Toute la NBA fantasme d’une finale impossible entre Michael Jordan et LeBron James. La NFL, elle, assistera au duel rêvé dimanche, lors du Super Bowl qui opposera le légendaire Tom Brady (Buccaneers) à celui qui marche dans ses pas Patrick Mahomes (Chiefs).
Contrairement au basket, où James, champion l’an passé avec les Lakers pour la 4e fois de sa carrière en dix finales, a ravivé le débat sur l’identité du meilleur joueur de tous les temps – Jordan et ses six sacres sans accroc ayant hérité de ce statut -, la question ne se pose pas vraiment dans le football américain.
Fort lui aussi de six titres, glanés sous le maillot des New England Patriots, un record qu’il espère porter à sept pour sa dixième participation, Brady fait quasiment l’unanimité. A peine ose-t-on mentionner les noms de Jerry Rice, Jim Brown ou Joe Montana pour la contester.
Mahomes n’est évidemment pas encore dans cette catégorie. Et s’il lui reste bien des années pour écrire l’histoire, sa trajectoire météorique, son immense talent, son sang froid pour l’heure à toute épreuve, en font à 25 ans un candidat naturel. A condition aussi de faire preuve d’une longévité comparable à celle de son glorieux aîné, toujours au sommet à 43 ans. « Si tu es un jeune sportif et que tu ne prends pas exemple sur Tom Brady, alors tu es fou. Il a du succès depuis tant d’années, continue à s’améliorer, ne se contente jamais du niveau qu’il atteint… C’est le type de génie que tu t’efforces de suivre et que tu veux être en grandissant », lui a rendu hommage Mahomes.
Choc intergénérationnel
« J’admire vraiment Patrick, c’est un formidable joueur, un vrai leader, il a tout pour lui. Et il arrive à élever son niveau dans les moments les plus importants, à réussir les actions qu’il faut. Rien n’est trop grand pour lui », a répondu Brady.
L’an passé, pour sa première finale, Mahomes a fait preuve d’un sang froid exceptionnel en renversant le cours du match contre San Francisco (31-20), offrant aux Chiefs leur deuxième titre cinquante ans après le premier. Une première consécration pour le MVP 2018.
C’est donc un phénomène susceptible d’établir une dynastie que va défier l’inoxydable Brady. Un challenge d’autant plus de taille, pour celui qui a dominé les deux premières décennies du millénaire, qu’il a fait le pari de quitter les Patriots après vingt ans, pour se relancer chez les Buccaneers où beaucoup lui prédisaient un échec. Il a prouvé aux sceptiques qu’ils avaient tort. D’une main de maître, il a fait déjouer les pronostics en permettant à Tampa d’éliminer Washington, la Nouvelle-Orléans et Green Bay sur leur pelouse. Au passage, il a remporté ses duels de « vétérans » contre Drew Brees (Saints) puis Aaron Rodgers (Packers).
Cette fois, c’est un choc intergénérationnel qui l’attend, face à Mahomes, impérial et dominant tout au long du championnat, dont le seul couac aura été physique. Victime d’une commotion cérébrale contre Cleveland en play-offs, il s’en est néanmoins remis pour écarter Buffalo ensuite.
« Question d’héritage »
Selon Tony Romo, ancien joueur des Dallas Cowboys, désormais consultant, le jeune « QB » des Chiefs aura plus de pression sur les épaules. « C’est le plus grand match de la carrière de Mahomes. Il doit gagner ce face-à-face, c’est ainsi qu’il doit rattraper Brady. » « A 36 ans, James reste à la poursuite de Jordan, qui a mis la barre si haut, et il a dû être extraordinaire pour entrer dans la discussion. Le fait que Mahomes soit comparé à Brady prouve à quel point il est incroyable. C’est pourquoi ce match est plus important qu’on ne le pense. Dans 20, 30, 40, 50 ans, on s’en souviendra. Il est question d’héritage », a-t-il développé.
Celui de Brady grossirait encore, puisqu’il peut aussi devenir le deuxième quarterback de l’histoire à mener deux franchises différentes au titre, après Peyton Manning champion avec Indianapolis (2007) puis Denver (2016).
Au delà du sport, enfin, cette opposition est aussi celle entre deux consciences politiques légèrement différentes. Là où Mahomes est une voix les plus fortes du sport américain à se faire entendre dans la lutte contre l’injustice raciale, Brady suit plus discrètement le mouvement. Quant à sa relation amicale avec Donald Trump, « on ne peut pas la renier, mais la politique et l’amitié sont deux choses bien différentes », s’est-il défendu. La trace que chacun laissera dans l’histoire pourrait aussi se juger sur ce terrain-là.
LQ/AFP