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Le cyclisme, dans une bulle sanitaire bien avant le Covid


"Le gel hydroalcoolique : substance la plus utilisée sur le Tour de France", titrait le Wall Street Journal en... 2017. (illustration AFP)

Et si le cyclisme était le sport le mieux préparé face au Covid-19 ? Désinfection des chambres, gel hydroalcoolique partout et isolement des coureurs fiévreux : une bonne partie du peloton d’avant était déjà parée – ou presque – à la pandémie.

« Pour notre équipe, pas grand-chose n’a changé à part les masques. Nous faisions presque déjà tout le reste », constate Ineos, l’équipe d’Egan Bernal, sans doute la plus pointilleuse en matière prophylactique.

La phobie de la contamination dans le peloton du Tour de France ne date pas du coronavirus et de la menace, qui pèse sur les équipes, du retour à la maison en cas de deux cas positifs en sept jours. Sport itinérant et usant pour les organismes, à la merci des germes en troisième semaine d’un grand tour – Thibaut Pinot, promis au podium du Giro 2018 sans une pneumopathie à deux étapes de l’arrivée en sait quelque-chose – le cyclisme frôle depuis des années l’obsession sanitaire.

Chambres aseptisées depuis quatre ans

Le large éventail de précautions de l’ex-Team Sky a infusé dans le peloton, inspiré par le bilan de la formation britannique couronnée de succès dans sept des huit derniers Tour de France. Groupama-FDJ s’est mis à désinfecter ses chambres d’hôtel l’année passée. Quant à l’équipe Jumbo de Primoz Roglic, cela fait déjà quatre ans qu’elle les aseptise aussi, détaille Mathieu Heijboer, son directeur de la performance.

L’obsession sanitaire dans le cyclisme découle directement de son format, selon lui. « Si tu manques un match de foot, tu peux jouer le suivant. Chez nous, si tu rates une étape, la course est finie pour toi », illustre Mathieu Heijboer.

Partant de ce constat incontestable, Jumbo mène la chasse aux microbes depuis quatre ans avec un de ses soigneurs, équipé d’un masque à gaz, de bottes en caoutchouc et d’un ciré jaune assorti au maillot. « Nous désinfectons les chambres à la bombe puis nous nous concentrons sur les endroits à risques : les toilettes, les poignées de porte, tout ce qui est beaucoup touché », détaille-t-il. Avec le Covid-19, le dispositif est encore monté d’un cran : l’équipe a recours à une « machine spéciale pour nettoyer l’air » dans les chambres et salles de repas et le bus, révèle Mathieu Heijboer.

Une innovation développée par l’université de technologie d’Eindhoven pour capter les aérosols et exhibée fièrement par le patron de l’équipe Richard Plugge sur Twitter. Pendant le Tour 2020, tous les coureurs seront logés dans des chambres individuelles. « Parce que s’il y a un cas positif, on en aurait perdu deux d’un coup », observe le directeur de performance de l’équipe néerlandaise. Mais, même dans le monde d’avant, « un coursier qui tombait malade était tout de suite isolé. Quitte à ce que ce soit dans un autre hôtel si ce n’était pas possible dans le nôtre. »

Leurs propres stylos pour les autographes

Pour limiter les contacts avec le monde extérieur, Ineos, Bora ou encore Total Direct Energie recouraient déjà à une salle à manger aménagée dans un camion. Et Jumbo fournissait ses propres stylos à ses troupes : « Pour éviter de prendre celui d’un supporter pour les autographes, il y en avait dans le bus », rappelle Mathieu Heijboer.

La désinfection des chambres et les salles de dîner mobiles ne sont pas à la portée de tout le peloton : « C’est énormément de charges, c’est comme une Ferrari, réservé à quelques équipes », observe Lionel Marie, le directeur sportif d’Israël Start-Up Nation.

Mais ces attentions du quotidien étaient beaucoup plus répandues. Un flacon de gel hydroalcoolique trônait par exemple à l’entrée du car de la formation israélienne. « On en emmenait déjà partout, surenchérit Mathieu Heijboer. Il était placé sur les tables au petit-déjeuner, dans les chambres, dans le car, dans les voitures. » « Le gel hydroalcoolique : substance la plus utilisée sur le Tour de France », titrait le Wall Street Journal en… 2017. Trois ans avant l’ère Covid-19.

LQ/AFP