revient à la course en solitaire à bord d’un Ultim controversé mis à l’eau l’année dernière, qu’il a conçu entièrement. « J’ai envie de gagner, je me sens capable de gagner (…). Mais naviguer à bord de ce bateau n’est pas une pression supplémentaire, c’est une source de motivation. J’en suis un peu amoureux de mon bateau et j’ai très envie qu’il vive une belle Route du Rhum » explique le skipper, deuxième de la dernière édition pour sept petites minutes derrière Francis Joyon.
Deux autres bateaux de dernière génération, conçus pour décoller au-dessus de l’eau grâce à des foils, semblent à même de rivaliser : le Maxi Edmond de Rothschild, barré par Charles Caudrelier, et le Maxi Banque Populaire XI d’Armel Le Cléac’h.
« Sprint sur l’Atlantique »
En 2018, baptême du feu de ces voiliers volants, la classe avait connu beaucoup de casse. Mais depuis, « on a beaucoup travaillé sur la sécurité, la fiabilité (…) on a tous progressé et on va plus vite », promet Le Cléac’h, qui avait chaviré après deux jours de course en 2018 et été secouru par un bateau de pêche.
Après quatre ans de développement, ces F1 des mers peuvent prétendre à établir un nouveau record de traversée, détenu depuis 2018 par le vétéran Francis Joyon (7 jours 14 heures 21 minutes), également au départ cette année avec son trimaran Idec Sport.
« Cela va être rapide pour aller jusqu’en Guadeloupe, le sprint sur l’Atlantique annoncé devrait être au rendez-vous », prédit Le Cléac’h. Et derrière les Ultim, 38 voiliers de la flotte d’Imoca, les monocoques (18 m) du Vendée Globe, le célèbre tour du monde en solitaire, affichent de belles ambitions.
Charlie Dalin (Apivia) et Thomas Ruyant (LinkedOut), à bord des bateaux les plus éprouvés, peuvent espérer traverser l’Atlantique en 10 ou 11 jours, un temps record.
Mais dans cette classe relevée, plusieurs voiliers mis à l’eau récemment comme celui de Jérémie Beyou (Charal) ou de Yannick Bestaven (Maître Coq) espèrent surtout se tester face aux tempêtes automnales avant le prochain « Everest des Mers », en novembre 2024.