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Le foot féminin, grand oublié et en grande difficulté


La Lyonnaise Jess Fishlock, ici sur les épaules de Wendie Renard, a ironisé son compte Facebook : "je suis trop vieille pour un report de l'Euro en 2022".... l'Euro des femmes ayant été décalé pour faire place à celui des hommes (Photo d'archives : AFP).

Ses compétitions sont à l’arrêt, son Euro est décalé pour laisser la place aux messieurs et le foot féminin « disparaît de l’actualité »: la pandémie de coronavirus a fragilisé l’écosystème vulnérable de la discipline, dont le seul espoir reste la fidélité des partenaires historiques.

Le foot féminin « manque de reconnaissance et de l’exposition qu’il mérite en général et là, par la force des choses, il disparaît de l’actualité », reconnaît Olivier Blanc, responsable de la section féminine de l’OL, quadruple championne d’Europe en titre.

« Les garçons, on en parle pourquoi? Parce que c’est la date de reprise qui intéresse tout le monde. Et on sait aussi que c’est des charges assez lourdes pour les clubs », constate Noël Le Graët, le président de la Fédération française de football.

Pas de besoin de crise sanitaire mondiale pour constater le gouffre abyssal qui sépare les deux mondes, tant médiatiquement que financièrement. Mais la pandémie actuelle est un bon révélateur, alors que le Mondial-2019 en France semblait avoir créé un élan.

Ainsi l’UEFA a-t-elle repoussé sans scrupule l’Euro-2021 des dames pour faire place à l’Euro-2020 des messieurs, reprogrammé à l’été 2021, sans prendre en compte l’avis des joueuses. « Je suis trop vieille pour un report en 2022 », a ironisé Jessica Fishlock, internationale galloise de 33 ans, sur Twitter.

« Pas mises de côté »

Côté clubs, l’arrêt des compétitions dames est survenu à une période cruciale pour les locomotives françaises Lyon et Paris. Le leader du Championnat de France et son dauphin allait s’affronter dans un choc décisif pour le titre, avant de disputer une demi-finale de Coupe de France et un quart de finale aller de Ligue des champions.

La reprise est donc attendue avec impatience dans ces deux clubs, et peut-être un peu plus ailleurs: les autres écuries de D1, moins bien nanties financièrement, redoutent plus qu’eux une interruption de longue durée.

Du côté de Fleury, actuel septième de première division, les joueuses sont toutes au chômage partiel, avec maintien de leur rémunération brute à hauteur de 70%.

« Quand vous divisez par deux le salaire de Mbappé, il roule toujours en Ferrari. Quand vous le faites pour le joueur de N2 (4e division masculine, ndlr) ou pour la joueuse, cela fait beaucoup plus mal », commente le président du club de l’Essonne, Pascal Bovis.

Si l’indemnité chômage versée par l’Etat sera remboursée, « le délai moyen de remboursement actuellement (est) d’un an », a appris le dirigeant, ce qui l’obligera à « demander un prêt-relais ».

Autre souci pour Pascal Bovis: pour ses jeunes joueuses dotées de contrats fédéraux (payées par la FFF), leur bail s’achève « au 30 juin, donc il est nécessaire de terminer le Championnat à ce moment-là ».

La Fédération assure pour sa part que le foot féminin, dont elle a la responsabilité, restera une priorité.

« Les filles sont traitées comme les garçons, notamment d’un point de vue financier. S’il y a des avances à faire, on va le faire. Les clubs seront payés », avance le président Le Graët. « Qu’il y ait des difficultés dans les mois qui viennent, je vous l’accorde ». Mais, ajoute-t-il, « on n’a pas mis les filles de côté, bien au contraire ».

« Sponsors fidèles » mais touchés

L’économie du foot féminin sera quoi qu’il arrive durement touchée. La crainte que les clubs et les sponsors réduisent la voilure la saison prochaine est réelle, même si les acteurs refusent de dramatiser.

Les clubs ayant une section professionnelle chez les dames et les messieurs « couperont automatiquement sur le budget du foot féminin, c’est certain car actuellement la D1 féminine n’est pas rentable », anticipe le président de Fleury.

A Lyon, cela ne sera sûrement pas le cas. D’autant que les partenaires historiques de l’équipe féminine la plus titrée d’Europe ne quitteront pas le navire.

« Nous avons des sponsors fidèles sur des contrats de longue durée », nuance M. Blanc pour l’OL.

A Fleury, M. Bovis sait aussi que les sponsors, avec qui il s’est entretenu, « vont rester ». Mais il ajoute une nuance de taille: « Tous vont donner, mais ils vont donner moins. »

Si le budget de la saison en cours devrait être tenu, l’équation financière sera plus ardue l’an prochain. « Dans le meilleur scénario, il baisse de 30% (par rapport à cette saison); dans le moins bon, de 50 % », selon ses calculs.

AFP