Casse-tête du calendrier, incertitudes sur la durée du confinement et suspension des droits TV : devant la crise sanitaire liée au coronavirus, l’hypothèse de l’interruption définitive de la saison gagne du terrain dans le football français, qui refuse néanmoins encore de se résoudre à ce scénario.
Peu à peu, le discours évolue. Après trois semaines de suspension du championnat, le mot d’ordre parmi les dirigeants de clubs n’est plus tout à fait à la reprise « coûte que coûte », et quelques voix divergent. Le président de Lyon, Jean-Michel Aulas, a glissé dans L’Équipe dimanche qu' »il y a plus d’incertitudes aujourd’hui » et que les chances de « terminer tous les matches (sont) plus faible(s) ». Et celui de Brest, Denis Le Saint, n’a pas caché son scepticisme en indiquant carrément dans les mêmes colonnes que « la saison ne (pouvait) pas reprendre ».
Cette prise de position a été accueillie diversement par ses homologues. Certains la comprennent. « Denis Le Saint a une position très humaine qui place la santé de tous au-dessus de tout. C’est une façon de voir les choses partagée par beaucoup de gens dans le milieu du foot », affirme Bernard Joannin, le président d’Amiens. « Maintenant, il faut bien comprendre que le seul commandant est le Covid-19. Malheureusement, c’est lui qui imprime le rythme. »
«Il est urgent d’attendre»
D’autres, au contraire, s’en sont outrés. « On souhaite que le championnat se termine si c’est possible. Cela me gêne beaucoup de voir chez certains une espèce de honte à assumer que le football veuille reprendre vie à un moment donné. Moi, je le revendique haut et fort », tonne Pierre Wantiez, le directeur général du Havre (L2). « Se voiler la face en disant « C’est fini, on ne peut rien faire », je trouve ça très anticipé. C’est une hypothèse qui existe, mais attendons avant de dire que c’est mort. »
La situation a de quoi, en effet, dérouter les dirigeants. Le confinement est prolongé au moins jusqu’au 15 avril, la plupart des clubs – joueurs y compris – sont passés au dispositif d’activité partielle, certaines stars du championnat sont même à l’étranger. Plus inquiétant encore, les diffuseurs Canal+ et beIN Sports ont suspendu le versement des droits TV du championnat, principale source de revenus des clubs.
Dans ce cadre, la Ligue de football professionnel (LFP), qui multiplie les réunions téléphoniques, temporise en ne communiquant qu’au compte-gouttes ses intentions. « Aujourd’hui, qui peut dire ce qui va se passer ? On se prépare à tout. Pour l’instant, je pense qu’il est urgent d’attendre… », justifie Olivier Delcourt, le président de Dijon. « C’est un débat stérile (…) Il faut toujours essayer d’anticiper mais il est urgent de ne pas prendre de décision », reprend son homologue d’Auxerre (L2) Francis Graille. « Cela ne sert à rien de parler pour ne rien dire », poursuit enfin Bernard Joannin. « Prenons le temps d’analyser la situation (…) Il faut se laisser 15 jours pour voir comment les choses évoluent ».
Le casse-tête des droits télé et du calendrier
Deux semaines, donc, pour éclaircir l’horizon dans de nombreux dossiers. Celui des droits TV, avec des négociations à venir avec Canal+, sera abordé dès cette semaine par un quatuor de présidents emmené par Nasser Al-Khelaïfi, le président du PSG, par ailleurs aussi patron de beIN Media, l’autre diffuseur, ont confirmé plusieurs sources proches des instances.
Le dossier du calendrier de la reprise prendra lui sans doute plus de temps, car il dépend des choix des autorités quant à la durée du confinement. Et, à un degré moindre, de ceux de la FIFA et de l’UEFA. La première doit amender les modalités du marché des transferts, la seconde s’est montrée ouverte à un report de sa Ligue des champions à fin juillet ou août, pour permettre aux championnats domestiques de se conclure.
De l’avis de plusieurs dirigeants, il faut pourtant rapidement fixer une « date butoir » pour la reprise du championnat. Celle-ci devra être décidée « en accord avec les actuels et les futurs nouveaux diffuseurs ainsi que l’UEFA qui souhaite une fin des championnats nationaux au 3 août maximum », selon Bernard Joannin. Et Pierre Wantiez d’alerter : « Il ne faut pas qu’une reprise à la saint-glinglin reporte le problème sur le championnat suivant. »
LQ/AFP