L’homme d’affaires hispano-luxembourgeois Gérard Lopez, condamné mercredi pour des faits remontant à sa présidence de Lille, a vu son image se ternir ces derniers mois avec la dégringolade des Girondins de Bordeaux et la quasi-faillite du club portugais de Boavista.
Entrepreneur à succès dans les nouvelles technologies, ex-patron de l’écurie de Formule 1 Lotus (2010-2015), le quinquagénaire fils d’immigrés galiciens a débarqué dans le football en 2017 en acquérant le Losc, puis Mouscron en Belgique, Boavista à Porto et les Girondins.
Et les choses ont mal tourné à chaque fois.
Mercredi, l’actuel président bordelais (53 ans) a été condamné par le tribunal correctionnel de Lille à 10 mois de prison avec sursis et 45 000 euros d’amende pour complicité d’exercice illégal de l’activité d’agent sportif. Il comparaissait en reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).
Gérard Lopez n’a pas laissé que de bons souvenirs au Losc, dont les nouveaux propriétaires avaient porté plainte contre X, s’estimant « victime d’un certain nombre de contrats signés par l’ancienne direction ».
En mai 2022, une perquisition avait été menée au siège du club afin de récolter des documents concernant certains mouvements de joueurs. Gérard Lopez s’était défendu en décrivant des opérations « approuvées par les actionnaires, le conseil d’administration et l’assemblée générale ».
Polyglotte
Malgré quelques résultats, notamment à Lille (2ᵉ de L1 en 2018-2019 et couronné champion six mois après son départ en 2020), la gestion du polyglotte homme d’affaires a souvent été synonyme de déboires, sur fond de recours massif à l’endettement.
À Lille, le fonds d’investissement Elliott a évincé Lopez, fin 2020, parce qu’il tardait à rembourser une dette de 225 millions d’euros. Mouscron a fait faillite en mai 2022 et Boavista vient d’engager une procédure pour tenter de se soustraire à « une liquidation inévitable ».
Aux Girondins, c’est un monument du football hexagonal, six fois champion de France, qui est en péril. Le club, acquis par Lopez en 2021 et rétrogradé trois ans plus tard en National 2 (4e division), s’est placé cet été sous la protection du tribunal de commerce en raison d’un passif de 118 millions d’euros, abandonnant statut professionnel et centre de formation.
Le principal groupe de supporters, les Ultramarines, a appelé au départ du « propriétaire fossoyeur », le qualifiant de « piètre manager ».
« Oui, il y a eu des erreurs commises depuis trois ans. Mais +fossoyeur+ ? Je ne m’inscris absolument pas là-dedans : le club était malade depuis des années », le défend Arnaud de Carli, vice-président du club, auprès de l’AFP.
Lopez a réinjecté quelques millions d’euros pour le redressement judiciaire… après avoir refusé d’apporter 40 M EUR cet été pour rester en Ligue 2, arguant avoir investi près de 60 millions avec ses associés depuis 2021.
« Échec »
« Je constate un échec de la gouvernance et d’un modèle économique à bout de souffle », avait cinglé en juillet le maire de Bordeaux, Pierre Hurmic.
Le modèle de Lopez, c’est le fameux « trading »: rechercher des plus-values sur le marché des transferts. Un terme rejeté par l’intéressé, qui disait en 2022 vouloir « valoriser » des jeunes en leur donnant du temps de jeu. « Tout le monde le fait », argumentait-il.
« Il n’y avait qu’un acteur comme lui capable » de reprendre les Girondins, déjà lourdement endettés, estime Jean-François Brocard, chercheur au Centre de Droit et d’Économie du Sport (CDES) de Limoges. « Gérard Lopez a racheté de la dette, en endettant de nouveau le club (…) Il est arrivé avec un projet hyper risqué. »
« Le style de Gérard Lopez, c’est de jouer avec des fonds d’investissement, donc de créer de la dette », reconnaît Arnaud de Carli, qui décrit néanmoins une pratique répandue dans le football.
Dans les affaires, Lopez avait fait fortune grâce à la revente d’une application de télécommunication à succès : Skype. « J’aime les défis, courir des risques », affirmait-il en 2015 au journal espagnol El Pais. « Pour investir mon argent, j’ai besoin d’un coup de foudre, de passion. »
Le très secret millionnaire au crâne ras et à la barbe de trois jours, en tee-shirt et baskets, a aussi investi dans l’énergie, notamment en Russie où il a noué une amitié avec le président Vladimir Poutine, puis dans la technologie « blockchain » (chaîne de blocs) et les cryptomonnaies.
Mais son passage dans les paddocks de F1 a également mal fini.
Lotus a d’abord terminé à une flatteuse 4ᵉ place mondiale en 2012 et 2013, puis tout s’est déréglé : fin 2015, ce collectionneur de voitures de luxe revendait l’écurie à Renault pour un euro symbolique. Sur fond, déjà, d’impayés et de difficultés financières…