Le football français a la cote : près de la moitié des clubs de l’élite est désormais aux mains de capitaux étrangers, que ce soit des fonds d’investissements ou de riches hommes d’affaires, une attractivité à peine écornée par plusieurs échecs.
L’OL qui tombe dans l’escarcelle de l’homme d’affaires américain John Textor, énième épisode d’une vente au détail du football français qui s’accélère ces dernières années. Quelques mois plus tôt, c’est le Red Star, club de National, qui avait été cédé au fonds américain 777 Partners… Pourquoi les investisseurs s’intéressent-ils autant aux clubs français?
« Il ne faut pas se leurrer, les clubs sont sous-valorisés en France, et le potentiel est plutôt énorme », tranche un avocat d’affaires sous couvert d’anonymat. Si les stratégies diffèrent entre un fonds d’investissements et un industriel, leur appétit commun vient de cette faible valorisation des clubs français. Comme dans toute l’Europe, ils ont été frappés de plein fouet par le Covid-19, une pandémie qui a amputé d’environ 7 milliards d’euros les revenus du foot européen sur deux saisons, selon l’UEFA.
« Les clubs ne sont pas chers »
Mais cette crise s’est doublée d’une autre en France, celle de la faillite de l’ancien diffuseur Mediapro en 2020 qui a encore plus fait chuter le prix des clubs. Résultat, les clubs français ne sont pas chers, et les investisseurs, qui misent sur un redressement des droits TV lors du prochain cycle débutant en 2024, estiment qu’ils peuvent leur offrir une plus-value rapide.
« Pour un fonds d’investissement, la logique est assez claire. Il faut acheter à bas prix, valoriser et revendre à court-moyen terme entre 3 et 5 ans, ou jouer sur les transferts », assure un avocat d’affaires proche du milieu du football. Et contrairement à l’Allemagne par exemple, aucune loi n’interdit à un investisseur de détenir plus de 50% d’un club.
L’OL, un club « à potentiel Ligue des champions »
« La France est l’un des meilleurs endroits pour investir », assure Vincent Chaudel, fondateur d’In&Sport et de l’observatoire du Sport Business. Et elle risque de le rester pendant un moment selon lui. « L’environnement économique est sain, les clubs ne sont pas chers. Et il y a plusieurs raisons pour investir, il y a plusieurs moyens d’obtenir un retour sur investissement autrement que par un gain financier », explique-t-il. L’homme d’affaires américain Frank McCourt, qui a racheté l’Olympique de Marseille en 2016, n’a pas encore revendu, par exemple.
« Il a beaucoup été dit qu’il cherchait à faire de l’immobilier à Marseille. Y est-il parvenu? On ne sait pas vraiment », s’interroge un analyste. « Mais il semble qu’il ne perdra pas d’argent, il n’a pas fait une mauvaise affaire. » Son compatriote John Textor, déjà actionnaire de clubs au Brésil (Botafogo), en Belgique (Molenbeek, 2e div.) et en Angleterre (Crystal Palace), s’est penché sur l’OL, un club « à potentiel Ligue des champions », rappelle Vincent Chaudel.
Le mauvais scénario bordelais
Pourtant, la route de la réussite financière après avoir acheté un club n’est pas si simple. Plusieurs l’ont appris à leur dépens, comme l’Américain Paul Conway, repreneur de l’AS Nancy en 2020, relégué en National cette saison. Le scénario bordelais a certainement aussi de quoi refroidir quelques ardeurs.
Le club, cédé par M6 au fonds américain GACP en 2018, a été revendu quasiment dans la foulée un an plus tard à un autre fonds, King Street. Mais en avril 2021, ce fonds a jeté lui aussi l’éponge, cédant le contrôle du club à l’homme d’affaires hispano-luxembourgois Gerard Lopez.
Une succession d’actionnaires qui n’a pas empêché la relégation des Girondins en L2, puis une relégation administrative en National (3e division) prononcée par la DNCG, gendarme financier du football français, dont le club a immédiatement fait appel. Sur fond de pertes de « près de 45 millions d’euros », selon Vincent Chaudel, pour un club déjà déficitaire pour l’exercice 2020-2021 de 67 millions d’euros selon la DNCG.
« Cet exemple montre bien qu’il faut que les propriétaires des clubs de ce calibre ait une surface financière pour supporter un tel aléa sportif », analyse Vincent Chaudel.