« Sans le public, ça perd de son sens »: en Italie, Angleterre ou Espagne, les trois derniers grands championnats européens encore en cours à huis clos, les « speakers » des stades doivent rivaliser d’imagination au micro pour maintenir un semblant d’ambiance et éviter de se sentir inutiles.
En France, la reprise a été fixée avec une jauge limitée à 5 000 spectateurs par le gouvernement, ce qui permet davantage d’interaction pour l’animateur, face à quelques milliers de supporters privilégiés. Mais cela reste pour l’heure une exception en Europe de l’ouest. Comment les « voix des stades » ont-ils vécu la reprise à huis clos ? Comment s’adapter aux nouvelles conditions et à l’inactivité ? De Lyon à Naples, en passant par Liège, trois figures des stades européens témoignent.
« J’ai commenté mon dernier match au stade de Sclessin le 7 mars. J’éprouve un vrai, vrai manque ! Déjà avant ce dernier match, avec le Covid, plus personne ne se serrait la main, ne se faisait la bise. C’était étrange. » « Ce manque, je n’arrive pas à l’apaiser car, en Belgique, on reporte sans arrêt la reprise. Ce manque de communion avec le public ne cesse donc de s’accroître. Et financièrement, c’est difficile. Depuis le 7 mars, je suis sans revenu aucun. » « On nous parle de matches à huis clos pour la reprise du championnat. Mais je n’y serai pas à la suite d’une décision du club. Dommage, j’aimerais y être. Certes, sans public, ce n’est pas pareil. Mais pour le son à la TV, pour motiver les joueurs, cela aurait été intéressant. »
Mon style doit s’adapter sans cesse aux conditions
« Il est évident qu’un stade sans public enlève tout le sel, pour ne pas dire l’intérêt du sport professionnel. Pour autant je pense que le speaker est un élément essentiel de chaque stade. » « En cas de huis clos, par exemple, nous pouvons animer les réseaux sociaux du club en avant-match, proposer des interviews, des plongées à l’intérieur du club, des choses permettant de garder le lien entre l’équipe et ses supporters ». « Mon style doit s’adapter sans cesse aux conditions, cette jauge de 5 000 spectateurs n’y fera pas exception. Cela sera assez nouveau pour tout le monde, nous devrons trouver nos marques, supporters, joueurs, staff, et personnels bossant sur le match. On saura faire, on a le stade pour et une faim de lion après quatre mois d’arrêt. »
« (La reprise à huis clos) a été étrange et surtout très difficile parce que tout à coup, je me suis retrouvé tout seul, à tout devoir faire tout seul. Et en fait, je ne peux pas prendre la place du public. Il y a besoin du public pour faire vivre le stade, pour faire naître l’émotion. Sans le public, ça perd de son sens. » « Sincèrement, je l’ai mal vécu. Je suis habitué depuis des années à ce que les matches soient un moment de grande fête. Et sans le public, il n’y a pas d’enthousiasme et je le regrette vraiment. » « J’ai essayé de tout faire comme d’habitude. J’ai mis la musique pour l’échauffement (NDLR : Live is Life, lala lalala), j’ai annoncé les compositions, j’ai hurlé sur le but (Mertens, 1-1 contre l’Inter Milan en demi-finale retour de la Coupe d’Italie, en juin dernier).
Ça me fait quand même mal au cœur qu’il n’y ait pas eu le public
Mais il n’y a aucune comparaison avec un match normal. » « Je pense que ça a quand même un sens de faire tout ça. En tout cas, j’ai envie de le penser. Je fais ça pour les gens, pour le public, comme toujours. J’imagine qu’ils sont là, qu’ils m’entendent, et que ça permet de maintenir le lien habituel entre l’équipe, moi et le public. » « Et c’était important aussi pour le but de Mertens (but du record historique du Napoli). Dries est vraiment spécial pour nous, vraiment important. Et pour ce but spécial, il fallait faire du bruit. Il me l’avait d’ailleurs dit avant : ‘Si je marque, fais-moi plaisir, tu hurles’. Ça me fait quand même mal au cœur qu’il n’y ait pas eu le public mais il fallait faire sentir à Dries qu’on était heureux. Alors j’ai crié encore plus fort. »
AFP/LQ