LIÈGE-BASTOGNE-LIÈGE Le Slovène, dernier vainqueur du Tour rageait de n’avoir pu participer à la Flèche Wallonne. Il s’est vengé en raflant de haute lutte la Doyenne !
Comme l’an passé, Julian Alaphilippe, maillot de champion du monde sur le dos, a terminé Liège-Bastogne-Liège sur la ligne à la deuxième place. Avec son maillot de champion du monde sur le dos. Comme l’an passé, le coureur français faisait figure de favori à mesure qu’il était devenu inéluctable qu’un sprint entre cinq hommes, les plus forts manifestement, allait départager les meilleurs. Lesquels, comme l’an passé, se sont mis hors de portée de leurs poursuivants époumonés en haut de la Roche-aux-Faucons. Comme l’an passé, un Slovène s’est imposé à Liège. Primoz Roglic, l’an passé présent sur le final, mais un peu trop poussif pour que le vainqueur du dernier Tour du Pays basque, récent deuxième de la Flèche Wallonne, puisse espérer vraiment mieux.
Mais cette fois, contrairement à l’an passé, Julian Alaphilippe ne s’est pas fait déclasser. Mais simplement, dans les derniers mètres, il s’est fait dépasser par un Tadej Pogacar époustouflant. Simplement plus fringant, plus saignant. D’ailleurs, cette fois-ci, le coureur français n’avait vraiment rien à se reprocher. Il avait couru juste avec l’aide de son équipe Deceuninck-Quick Step toujours aussi bien organisée, généreuse et volontaire dans la bataille.
Avec Primoz Roglic, Alaphilippe partageait le statut évident de favori cinq étoiles. Et si le premier nommé avait parfaitement résisté à l’offensive marquée de l’équipe Ineos dans la côte des Forges, belle petite vacherie coincée entre la Redoute et la Roche-aux-Faucons, les trois dernières grosses difficultés d’une sacrée longue journée, Julian Alaphilippe réintégra le peloton de tête qui récupérait un à un les rescapés de l’échappée matinale, presque in extremis.
Woods fait le ménage
Mais le principal était manifestement de pouvoir suivre lorsque l’intenable et expérimenté Michael Woods (Israël Start-Up Nation), spécialisé au fil des années dans ces classiques de grimpeur, faisait le forcing. Nous étions sur le sommet de la Roche-aux-Faucons, là où chaque année le dernier écrémage se réalise. C’est comme ont dit dans le jargon, c’est à la pédale, que le groupe de cinq coureurs s’était détaché, chacun étant manifestement bien content que ni Primoz Roglic, ni Jakob Fuglsang, les deux derniers lauréats de la Doyenne, pas plus que le frétillant allemand Maximilian Schachmann, un peu éteint hier, ne puissent suivre ce mouvement de doux dingues.
Mais à la différence des précédentes éditions, la bagarre avait commencé un poil plus tôt. L’équipe Ineos déployait ses forces et ses talents. Les anciens vainqueurs du Giro Tao Geoghegan Hart et Richard Carapaz (l’Équatorien fut ensuite déclassé pour avoir adopté une position sur le cadre du vélo désormais interdite) comme Adam Yates, en faisaient tant qu’on se demandait bien qui restait en réserve pour l’assaut final… Pas Michal Kwiatkowski car l’ancien champion du monde polonais, manifestement protégé, n’eut pas les cannes pour survivre à la secousse. Dans tous les cas, comme à chaque fois avec Tadej Pogacar, l’équipe UAE aura couru très juste. Davide Formolo brouillait les pistes, Marc Hirschi démontrait qu’il était enfin revenu à un très bon niveau et le dernier vainqueur du Tour buvait du petit-lait en passant ses relais.
L’effort au bon moment…
Le jeune homme, on le sait depuis le dernier Tour de France est déconcertant d’aisance. Pas le genre à refuser le combat. À sauter ses relais. Mais il sait aussi manifestement en garder sous la pédale pour surgir là où on ne l’attend pas. Dans le chrono, la veille de l’arrivée du Tour. Dans ce sprint où ce n’est tout de même pas évident de s’offrir le scalp de Julian Alaphilippe et d’Alejandro Valverde, comme prévu, bien présent sur le final, le Slovène a fait l’effort au bon moment, ne découvrant pas trop tôt.
Lorsqu’il contourna Julian Alaphilippe c’était pour l’ajuster d’un geste sûr. Pour compléter, le podium, c’est David Gaudu, le puncheur de Groupama-FDJ, un autre coureur rempli d’avenir, qui est venu squatter la troisième place, en attendant de recevoir sans doute un abonnement longue durée tant l’exercice général lui convient.
Toujours est-il que la course confirme qu’elle a gagné en sublime en installant l’arrivée, au cœur de la ville. Là, où Tadej Pogacar pouvait enfin effacer sa frustration de n’avoir pu participer mercredi à la Flèche Wallonne, frustration que n’avait effacée une sortie d’entraînement de 210 kilomètres sur ces mêmes routes de Liège-Bastogne-Liège. «Je savais qu’Alaphilippe avait un sprint long, je me suis calé dans sa roue et j’ai pu le déborder», résuma tranquillement l’intéressé, lequel étend manifestement le champ de ses compétences. Troisième l’an passé, le jeune homme de taille modeste (1,76 m pour 68 kilos) qui vient de s’offrir la Doyenne en est déjà à six succès cette saison, dont L’UAE Tour et Tirreno-Adriatico. Série en cours…
Denis Bastien
Le classement
1. Tadej Pogacar (SLO/UAE), les 259 km en 6 h 39’26; 2. Julian Alaphilippe (FRA/DEC); 3. David Gaudu (FRA/FDJ); 4. Alejandro Valverde (ESP/MOV); 5. Michael Woods (CAN/ISR) tmt; 6. Marc Hirschi (SUI/UAE) à 7″; 7. Tiejs Benoot (BEL/DSM); 8. Bauke Mollema (NED/TRE) tmt; 9. Maximilian Schachmann (GER/BOR) 9″; 10. Matej Mohoric (SLO/BAH) 11. Michal Kwiatkowski (POL/INE); 12. Jakob Fuglsang (DEN/AST); 13. Primoz Roglic (SLO/JUM); 14. Esteban Chaves (COL/BIK); 15. Guillaume Martin (FRA/COF); 16. Davide Formolo (ITA/UAE) tmt; 17. Jack Haig (AUS/BAH) 12″; 18. Adam Yates (GBR/INE) 37″; 19. Michael Matthews (AUS/BIK) 1’21″; 20. Patrick Konrad (AUT/BOR) mt… 45. Luc Wirtgen (LUX/BIN) 3’06″… 129. Michel Ries (LUX/TRE) 12’13“…146 classés