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Le basket, une passion rurale en Chine


Le nombre de vues en ligne pour les compétitions de CunBA cette année a dépassé les 100 millions. (Photo : afp)

Une ambiance champêtre sur des terrains extérieurs, des spectateurs déchaînés et des joueurs amateurs qui dérapent sous la pluie : le championnat de Chine de basket rural, la CunBA, génère un engouement phénoménal dans le pays.

Il est presque minuit dans le stade du village de Taipan. Mais dans les gradins pentus, les supporters donnent encore de la voix et font s’entrechoquer des casseroles pour encourager leurs équipes qualifiées pour la finale. Au même moment, des millions de téléspectateurs et d’internautes suivent en direct la compétition et frémissent à chaque lancer de ballon. Organisée dans la province du Guizhou (sud-est), l’une des plus pauvres du pays, cette compétition, une tradition à l’origine uniquement locale, a progressivement gagné en popularité jusqu’à devenir ces derniers mois un véritable phénomène.

Le basket est extrêmement populaire en Chine. Mais des affaires de corruption et des soupçons de matches truqués dans le championnat national (CBA) ont déçu de nombreux amateurs de ce sport. Un phénomène qui explique en partie le succès croissant de la CunBA – un jeu de mot entre «cun» (prononcer «tsoune», qui signifie «village» en chinois) et le championnat de basket nord-américain, la NBA.

Les matches, tous joués en extérieur par des basketteurs amateurs, se tiennent qu’il fasse beau, qu’il vente ou qu’il pleuve devant des spectateurs invariablement captivés par l’atmosphère électrique. «Dès mon arrivée à Taipan, la première chose que j’ai ressentie, c’est cet enthousiasme et cette excitation», explique Xia Wenxian. Âgé de 30 ans, il fait partie de l’équipe de son village natal, Gaoding, situé à plus de 100 km de là, dans le Guizhou. «Il y a dans la CunBA le même esprit de compétition qu’en CBA et en NBA», affirme-t-il en référence aux championnats chinois et américain, avant d’aller disputer sa demi-finale.

Une longue tradition

La tradition d’organiser des championnats annuels de basket rural remonte à des décennies à Taipan, situé dans une préfecture autonome où habitent de nombreux Chinois de minorités ethniques Miao et Dong. Mais ce n’est que ces dernières années que le concept a dépassé les frontières provinciales. Le succès retentissant de la CunBA sur les réseaux sociaux et les éloges de la presse attirent des foules de visiteurs cet été dans le village. Et l’effervescence est encore plus forte le jour des finales : des habitants en costume de l’ethnie Miao vendent des fruits, un hélicoptère de la police tournoie dans le ciel et des spectateurs enthousiastes venus parfois de loin se pressent à l’entrée du stade de Taipan.

Les organisateurs affirment que le lieu peut accueillir plus de 20 000 spectateurs, soit 16 fois la population du village de 1 200 habitants. Le nombre de vues en ligne pour les compétitions de CunBA cette année a dépassé les 100 millions, selon l’agence de presse officielle Chine nouvelle.

Il y a dans la CunBA le même esprit de compétition qu’en NBA

La compétition devient même un argument touristique et politique pour des autorités locales, soucieuses de vanter la réussite du développement rural et motiver la population. Une brochure distribuée à Taipan par le bureau local de la culture et du tourisme du canton présente la CunBA comme une «fenêtre pour observer la modernisation à la chinoise». Des danses folkloriques animent le stade entre les matches, renvoyant l’idée d’harmonie ethnique. Et les médias officiels saluent la compétition. Le journal anglophone Global Times affirme ainsi que la CunBA «vise non seulement à apporter plus de loisirs aux habitants des zones rurales, mais aussi à promouvoir la revitalisation rurale et l’édification d’une nation agricole forte» – un vocabulaire souvent utilisé par le gouvernement. «Avec la CunBA, allons tous ensemble de l’avant avec combativité!», proclame une des nombreuses banderoles de propagande, très communes en Chine et installées autour du stade par les autorités.

Un succès qui dépasse les frontières

La popularité de la CunBA commence même à dépasser les frontières chinoises. Fin juillet, Jimmy Butler, star de la NBA sous le maillot du Miami Heat, s’est ainsi rendu à Taipan, où il a été accueilli par des milliers de supporters et de joueurs en liesse. Ambassadeur de la marque de sport chinoise Li-Ning, le joueur en a profité pour effectuer quelques dribbles et des tirs d’entraînement sur le terrain.

Une semaine après son départ, le village est toujours en ébullition. Li Wending, 44 ans, est venu avec ses deux fils – fans de la star américaine Stephen Curry – de la province voisine de l’Hunan pour assister à la dernière journée du championnat. «L’ambiance est toujours extraordinaire», explique-t-il. «Les matches du championnat chinois classique, on peut les regarder en ligne. Mais pour la CunBA, c’est tellement mieux de venir sur place et de ressentir l’excitation des spectateurs.»