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[L’oeil du Tour] La voix et la foi


Notre journaliste cyclisme revient sur l'étape de jeudi (Photo : DR).

Les organisateurs du Tour étaient sans doute un peu frustrés jeudi soir en redescendant du mont Aigoual. Avec le passage délicat et étroit du col de la Lusette, juste précédemment, ils s’étaient dit qu’une bataille éclaterait au grand jour entre les différents protagonistes du général. C’est l’inverse qui s’est passé.
La bagarre, qui ravit le public et comble le suiveur, ça ne se décrète pas, ça ne se commande pas. En abandonnant de plus en plus souvent, les cols-autoroutes, donc larges et exposés au vent, les organisateurs visent généralement juste. Sauf que les coureurs qui peuvent encore s’imaginer en jaune, ou du moins sur le podium final à Paris, ont beau être ambitieux, ils ne sont pas complètement fous. Ils ont appris à calculer. À utiliser leurs forces à bon escient et non pas à gaspiller à tout va sans penser à ces deux semaines de course qui suivront. Franchement, qui allait, même pour la beauté du geste, se lancer dans une opération suicide? Pour la beauté du geste, vous faites souvent 150 fois le tour de votre bureau avant d’attaquer la journée, vous?
Personne, vu la maîtrise physique et logistique de l’équipe Jumbo-Visma en cette première semaine, simple confirmation d’une tendance qu’on a vu se lever sur les courses préparatoires, n’allait déroger au bon sens commun. Il se peut même qu’on refasse le même constat dans les Pyrénées ce week-end. On connaît la musique. Les organisateurs proposent, les coureurs disposent. Il ne suffit pas d’empiler les difficultés pour faire émerger la folie pour nous combler d’aise, bien calé au fond de notre canapé.
Le public, comme les observateurs, comme nous tous, n’ayons pas honte de nos travers, auront beau, comme toujours et davantage sur le Tour qu’ailleurs, se plaindre, d’un manque d’engagement, de panache. Certains acteurs, eux-mêmes, regretteront sans doute leur passéisme, mais les rares têtes brulées qui se seront calcinées les ailes, perdent généralement dans cet ordre, la voix et la foi.

Denis Bastien