Comme chaque année, les postulants sont multiples au départ. Le Mur de Huy fait figure d’épouvantail.
Pour la deuxième année consécutive, la cathédrale du cyclisme wallon qu’est le Mur de Huy va résonner dans le vide. Un comble pour quiconque a traîné un jour dans les parages de la Flèche Wallonne. Du pied au sommet, la fête est habituellement partout. Et avec ce petit soleil printanier qui commence à chauffer sous les casquettes, on a du mal à réaliser que la pandémie puisse continuer à bouleverser toutes ces vieilles et indécrottables habitudes que les fans ont prises durant des décennies. Mais c’est une chance que la course ait lieu. Et c’est sans doute ça qu’il faut d’abord apprécier.
Dans ce genre du «ce n’est plus comme avant…», on notera qu’un seul Luxembourgeois se retrouve au départ, puisque la mort dans l’âme, sans rien avoir pu montrer de ses qualités dans cette campagne de classiques flandriennes qu’il attendait pour effacer un début de saison salopé par des problèmes dorsaux, Bob Jungels n’est pas remis de sa spectaculaire chute survenue dimanche dans l’Amstel Gold Race. Dans cette Flèche où il s’est souvent distingué en attaquant de loin, sans pour autant réussir à faire le mur, mais en préparant quelquefois le terrain pour des coéquipiers comme Julian Alaphilippe en 2018, la muraille de Huy ne s’accommodant pas du tout de ses qualités, il avait prévu de se mettre au service de Benoît Cosnefroy, deuxième l’an passé derrière Marc Hirschi.
Un Benoît Cosnefroy au tempérament de feu, un attaquant-né, un puncheur de talent, qui lui aussi souffre de problèmes dorsaux. «J’ai un problème de dos qui a créé un problème de genou. Il faut que je règle tout ça pour retrouver un peu de bien-être. C’est une question de position. Il y a des compensations possibles à mettre entre la cale et la chaussure. Maintenant, j’espère que mon corps va s’adapter à ces changements. J’ai envie de trouver des solutions pour la suite de ma carrière…», a-t-il expliqué hier lors du point presse de son équipe. Ce qui ne l’empêche pas d’être «au départ avec de l’ambition et de l’envie. J’espère que l’envie va compenser ces petits pépins physiques. Je vais tout donner !» Voilà pour le coéquipier de Bob Jungels.
Inutile d’insister sur le sujet, le seul Luxembourgeois qui sera au départ est en pleine progression. Luc Wirtgen n’a que 22 ans, mais il a terminé 69e du Tour des Flandres, 42e de l’Amstel Gold Race. Il a tout ce qu’il faut pour briller dans ces classiques ardennaises. «Pour la Flèche, on va se mettre au service de notre leader, Jelle Vanendert qui termina troisième en 2018. Mais si je peux aller dans l’échappée matinale, alors oui, ça me conviendrait bien», sourit l’intéressé qui entend rester sur cette courbe ascendante.
Pour autant et c’est tous les ans le constat que nous dressons au moment de présenter la Flèche Wallonne remportée par Kim Kirchen en 2008, une épreuve à laquelle Andy Schleck a également pris la deuxième place l’année suivante, les postulants sont multiples…
La patience a du bon
Mais ce n’est pas non plus n’importe quel grand nom qui parvient toujours à s’illustrer en haut du Mur de Huy, sur cette terrible pente en serpentin qui défile sur le chemin des Chapelles, offrant un pourcentage de 10% sur 1 300 mètres et des pointes à 21%, bref une belle vacherie si vous ne parvenez pas à passer en injection.
En clair, si on admet que le parcours proposé ne peut plus permettre à un coureur d’arriver seul ou en échappé, si on admet qu’un peloton, même réduit à sa plus simple expression au pied, arrive presque avec fatalité à se présenter au pied, alors il n’y a pas de secret. Il faut regarder dans la catégorie des puncheurs grimpeurs pour imaginer le nom du vainqueur. Pas étonnant donc qu’Alejandro Valverde, qui fut longtemps le prototype, s’y soit imposé à cinq reprises.
Mais depuis, les élèves ont dépassé le maître qui file vers ses 41 printemps. On songe en premier lieu à Julian Alaphilippe, deux fois deuxième (2015 et 2016), puis deux fois vainqueur (2018 et 2019), qui est donc devenu le spécialiste numéro un de la Flèche. À cet égard, la tactique n’a pas changé. «Il faut savoir attendre le dernier virage avant de s’élancer, ni trop tôt, ni trop loin. Il faut être prêt pour un combat avec la pente», prophétisait par exemple, après sa carrière, Kim Kirchen.
Le résumé est parfait. Valverde et Alaphilippe semblent avoir tout compris. Mais l’an passé, on remarquera que Marc Hirschi s’est imposé dès sa première participation. Primoz Roglic, qu’on a senti intenable, dimanche dans l’Amstel, avant d’être éliminé sur incident mécanique, pourrait bien faire de même. Qui pourra bien le tenir en laisse si le grimpeur slovène accélère et accélère encore comme il en a désormais le secret ? Et Tom Pidcock, lui aussi pourrait bien faire mouche dès sa première participation, malgré ses 21 ans. Son poids plume de 58 kilos sera un sacré avantage au plus fort de la pente. Quant à son punch…
Hâte de voir Pogacar…
Puisque Marc Hirschi s’est montré on ne peut plus poussif, dimanche à Valkenburg, on se demande bien si les données peuvent changer si vite en trois jours. Alors dans ce cas, pourquoi ne pas miser sur Tadej Pogacar ? On ne le décrit pas assez puncheur pour s’imposer. Mais c’est faux. Le dernier vainqueur du Tour, vainqueur de Tirreno-Adriatico et troisième du récent Tour du Pays basque cette saison, a lui aussi toutes les qualités pour remporter la Flèche Wallonne qu’il avait terminée à la neuvième place fin septembre 2020. Parmi les hommes d’expérience, l’Australien Michael Woods a retrouvé une bonne condition et il fut actif dans l’Amstel. On ne présente plus Maximilian Schachmann, saignant dimanche dans l’Amstel et Jakob Fuglsang, deuxième en 2019, où il avait, il est vrai une tout autre allure.
Par contre, on doute de la possibilité de Philippe Gilbert, lui aussi un ancien vainqueur, mais de retour après une période de repos, en mode burn-out. Le Wallon qui reste un compétiteur hors pair peut favoriser les desseins d’un Tim Wellens, lequel en cas de succès, connaîtrait un joli couronnement.
Mais sans doute que le plus attendu reste évidemment Julian Alaphilippe. Le champion du monde n’a gagné jusqu’ici qu’une étape de Tirreno-Adriatico, alors même dans un silence de cathédrale, un triplé en ces lieux magiques, aurait le don de redonner le sourire à ce futur papa. «J’ai senti mes limites au sommet du Cauberg, dimanche, quand j’étais dans la roue de Wout Van Aert (NDLR : vainqueur final). J’avais besoin de récupérer…», minore-t-il avant le départ. S’il calait nul doute que l’épatant Wim Vansevenant serait là, pour pointer le bout de son nez, très remuant! L’empoignade, comme toujours vaudra son pesant d’adrénaline.
Denis Bastien
Mode d’emploi
85e édition de la Flèche Wallonne :
Le parcours : 193,6 km entre Charleroi et Huy. Départ à 11 h 15, arrivée vers 16 h 30. Parcours accidenté avec trois montées du Mur de Huy (Km 130, Km 162 et arrivée). Côte du chemin des Gueuses à 9,7 km de l’arrivée.
Le palmarès : 84 éditions depuis la création de l’épreuve en 1936, 38 victoires belges, 18 pour l’Italie, 10 pour la France, 8 pour l’Espagne, 3 pour la Suisse, 2 pour le Danemark, 1 pour l’Allemagne, l’Australie, les États-Unis, le Luxembourg (Kim Kirchen en 2008) et les Pays-Bas.
Record des victoires : 5 pour Alejandro Valverde (ESP) entre 2006 et 2017.
Les derniers vainqueurs:
2016 : Alejandro Valverde (ESP)
2017 : Alejandro Valverde (ESP)
2018 : Julian Alaphilippe (FRA)
2019 : Julian Alaphilippe (FRA)
2020 : Marc Hirschi (SUI)
Les principaux engagés : Alaphilippe, Vansevenant (Deceuninck), Wellens, Gilbert (Lotto Soudal), Roglic, Vingegaard (Jumbo-Visma), Matthews, Chaves (BikeExchange), Woods, Impey (Israël Start-Up Nation), Martin, Herrada (Cofidis), Vlaverde, Mas, Garcia cortina (Movistar), Gaudu, Madouas (Groupama-FDJ), Mollema, Lopez, Skuijns (Trek-Segafredp), Hirschi, Pogacar, Costa, Formolo, Ulissi (UAE), Fuglsang, Aranburu, Lutsenko (Astana), Bakelants, Vliegen (Intermarché-Wanty), Leknessund (DSM), Schachmann, Konrad (Bora), Cosnefroy, Champoussin, Paret-Peintre (AG2R Citroën), Pidcock, Carapaz, Geoghegan Hart, Kwiatkowski, A. Yates (Ineos), Teuns, Haig, Poels (Bahrain), Aru, Henao (Shubeka), Vanendert, Luc Wirtgen (Bingoal), Higuita, Caicedo, Uran (EF Education), Kreuziger (Gazprom), Ghirmay (Delko).
LA COURSE DAMES
Anna van der Breggen, la championne du monde en titre partira en effet à l’assaut de sa septième Flèche d’affilée, après en être devenue la reine en battant l’an dernier le record de sa compatriote Marianne Vos. La domination néerlandaise s’étend désormais à onze victoires dans l’épreuve sur les quatorze dernières.
La course : 130, 2 km; principales engagées : Marianne Vos, Annemiek Van Vleuten, Elisa Longo Borghini, Anna Van der Breggen, Cécile Ludwig.