Tadej Pogacar a remporté son premier titre de champion du monde dimanche à Zurich en attaquant à 100 kilomètres de l’arrivée pour réussir un exploit inédit depuis 37 ans.
Dans l’aire d’arrivée, Tadej Pogacar est passé par toutes les couleurs. Mais c’est évidemment son visage extatique qu’on retiendra, comme souvent lorsque le Slovène atteint l’un de ses objectifs. À 26 ans, il croque avec gourmandise sur tous les morceaux du cyclisme mondial et comme c’est un grand connaisseur, il apprécie chaque pièce qu’il cisèle avec son unique talent. Le grand public ne se lasse pas du style Pogacar, merveilleusement offensif. Et le Slovène ne se lasse pas de collectionner les grandes œuvres du cyclisme mondial.
Ce matin, le voilà donc champion du monde. Au prochain Tour de Lombardie qu’il a remporté pas moins qu’à trois reprises, il va pouvoir défiler, les yeux rieurs et remplis d’une légitime fierté, dans son maillot arc-en-ciel. Dans les courses d’un jour, il ne lui restera donc que Milan-San Remo et Paris-Roubaix à rafler. Bref, une simple affaire de temps. Tadej Pogacar a beau être pressé, on peut souligner également sa patience à grignoter, une par une, les plus belles courses d’un jour.
Quel régal quand même de le voir se mettre dans des situations improbables qui seraient à peu près perdues pour tout le monde. Mais Tadej Pogacar possède un don quasiment unique pour plier et tordre son destin en son seul avantage. À le regarder partir à la conquête de ce championnat du monde aussi beau qu’espéré, et pour la première fois de la semaine disputé sous un joli soleil de septembre, et en ressortir grand vainqueur, on pourrait penser, à tort, que le cyclisme est d’une simplicité désarmante. Certes, Remco Evenepeol et Mathieu Van der Poel, encore une fois ses adversaires les plus prégnants et les plus incisifs, jouent d’ailleurs sur le même registre. L’amour du cyclisme et des grandes épopées. La bravoure chevillée au corps. Ce qui a été d’ailleurs l’un de leurs problèmes, hier, lorsque le Slovène était parti pour de bon à la conquête de son titre, puisqu’ils se marchèrent constamment sur les pieds, l’intérêt de l’un n’étant pas l’intérêt de l’autre. Et d’autres ambitieux comme Enric Mas, Toms Skujins, Marc Hirschi, Ben O’Connor, comme Ben Healy, ont forcément tous imaginé tour à tour pouvoir être les plus malins. Être celui qui viendrait lui faire payer cash son excès de gourmandise. Et lui rabattre son caquet.
Un petit doute
Franchement, lorsqu’il semblait flancher avec un écart stagnant à 40 secondes, un petit doute est apparu. Mais finalement, non, Tadej Pogacar a su forcer, une nouvelle fois, son destin.
Et puis on savait que fatalement Tadej Pogacar allait se lancer précocement dans un raid dont il partage le secret, avec justement ses meilleurs rivaux, Remco Evenepoel et Mathieu Van der Poel sont des coutumiers du fait. Mais partir à un peu plus de 100 bornes du but, cela reste quand même un sacré défi. Une fois placés sous la déflagration du choc, ses principaux rivaux qui finirent par se retrouver dans le dernier tour de circuit, à une quinzaine de bornes de l’arrivée, reprirent des couleurs. Car à ce moment crucial de la course, il y avait là une dizaine de poursuivants qui se proposaient enfin d’unir leurs efforts.
Le Suisse Marc Hirschi, attendu par tout son pays et les fans du cru. Également le Belge Remco Evenepeol qui aura vécu un Mondial contrasté, parsemé de fulgurances sans pour autant de grande continuité. Évidemment, le Néerlandais Mathieu Van der Poel, tenant du titre qui, crânement, a joué et rejoué le coup malgré un parcours qu’on savait un poil trop rugueux pour lui. On retrouvait là les derniers opposants à Tadej Pogacar qui se sont inclinés les armes à la main.
Il n’y a franchement pas à rougir.
Luc Wirtgen dans l’échappée
Le plus fort a gagné et il n’y a franchement rien à redire. Sinon à remarquer le supplément d’âme de celui qui a réussi cette saison le doublé Giro-Tour après avoir raflé les Strade Bianche et Liège-Bastogne-Liège et finit donc en trombe avec ce premier titre de champion du monde. Le Slovène, par son attaque lointaine et ce nouveau pari un peu fou de se faire la malle de si loin, a poussé au paroxysme cette idée du cyclisme d’aujourd’hui qui fait florès.
Côté luxembourgeois, Luc Wirtgen a intégré l’échappée matinale qui s’est constituée après une vingtaine de kilomètres, en compagnie du Suisse Silvan Dillier, du Norvégien Tobias Foss, de l’Allemand Simon Geschke, du Portugais Rui Oliveira et du Polonais Piotr Pekala.
Longtemps, l’écart avoisina les quatre minutes. Puis un groupe de contre s’est lancé à leur poursuite. C’est à 104 kilomètres de l’arrivée que ce groupe est revenu sur les échappés. Dans la foulée, Tadej Pogacar attaquait et revenait sur ce peloton de tête ainsi reconstitué où figurait encore Luc Wirtgen, repris par ce qui restait du peloton à 75 kilomètres du but.
Par ailleurs, Bob Jungels a pris la 65e place dans un peloton d’une trentaine de coureurs à 12’09 » de Pogacar. Il était le seul Luxembourgeois à finir un Mondial d’anthologie.