Plaintes et menaces de grève de plus en plus prégnantes : l’année 2024 a été marquée par l’offensive des meilleurs footballeurs de la planète et de leurs représentants face aux cadences infernales du calendrier international.
Directement visée, la FIFA, coupable à leurs yeux de privilégier les retombées économiques générées par la multiplication des matches au détriment de leur santé. Symbole malgré lui de cette fronde, Rodri, le milieu de Manchester City, tout juste auréolé du titre de champion d’Europe avec l’Espagne, a mis les pieds dans le plat en septembre.
Interrogé avant un match de Ligue des champions – dont la nouvelle formule mise en place cette année prévoit huit rencontres au lieu de six auparavant avant la phase à élimination directe – sur l’hypothèse d’un mouvement de grève des joueurs face à l’accroissement du nombre de matches, le futur Ballon d’or 2024 avait soufflé : «Oui, je pense qu’on en est proche.»
Quelques jours après sa déclaration choc, Rodri s’est gravement blessé au genou, donnant un poids plus fort encore à sa prise de position, tandis que le calendrier international s’est alourdi davantage avec la tenue de la Coupe du monde des clubs de la FIFA du 15 juin au 13 juillet 2025 aux États-Unis.
Lors de la saison 2023-2024, Rodri avait disputé une soixantaine de matches, club et sélection confondus, et pourrait potentiellement en disputer une dizaine de plus en cumulant toutes les compétitions qu’il est susceptible de jouer lors des saisons qui arrivent.
Un écho jamais vu
Plusieurs autres joueurs de premier plan, comme le défenseur néerlandais Virgil Van Dijk ou les Français Aurélien Tchouaméni et Dayot Upamecano, vivant peu ou prou les mêmes cadences, sont allés dans le même sens que le milieu espagnol, donnant au débat sur les cadences infernales un écho jamais vu jusqu’à présent.
D’abord derrière les joueurs et leur idée de grève, la Fifpro, fédération internationale de syndicats de footballeurs, s’est voulue plus pragmatique. Elle a lancé deux plaintes contre la Fédération internationale : l’une en juin, sur l’établissement unilatéral du calendrier des matches internationaux et la décision de créer une Coupe du monde des clubs, l’autre en octobre devant la commission européenne sur le droit à la concurrence, les différentes ligues européennes estimant que la multiplication des compétitions internationales nuisait à l’attractivité des championnats nationaux.
Rapports médicaux à l’appui, elle met en avant d’autres préconisations : «un minimum de trois semaines de vacances totales», énumère David Terrier, président de la branche européenne du syndicat. «Pas plus de cinq matchs joués tous les trois jours, sans une véritable pause et moins de 55 matches joués par saison», poursuit-il.
«Baisse de performance»
«Au-delà de ces chiffres, outre la santé des joueurs, on constate une baisse de la performance et donc de la qualité du produit. Il s’agit donc d’une base de départ pour discuter afin que le football reste un beau spectacle», précise le dirigeant, également président du syndicat des joueurs français (UNFP).
Pour l’heure, le dialogue est pourtant rompu entre la Fifpro et la FIFA, qui se défend en rappelant régulièrement qu’elle n’est responsable que d’une très faible part des rencontres des clubs et qu’elle ne fait que remplir son devoir en trouvant de nouvelles sources de revenus pour les fédérations.
Inflexible sur la tenue de ses compétitions, l’instance internationale veut tout de même montrer qu’elle entend la grogne des joueurs. En octobre, elle a monté un groupe de travail, dirigé par Arsène Wenger, chargé de réfléchir et d’apporter des recommandations sur le bien-être des joueurs.
Un groupe de travail auquel ne participera pas la Fifpro. «Nous discutons déjà avec l’UEFA qui est une émanation de la FIFA», se justifie David Terrier. «Nous ne souhaitons pas discuter avec la FIFA dans ce format, mais nous ne voulons pas la guerre, nous voulons trouver des solutions», insiste-t-il.
«Ces cadences sont en train de détruire la poule aux œufs d’or qu’est le football, conclut-il. Nous souhaitons au contraire protéger la base même de ce qui fait sa force : le spectacle et les joueurs.»