Avec cette maladie rare et évolutive, un os du pied, l’os naviculaire – également appelé scaphoïde tarsien – peut être associé à des douleurs chroniques et à une déformation, voire à de l’arthrose. Comme les anti-inflammatoires et antalgiques ne suffisaient plus à dompter sa douleur au pied, le champion espagnol de 36 ans a reçu «des injections d’anesthésiants», douloureuses, une vingtaine de minutes avant chaque match de Roland-Garros, selon son récit.
Des injections pour «endormir le pied» en influant sur les nerfs qui transmettent l’information de douleur. «De tels procédés existent, notamment dans des centres anti-douleurs, pour des patients ayant certaines douleurs chroniques. Rafael Nadal l’a fait, lui, pour un but sportif, mais pas thérapeutique, pouvoir jouer à haut niveau, car cela ne fonctionne pas sur le long terme», observe le Pr Thomas Bauer, chef du service de chirurgie orthopédique de l’hôpital Ambroise Paré (AP-HP), à Boulogne-Billancourt.
Un tel traitement, «pas anodin et risqué», relève du «pari», aux yeux du médecin. Car cela nécessite d’anesthésier les seuls nerfs provoquant la sensation de douleur et qu’un pied trop endormi prive de sensations et de contrôle, au risque de provoquer d’autres problèmes, comme une entorse de la cheville.
«Désactiver» des nerfs
Un autre traitement contre la douleur, non médicamenteux, est désormais au programme, aux dires du Majorquin. «L’objectif est de désactiver le nerf», moins fortement qu’avec une anesthésie mais plus durablement, avec de la «radiofréquence pulsée», qui pourrait «aider à diminuer la sensation de douleur permanente dans le pied», a déclaré le champion.
Principalement utilisée pour soulager des douleurs chroniques rebelles, cette thérapie utilise les propriétés antalgiques de courants électriques de haute fréquence (400 à 500kHz). Des électrodes génèrent un courant électrique et de la chaleur pour endommager un peu les nerfs transmettant l’influx douloureux à la zone ciblée.
«Le staff médical de Rafael Nadal tente visiblement plusieurs choses pour traiter la douleur et éviter une opération. Sa maladie est évolutive, mais si elle lui laisse un répit dans la douleur, il pourrait continuer à jouer», estime le Pr Bauer.
«Pour envisager une opération qui pourrait améliorer la situation, mais qui ne me garantirait pas du tout de pouvoir continuer, il faudra que je comprenne tout», a reconnu Rafael Nadal, avant de quitter Roland-Garros en vainqueur.
«Ce n’est pas anodin»
De fait, «on sait ce qu’on risque, sans savoir au final ce qu’on va gagner, abonde le Pr Bauer. S’il garde des séquelles d’une opération plus importantes que ce dont il souffre aujourd’hui, il est logique de se poser la question».
En consultation pour chirurgie orthopédique, les patients habituels sont ceux chez lesquels tous les traitements face au syndrome Müller-Weiss (semelles pour maintenir l’arche plantaire, infiltrations de corticoïdes, etc.) n’empêchent plus la douleur et la déformation du pied, avec arthrose installée. L’opération vise à permettre de remarcher sans boiter et sans souffrir, mais bloque des articulations autour de l’os malade et peut parfois entraîner des complications. «Et le résultat, ce n’est pas un pied normal», souligne le Pr Bauer.
«Des patients handicapés pour marcher se sentent quand même mieux malgré des mois pour récupérer parce qu’ils retrouvent une autonomie. Mais pour continuer au niveau de performance d’un champion comme Rafael Nadal, c’est compliqué, malgré les moyens de récupération plus élevés d’un sportif de haut niveau», ajoute-t-il.
Il existe «d’autres types d’opérations, comme des microperforations, pour tenter de redonner de la vascularisation à l’os sans toucher l’articulation. Mais faire des trous dans un os, ce n’est pas anodin non plus».