Gerson Rodrigues va devenir, ce mardi soir, le premier footballeur luxembourgeois à jouer en phase de groupes de la «Champions». Tout le foot grand-ducal va s’arrêter pour le rasta magnifique !
Le Brésilien Danilo va peut-être regretter, ce mardi soir, de ne pas s’appeler Marvin Martins. Le latéral droit luxembourgeois de Casa Pia, petit club de D2 portugaise, a un énorme avantage sur l’international auriverde de la Juventus Turin : lui, connaît Gerson Rodrigues. «Je le rencontre tous les jours, en face à face, à l’entraînement en sélection. Il est chiant, oui, mais moi, je le connais !»
Ce mardi soir, la Ligue des champions 2020/2021 s’élance, toujours dans l’anonymat de stades bien vides mais le Grand-Duché a le droit de se dire que le mardi 8 décembre, quand la phase de groupes prendra fin, le continent n’ignorera peut-être plus rien des dreads, des fulgurances, du talent brut de son enfant terrible, qui fascine déjà les grands championnats européens. «Oui effectivement, ce matin, j’ai discuté avec un grand club qui voulait des informations le concernant», avouait Luc Holtz hier.
Ce 20 octobre 2020 est donc une date forte. Pas seulement pour le pays, qui va voir débarquer l’un des siens pour la première fois de l’histoire dans le très grand monde. Gerson Rodrigues, par la grâce d’un tirage au sort magique, se voit offrir une plateforme unique pour afficher sa classe aux yeux du monde avec des chocs contre la Juve de Cristiano Ronaldo et Pirlo ou le Barça de Messi et Griezmann. Des matches que le monde entier va regarder.
La planète viendra naturellement y chercher les exploits des deux Ballons d’or. Il ne tient qu’à l’ancien joueur du RFCU, du Swift et du Fola qu’on en reparte avec ses dribbles aux ruptures sèches, avec ses inspirations de poète (quelquefois maudit). Mais son encadrement en sélection n’a absolument aucun doute sur le fait qu’il va exploser aux yeux du monde. «Peu de gens auraient misé sur le gamin, surtout au pays, sourit Holtz. Il n’a pas reçu que des louanges quand il a choisi un chemin loin d’être facile, mais là il est train de faire taire pas mal de personnes qui voulaient le détruire. Or à chaque fois qu’on parlait de son avenir, lui et moi, je me suis rendu compte qu’il avait planifié ce qui lui arrive. Il s’était déjà dessiné toute une carrière. Tout cela faisait partie de son plan. Il veut toujours voir un peu plus haut et va encore grandir. Dieu sait où il s’arrêtera.»
Ce mardi, à 18 h 55, une bonne partie du pays sera sûrement devant son écran pour voir ça. Marvin Martins aussi, s’interdit de rater ça. «C’est normal, rigole-t-il. Ce n’est pas si facile de voir du foot à la télé alors j’ai pris un abonnement pour voir la Ligue des champions. Gerson, je le connais depuis tout petit et ce qu’il va faire là, c’est quelque chose! Il attend ça! Il est impatient !»
Nous aussi, il faut bien l’avouer. Et Marvin Martins a cette chance que d’autres n’auront pas : il pourra voir ça en live. Mario Mutsch, coach adjoint chez les A, a en début de soirée, un entraînement programmé avec les jeunes du CFN de Mondercange. Lui aussi, a marqué l’histoire en devenant, en 2013, le premier Luxembourgeois en phase de groupes d’Europa League avec Saint-Gall. Il en connaît un rayon, lui, sur ce qui attend Gerson Rodrigues ces prochaines semaines. «C’est trois matches par semaine pendant deux mois sans compter la sélection. Moi, ça ne m’avait pas gêné et pourtant, dans mon équipe, on n’était pas une trentaine comme au Dynamo Kiev. Ils auront les moyens d’être bien physiquement. Il faut en profiter, y aller sans réfléchir. Je suis persuadé que Gerson en vivra encore beaucoup d’autres, des moments comme celui-là. Et d’ailleurs tant mieux parce que ça va en piquer certains au pays, car Gerson fait pas mal de jaloux.»
De son côté, Luc Holtz avait prévu de se rendre dans la capitale ukrainienne, voire au Camp Nou, pour ne pas rater une miette des grands débuts de son protégé. Avec les risques de quarantaine, il ne peut pourtant pas prendre le risque. Dommage, il est persuadé que Kiev, donné partant pour la troisième place dans son groupe, a quelque chose à jouer dans le sillage de son Luxembourgeois décisif. «C’est peut-être le scénario idéal pour eux. En Supercoupe d’Ukraine, le Shaktar Donetsk les a dominés, mais Kiev est très fort en transitions offensives. La Juve aussi sera un grand favori même si elle n’est pas au mieux. Il y a un grand coup à faire.»
D’autant que Cristiano Ronaldo ne sera pas là et qu’il y a une place de joueur décisif à prendre sur la pelouse du stade NSK Olimpijs’kyj. «Peu de gens auraient osé faire les choix que Gerson a faits», rappelle Mario Mutsch. Ces choix l’ont conduit tout droit au sommet. «On n’est plus très loin de la pointe de l’iceberg effectivement», se délecte Holtz. Et tout le pays est avec lui.
Julien Mollereau
Kiev-Turin, 18h55